Fil d'Ariane
Sur la ligne de départ, prêts à être désignés par leur camp, tous des hommes : Bruno Retailleau, Édouard Philippe, Jean-Luc Mélenchon, François Ruffin... Si Marine Le Pen ne peut pas se présenter, la présidentielle 2027 sera-t-elle entièrement masculine ?
Le palais de l'Elysee, à Paris, le 2 avril 2025.
Dans le paysage politique que déserterait une Marine Le Pen inéligible en 2027, les premières études sur les cotes de popularité ou d'influence des présidentiables ne font pour l'instant pas grand place aux femmes. A l'exception de Yaël Braun-Pivet qui ne cache pas ses ambitions au centre et de Marine Tondelier, seule cheffe de parti, chez des Écologistes qui comptent partir unis avec le reste de la gauche. Et bien sûr de Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière. Un "signal fort" que le monde politique "n'a pas beaucoup évolué" en terme d'égalité hommes-femmes, selon plusieurs personnalités.
La popularité au zénith de la leader d'extrême droite - de même que celle de sa nièce Marion Maréchal - en ferait la favorite du premier tour pour 2027. Mais elle ne saura qu'à l'été 2026 si elle est en mesure de concourir et d'ici là, tous les partis se seront mis en ordre de marche.
Or, dans une étude BVA, la première femme à apparaître derrière les deux personnalités lepénistes, respectivement 1ère et 7ème, est Martine Aubry, 12ème, puis Rachida Dati, 19ème. Ni l'une ni l'autre ne se place dans la perspective de 2027. Dans une étude similaire réalisée par Toluna/Harris Interactive, Ségolène Royal arrive au 13ème rang et Élisabeth Borne au 14ème rang. Dans le détail, aucun camp - sauf le RN - ne porte son premier ou deuxième choix sur une femme, pour le représenter à la présidentielle.
Cette situation "traduit une difficulté pour le monde politique à évoluer sur ces questions quand il n'y a pas de contrainte", explique Christelle Craplet, directrice Opinion chez BVA. Elle rappelle que la loi sur la parité a permis "une vraie progression" dans les exécutifs locaux. Mais que le choix des chefs de parti et des candidats reste à la main des organisations.
Les partis politiques continuent à reproduire exactement la même organisation du pouvoir malgré vingt-cinq ans de loi sur la parité. Laurence Rossignol
"Les partis politiques continuent à reproduire exactement la même organisation du pouvoir malgré vingt-cinq ans de loi sur la parité", reconnaît la sénatrice socialiste Laurence Rossignol. Elle y voit la volonté des hommes de "s'organiser entre eux pour conserver le pouvoir... Leur misogynie est un moyen au service de leurs ambitions", explique-t-elle, qui leur permet de "limiter le nombre de candidats au pouvoir, c'est aussi prosaïque que ça".
Une situation qui "n'est pas propre au monde politique", observe Christelle Craplet, "les grandes entreprises restent massivement dirigées par des hommes... Il ne faut pas s'imaginer que dans ce pays, l'égalité femmes-hommes a abouti", souffle Laurence Rossignol.
On m'a fait comprendre que tenir un appareil politique n'était pas une affaire de femmes. Agnès Evren
"Quand j'ai voulu prendre la tête de la fédération LR de Paris, on m'a fait comprendre que tenir un appareil politique n'était pas une affaire de femmes, 'il faut des qualités viriles, quand il faudra négocier, tu n'auras pas les nerfs solides'", raconte la sénatrice Agnès Evren, se rappelant aussi que son parti réservait les circonscriptions difficiles à gagner aux femmes.
Elle dépeint une "dichotomie entre les cadres politiques et les électeurs", convaincue que "les citoyens sont prêts à avoir une présidente". De fait, les scrutins où la parité est obligatoire ont montré que les électeurs ne s'attachent pas au genre de leur champion. "Il y a un manque de modèles féminins en politique", estime Marine Tondelier, "et les endroits où il n'y a que des mecs n'ont jamais donné très envie aux femmes".
Outre le "cas Marine Le Pen" qui a "hérité" du parti de son père "sans avoir à se battre" selon Laurence Rossignol, une exception est souvent citée : la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, qui a gravi seule les échelons, toujours contre l'avis du président Emmanuel Macron qui lui préférait, à chaque étape, un candidat masculin.
Mais pour s'aligner sur l'élection reine, si les sondages restent les mêmes, sa meilleure chance serait probablement de passer par une primaire de son camp qui permet à des outsiders d'émerger, comme Valérie Pécresse en 2022. De même pour la dirigeante écologiste. Au centre, à gauche comme à droite cependant, l'organisation d'une telle primaire est loin de faire consensus.
(Re) lire dans Terriennes :
Assemblée nationale française : la féminisation à reculons
Élections en France : à quand la parité au Sénat ?
Yaël Braun-Pivet, reconduite à la présidence de l'Assemblée nationale française