Présidentielle américaine 2016 : un clivage entre femmes et hommes comme jamais

Les femmes contre les hommes : à en croire les projections et sondages, cette confrontation sexuée aura marqué la campagne électorale inhabituelle et sévère qui s'achève le 8 novembre 2016. Et qui aura opposé, pour la première fois de l'histoire de la démocratie américaine, une femme et un homme.
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Atout Beyonce pour Clinton
Femme et noire, la chanteuse Beyoncé, atout de poids dans la dernière ligne droite d'Hillary Clinton, le 5 novembre 2016, lors d'un concert à Cleveland (Ohio)
AP Photo/Andrew Harnik
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On objectera que la projection publiée au mitan du mois d'octobre 2016 n'est qu'issue de sondages, et qu'elle ne permet pas plus que d'autres études de percevoir l'issue d'un scrutin si incertain et inédit. Qui voit s'opposer une femme, à la carrière politique déjà longue, pas toujours transparente, et un homme d'affaires, plus enclin au spectacle qu'à la réflexion.

Mais malgré les précautions d'usage, la photographie proposée, moins d'un mois avant le vote par le site Fivethirtyeight, qui s'est fait une spécialité dans l'analyse de données lors des présidentielles,  est saisissante : elle montre un vaste fossé entre les sexes - le fameux "gender gap" - dans l'inclination pour l'une ou l'autre des candidats. Si les Américaines seules votaient, 458 grands électeurs iraient à Hillary Clinton  contre 80 seulement à Donald Trump. A l'inverse, si les hommes seuls glissaient leur bulletin dans l'urne, 350 grands électeurs en sortiraient pour plébisciter Trump contre 188 à Clinton.
 
Cartes du site fivethirtyeight sur le gender gap - USA 2016
Le "gender gap" de la présidentielle américaine 2016 démontré par les cartes issues des analyses des sondages d'octobre, par le site fivethirtyeight.
fivethirtyeight

Pour Nate Silver, rédacteur en chef du site, et l'un de ses fondateurs, auteur de l'article, qui a croisé et épluché 12 sondages, de tous médias et tendances confondus, "il semble juste d'annoncer que si Trump perd cette élection, c'est parce que les femmes auront voté contre lui."
 

Le "care" derrière Clinton, la peur de la perte de la virilité derrière Trump

Hillary Clinton choisie par the Economist
"Le meilleur espoir pour l'Amérique", c'est sans doute possible Hillary Clinton pour The Economist, britannique et libéral, à la veille de la présidentielle du 8 novembre 2016
Lors des précédents scrutins présidentiels américains, en novembre 2008 et 2012, Barack Obama, qui avait fait de l'égalité professionnelle et de la défense du droit à l'avortement des thèmes importants de campagne, doit aussi ses victoires au soutien d'une majorité des femmes. Mais pas dans la proportion de cette année 2016.

Malgré ses défauts aux yeux de nombre d'électrices démocrates, Hillary Clinton incarnerait la revanche des femmes, l'explosion du plafond de verre et une autre approche de la politique, via ce fameux "care", cette éthique de la sollicitude qui serait le propre des femmes selon certaines féministes américaines.

Tandis que Donald Trump séduirait les mâles blancs de la classe moyenne ou de la petite bourgeoisie, peu éduqués et craignant pour leur virilité, qui forment le gros des troupes républicaines. Ce qu'a bien compris la candidate démocrate qui ne cesse de solliciter ses concitoyennes et de leur rappeler que "les femmes ont le pouvoir de stopper Trump."
 

Pourtant nombre d'entre elles la choisissent par défaut. Dans le Monde diplomatique de novembre 2016, avec "Toutes les Américaines ne s'appellent pas Hillary" - un remarquable reportage, Florence Beaugé rappelle quelques vérités auxquelles pourrait se heurter la candidate de l'"establishment", c'est à dire principalement de l'élite blanche américaine. D'autres fossés fissurent les évidences, et expliquent que lors des primaires, de nombreuses jeunes femmes avaient préféré Bernie Sanders, un homme pourtant. Mais qui, à leurs yeux, leur semblait plus apte à rattraper les énormes retards sociaux et sanitaires des Etats-Unis en matière de droits des femmes.
 

Les droits des femmes - une autre (mauvaise) histoire des Etats-Unis...

Pour le Monde diplomatique, mensuel français en rupture avec la pensée dominante, Florence Beaugé a donc parcouru l'Ohio à la rencontre de citoyennes de tous âges, de toutes origines, de toutes opinions. Les vies se croisent et tissent une autre histoire que la "success story" de Madame Clinton. "Aux Etats-Unis, le taux de mortalité maternelle est le plus élevé du monde développé. Loin de diminuer, il a plus que doublé depuis la fin des années 1980." En particulier parmi les Afro-Américaines. "Quatre pays seulement ne garantissent pas le congé maternité : le Swaziland, le Lesotho, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et... les Etats-Unis."
Côté emploi des femmes, "il y a un quart de siècle, les Etats-Unis occupaient la 6ème place au sein des pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Aujourd'hui, ils sont au 17ème rang".
En politique ? "Le congrès ne compte plus que 19,4% d'élues. La quasi totalité des postes de gouverneur sont tenus par des hommes (44 sur 50)."
Et le saviez vous ? Les Etats-Unis, où selon Human Rights Watch, "une femme sur cinq est violée" n'ont par ratifié la Convention sur l'élimination des toutes les formes de discriminations à l'égard des femmes (Nations Unies, décembre 1979). Comme quatre autres membres : l'Iran, la Somalie, le Soudan et les Îles Tonga, pays bien connus pour leur fervente défense des droits des femmes...

Florence Beaugé souligne aussi que Hillary Clinton incarne un féminisme blanc, hétérosexuel et bourgeois, rejeté par des Afro-Américaines toujours plus nombreuses qui se demandent si "elles sont plus discriminées parce que femmes ou parce que noires". Le social et racial "gap" ne serait-il pas encore plus abyssal que le "gender gap" ?

Faire de la politique, selon les Américaines

Dans le reportage réalisé par les envoyés spéciaux de la chaîne publique française France 3, on peut entendre une élue démocrate expliquer comment l'élection d'une femme à la fonction suprême de la première puissance mondiale changera la conception même du politique. Tandis que des républicaines refusent se fichent de savoir si leur "héros" a agressé sexuellement des femmes par le passé.
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