Marine Le Pen, pour l'extrême droite, affrontera au second tour de la présidentielle française le 7 mai 2017 le social-libéral Emmanuel Macron, deuxième candidate dans l'histoire de la Vème république à parvenir aux marches de la fonction suprême, après Ségolène Royal en 2007. Elle dit faire des droits des femmes un thème de campagne. Fiction ou réalité ? Réponses de la politologue Janine Mossuz-Lavau et de la militante féministe Rebecca Amsellem.
Pour sa deuxième candidature au poste suprême, Marine Le Pen a donc franchi une première étape, celle du premier tour. La candidate du Front National n'y était pas parvenue en 2012. Au lendemain du vote, l'heure est fertile en pronostics, nous éviterons de nous y frotter, en revanche, on peut se poser cette question... Le fait d'être une femme candidate a-t-il un impact sur le choix des électeurs-trices, surtout quand on s'appelle Le Pen ?
Drôle de calendrier, soixante-treize ans après avoir conquis le droit de vote, le 21 avril 1944, les femmes se sont dirigées un 23 avril vers les bureaux de vote avec parmi le choix proposé, deux femmes et neuf hommes candidats. Depuis l'instauration de l’élection au suffrage universel du Président de la République (en 1962), les femmes sont encore peu nombreuses à se lancer dans la course à l'Elysée. Drôle de calendrier encore, c'est en 2002, l'année du passage de Jean-Marie Le Pen au deuxième tour du scrutin, qu'elles étaient les plus nombreuses, Arlette Laguiller, Christiane Taubira, Corinne Lepage et Christine Boutin.
Les femmes "En marche" ?
Difficile encore de connaitre les proportions exactes du vote féminin vis à vis des deux finalistes 2017 lors de ce premier tour, sachant que les femmes représentent 53% de l'électorat. Mais pour ce qui est des intentions de vote pour le second tour, selon différentes enquêtes d'opinion, ce n'est pas la candidate Le Pen qui se détache mais bien le candidat Macron, et ce sont même les femmes qui voteraient le plus pour le fondateur d'En marche, qui recueillerait 68 % des intentions de vote des femmes, contre 62% chez le électeurs.
"Les femmes continuent d’être moins nombreuses que les hommes à voter pour le FN, mais l’écart tend à se réduire, peut-être parce que Marine Le Pen fait un peu moins peur que son père", nous explique Janine Mossuz-Lavau, directrice de recherche CNRS, émérite au CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po).
Son dernier ouvrage, "Pour qui nous prend-on ? Les "sottises" de nos politiques. Editions de l'Aube, 2012)."Quand c’était le père, (Jean-Marie Le Pen NDLR) il y avait plusieurs raisons qui pouvaient expliquer que les femmes votaient moins pour lui, il donnait une image de violence. Le programme du père, qui s’est atténué vers la fin de sa présidence au Front National, c’était au départ renvoyer les femmes au foyer avec un salaire pour s’occuper des enfants et surtout la remise en cause sur l’IVG", précise la politologue.
"Marine Le Pen n’a jamais voulu renvoyer les femmes à la maison, elle a beaucoup rassuré les femmes sur ce point, avec cet argument et se montrant en exemple
-comment moi, femme divorcée avec des enfants, qui travaille pourrait avoir cette idée ?- C’est sans doute ce qui a adoucit son image vis à vis de l’électorat féminin. Quand à l'IVG, elle ne veut pas remettre en cause ce droit mais ce qu'elle veut, c’est ne plus rembourser ce qu’elle appelle les avortements de confort, c’est à dire quand les femmes se font avorter 3 ou 4 fois".
Marine Le Pen, candidate (anti)féministe ?
A la question, Marine Le Pen pourrait-elle être une candidate féministe, la réponse de Janine Mossuz-Lavau ne surprend guère : "Non pas du tout. Elle veut juste défendre les femmes opprimées par l’Islam ou les femmes pauvres monoparentales. Les femmes des milieux populaires étaient presque aussi nombreuses (que les hommes) à vouloir voter pour elle car elle se présente comme la seule à s’adresser aux milieux de la précarité, qui sont en majorité féminins."
Même question posée à Rebecca Amsellem, fondatrice de
la newsletter féministe "Les Glorieuses" :
"Le fait que Marine Le Pen arrive au second tour 15 ans après son père est une vraie mauvaise nouvelle et un échec pour les féminismes en France. Cette candidate représente un réel danger pour les droits des femmes. En temps que députée européenne, elle a voté systématiquement contre les lois ou dispositions qui étaient destinées à améliorer les droits des femmes en Europe, quand aux élus frontistes, ils ont voté contre un certains nombre de lois qui permettaient de garantir le droit à l’IVG ou encore l’égalité salariale".
"Elle se présente comme une mère, comme une femme, mais c’est un peu un cheval de Troie, certes c’est une mère et une femme, mais elle est on ne peut plus anti-féministe. D’ailleurs, le mot femme n’est inscrit qu’à trois reprises dans son programme", réagit la journaliste-blogueuse, à l'origine de
la plate-forme Les femmes ont le pouvoir, qui a étudié les programmes des candidats à la présidentielle 2017.
A la lecture du programme, il est assez rapide de voir le peu ou le pas de place accordée aux projets consacrés aux femmes par la candidate d'extrême-droite, hormis un plan d'action national annoncé sur l'égalité salariale ou plutôt "professionnelle". "Pour l’Europe, elle a voté contre les résolutions qui envisageaient de prendre en compte qu’il y avait plus de barrières pour les femmes dans le monde de la science ou de l’université et qu’il fallait trouver des moyens pour faire tomber ces barrières, ou encore des textes sur l’émancipation des femmes par le numérique ou par l’entrepreunariat. Toutes ces résolutions qui pouvaient faire évoluer la place des femmes dans le milieu professionnel, elle a voté contre. C’est une espèce de double-discours, dans lequel elle défend l’égalité professionnelle d’un côté mais quand elle a le pouvoir d’intervenir dessus, elle fait en sorte que les femmes n’y parviennent pas", précise la militante féministe.
Pour le second tour du scrutin le 7 mai prochain, les Glorieuses ont lancé un partenariat avec la Women march pour appeler les femmes à l’international à s’exprimer et s’adresser aux Françaises. Aux Etats-Unis, 53% des femmes blanches ont voté pour Donald Trump, "c’est un candidat ouvertement misogyne et ça n’a pas empêché une majorité de femmes de voter pour lui", conclut, sous forme d'alerte, la porte-voix des Glorieuses.
Emmanuel Macron, bon ou mauvais candidat pour les femmes ?
Rebecca Amsellem : "Le candidat Macron s’appuie sur ce thème depuis le début de sa campagne, il veut faire de cette cause, la grande cause de son quinquennat s'il est élu , il promet de faire un gouvernement strictement paritaire et il encourage les femmes à se présenter aux législatives sous son étiquette. Il pourrait même choisir une Première ministre. Après dans les faits, il a pour l'instant cherché à respecter "plus ou moins" cette parité dans son équipe de campagne. Mais pour connaitre les réelles intentions des candidats, on se base sur leurs mandats précédents et sur leurs engagements et actions précises, concernant Emmanuel Macron, c’est du coup plus difficile de se faire une idée."