Fil d'Ariane
C'est une femme qui deviendra présidente pour la première fois au Mexique en 2024. Deux femmes – Claudia Sheinbaum et Xochitl Galvez – sont en lice pour succéder au président Lopez Obrador. De quoi changer, peut-être, la donne dans un pays considéré comme l'un des plus dangereux pour les femmes. Plus de dix femmes sont tuées chaque jour.
À gauche, la candidate du parti au pouvoir et maire de Mexico, Claudia Sheinbaum et à droite, la candidate de l'opposition Xochitl Galvez : les deux femmes sont en lice pour devenir la première femme présidente du Mexique. Rdv le 2 juin 2024.
"C'est la transformation et c'est le temps des femmes", lançait cet été l'ex-mairesse de Mexico Claudia Sheinbaum, visionnaire, lors d'un rassemblement à Mexico City.
Elle avait vu juste puisqu'elle sera l'une des deux femmes à s'affronter pour occuper le fauteuil de la présidence mexicaine. Une première historique dans ce pays. Ce duel 100% féminin se déroulera le 2 juin 2024.
C'est elle que les militants du parti au pouvoir, le Mouvement pour la régénération nationale (Morena, gauche nationaliste) ont choisie en vue de succéder au président Lopez Obrador à l'issue d'une enquête d'opinion organisée pour départager six prétendants au total.
Aujourd'hui c'est le peuple de Mexico qui a décidé. Claudia Sheinbaum, candidate du Morena
Grande favorite de la prochaine présidentielle, son parti est majoritaire au Parlement, et se trouve à la tête de 23 des 32 Etats du Mexique. Elle-même va pouvoir bénéficier de l'incroyable taux de popularité - 60% - du président sortant. "Aujourd'hui c'est le peuple de Mexico qui a décidé", a-t-elle déclaré après l'annonce des résultats.
Claudia Sheinbaum s'exprime après avoir été élue candidate du parti MORENA aux prochaines élections présidentielles nationales, lors d'un meeting à Mexico, le mercredi 6 septembre 2023.
Petite-fille de grands-parents juifs qui ont quitté la Bulgarie et la Lituanie, physicienne de formation, elle est détentrice d’un doctorat en sciences de l’environnement. L'enjeu climatique figure parmi ses priorités, comme elle a déjà pu le montrer comme cheffe du gouvernement de la ville de Mexico de 2018 à 2023.
Je suis une fille de 1968. Claudia Sheinbaum, candidate du Morena
"Je suis une fille de 1968", affirme l'ancienne mairesse de Mexico, qui revendique l'héritage des luttes sociales sans avoir jamais été membre du PRI, l'ex-parti dominant pendant 70 ans. Issue de la bourgeoisie intellectuelle de gauche de la capitale, elle s'est engagée à poursuivre la politique du président sortant. Elle veut continuer à défendre les plus pauvres, notamment les communautés indigènes, tout en mettant en avant les bons résultats macro-économiques de son mentor.
C'est une travailleuse "stakhanoviste comme le Président", comme la présente la correspondante de Libération à Mexico qui "s’est forgé la réputation d’être une gouvernante efficace et méticuleuse, attentive aux détails, plus intellectuelle et plus progressiste que l’actuel président".
Face à elle, Xochitl Galvez, 60 ans : la sénatrice d'origine indigène veut devenir elle aussi la première présidente dans l'histoire du pays.
"Nous allons ouvrir les portes du palais national", une promesse qu'elle compte bien tenir en juin 2024. Pour elle, les portes du palais présidentiel ont été fermées "avec des mensonges, avec des insultes, avec haine" et "à tous ceux qui ne pensaient pas comme eux".
Je suis politiquement daltonienne. Je ne vois qu'une couleur, la couleur du Mexique. Xochitl Galvez, candidate de l'opposition à la présidence
Il ne s'agit pas dans son cas d'une simple métaphore : la sénatrice a lancé sa campagne et réveillé l'opposition en juin dernier après avoir été elle-même refoulée du siège de la présidence, où elle voulait assister à la conférence de presse quotidienne du président. "Je suis politiquement daltonienne. Je ne vois qu'une couleur, la couleur du Mexique", martèle la sénatrice.
Xóchitl Gálvez, 60 ans, la candidate de l'opposition à la présidence mexicaine qui aura lieu en juin 2024.
Xochitl, son prénom, signifie fleur, en langue nahuatl. Née dans un milieu modeste d'un père indigène otomi et d'une mère métisse, elle est originaire de Tepatepec, une petite localité de l'Etat d'Hidalgo (centre). Des origines qu'elle revendique fièrement en portant la blouse artisanale traditionnelle huipil.
"Ma règle d'or: Pas de feignasse, pas d'escrocs, pas d'enfoirés", a-t-elle confié lors d'un entretien avec l'AFP. Adepte du franc-parler, cette ingénieure devenue cheffe d'entreprises est aussi connue pour ses frasques, comme celle de se travestir en López Obrador ou entrer au Sénat déguisée en dinosaure pour contester une réforme qu’elle jugeait antidémocratique, comme le rappelle Libération.
Avec moi il n'y aura pas de marche arrière dans les droits acquis, aussi bien de la communauté LGBTQ+ comme des femmes. Xochitl Galvez, candidate de l'opposition
Politiquement, la candidate de l'opposition de droite déclare emprunter des idées aux trois partis qui la soutiennent (le libéralisme économique du PAN de droite, les idéaux de justice sociale du PRD de gauche, et l'héritage institutionnel du PRI). "Avec moi il n'y aura pas de marche arrière dans les droits acquis, aussi bien de la communauté LGBTQ+ comme des femmes", promet-elle, alor qu'on l'interrogeait sur le droit à l'avortement qui vient d'être dépénalisé sur l'ensemble du territoire mexicain. Quant au mariage pour tous, il est légal dans les 32 Etats.
Fervente féministe, elle a confirmé qu'elle lutterait contre la violence "avec ses ovaires". Le Mexique est considéré par l'ONU comme le plus dangereux pays d’Amérique latine pour les femmes. Dans ce pays peuplé de près de 127 millions d'habitants, plus de dix femmes sont tuées chaque jour, selon un bilan établi par les autorités.