Fil d'Ariane
L'abdication de Margrethe II du Danemark, après la mort d'Elizabeth II d'Angleterre en 2022, laisse l'Europe sans reine en exercice. Une jeune génération de princesses pourrait signer la revanche des souveraines, en prenant à l'avenir la tête des monarchies du Vieux continent.
De gauche à droite (en haut), Ingrid, princesse de Norvège, Elisabeth de Belgique, (en bas) Leonor d'Espagne, Amalia des Pays-Bas, et Victoria de Suède.
Elisabeth, 23 ans ; Catharina-Amalia, 21 ans ; Ingrid Alexandra, 20 ans ; Leonor, 19 ans ; Victoria, 47 ans (et sa fille Estelle, 12 ans) : à l'avènement de cette nouvelle génération, la moitié des monarchies héréditaires européennes pourraient bientôt être dirigées par une souveraine.
Ce nombre élevé de reines potentielles s'explique par une série de lois ayant éliminé la prédominance des héritiers masculins dans l'ordre de succession. L'Espagne, Monaco et le Liechtenstein constituent désormais les seules exceptions en Europe.
En Belgique, la Princesse Elisabeth étant l'aînée, elle est première dans l’ordre de succession au Trône. Depuis le 21 juillet 2013, Elisabeth porte le titre de duchesse de Brabant, titre réservé à l'héritier/héritière présomptif/présomptive, précise le site officiel de la monarchie belge. En juillet 2023, pour la troisième année consécutive, la princesse a participé au camp d'été de l'Académie Royale Militaire de Belgique. L'occasion d'apprendre à diriger un peloton d'une trentaine de soldats – ce qui conduit au grade d'officier – mais aussi à utiliser des armes, telles que des grenades et des armes antichar.
Aux Pays-Bas, le futur souverain sera aussi une reine, le couple royal Willem-Alexander et Maxima ayant eu trois filles. Amalia, aînée de la sororie, et princesse d'Orange, occupe la première place dans l'ordre de succession au trône depuis le couronnement de son père le 30 avril 2013. Depuis 1982, la constitution néerlandaise applique la stricte primogéniture dans la succession au trône royal.
En Norvège, la suppression de la primogéniture masculine a été adoptée en 1990. Ingrid Alexandra, premier – et pour l'instant unique – enfant du couple princier, fait partie de la nouvelle génération en Europe de ces futures reines.
Du côté du royaume espagnol, la princesse s'appelle Leonor. Signe des temps, c'est par SMS que le couple royal avait annoncé sa naissance à la presse, le 31 octobre 2005. Pour fêter cette naissance, plusieurs compagnies d'aviation (Air Berlin et Niki) avaient annoncé qu'elles offraient un voyage gratuit à toutes les Espagnoles se prénommant Leonor. La princesse Leonor vient à la première place dans l'ordre de succession, avant sa sœur cadette, l'infante Sofia, et sa tante, l'infante Elena, duchesse de Lugo.
Enfin, en Suède, la princesse Victoria de Suède, née en 1977, sera la seule femme pouvant monter sur le trône, à la place de son jeune frère Carl Philip, en raison de la loi adoptée en 1980. Et bien sûr avant l'arrivée de la génération Z, incarnée par sa fille Estelle, 12 ans aujourd'hui. "La Suède a été le premier pays au monde à adopter un ordre de succession neutre en matière de genre", souligne l'expert suédois Roger Lundgren.
Pour les observateurs, les monarques d'aujourd'hui sont confrontés à des défis et obligations immuables, qu'ils soient des hommes ou des femmes. "Beaucoup de choses resteront les mêmes" car "une grande partie de ce que font les rois et les reines aujourd'hui et ce qu'ils feront dans 25 ans demeure ce que les rois faisaient il y a 200 ans", explique Roger Lundgren, en référence aux visites d'Etat, réceptions et cérémonies qui constituent le lot commun des monarques.
Chaque nouvelle génération de monarques doit faire face à un défi principal, et non des moindres : la remise en question de l'utilité de la monarchie. Lisa Castro, historienne
La monarchie n'est pas exempte d'évolutions générationnelles. Certaines des princesses actuelles ont suivi des études élitistes dans leur pays ou à l'étranger – comme Elisabeth de Belgique et Leonor d'Espagne, à l'Atlantic College au Pays de Galles – et reçu une formation militaire, contrairement aux reines précédentes. Les futurs rois et reines promettent en outre de coller plus aux attentes et aux défis de leur époque et aux préoccupations sociétales actuelles : urgence climatique et environnement, cause des femmes et de la communauté LGBTIA+…
"Chaque nouvelle génération de monarques doit faire face à un défi principal, et non des moindres : la remise en question de l'utilité de la monarchie", explique Lisa Castro, historienne des monarchies du XIXe siècle et docteure à l'université française Toulouse-Jean Jaurès.
Les princesses du XXIe siècle ont grandi dans un monde marqué par la crise climatique, le mouvement Metoo, la pandémie de covid et la guerre en Ukraine, tout cela sur fond d'explosion des réseaux sociaux.
Il faut être sur plus de plates-formes..., maintenant que les canaux médiatiques traditionnels utilisés par les générations précédentes de royauté n'atteignent plus tout le monde. Ebba Kleberg von Sydow, experte en monarchie
"La cause environnementale est très bien incarnée par les monarchies scandinaves, note Lisa Castro. Il est impossible que l'air du temps n'imprègne pas l'institution monarchique", explique de son côté la journaliste espagnole Pilar Eyre, en citant la manière de "gérer la question de l'image" du prince William au Royaume-Uni et de son épouse Kate. "Il faut être sur plus de plates-formes..., maintenant que les canaux médiatiques traditionnels utilisés par les générations précédentes de royauté n'atteignent plus tout le monde", renchérit l'experte suédoise en monarchie Ebba Kleberg von Sydow.
Autre exemple d'adaptation : aux Pays-Bas, en 2021, le Premier ministre Mark Rutte a confirmé que la princesse Catharina-Amalia pouvait épouser une femme si elle le souhaitait, comme le pays le permet à ses citoyens depuis 2001.
Un pas de plus après l'ouverture de nombreuses monarchies aux roturiers, comme dans le cas de l'Argentine Máxima Zorreguieta, épouse du roi Willem-Alexander des Pays-Bas, ou du Suédois Daniel Westling, entraîneur personnel et désormais époux de la princesse Victoria.
C'est avec ces gestes qu'on gagne l'affection et le respect des citoyens, pas avec de grandes cérémonies ou de grands costumes. Pilar Eyre, journaliste espagnole
Les rois et reines épousent aussi de nouvelles causes. En Espagne, la reine Letizia, qui a rencontré son mari Felipe VI alors qu'elle était journaliste, a récemment visité une association d'aide aux femmes prostituées, ce qui est "inimaginable pour les générations précédentes, selon Pilar Eyre. C'est avec ces gestes qu'on gagne l'affection et le respect des citoyens, pas avec de grandes cérémonies ou de grands costumes", ajoute l'experte, pour qui les princesses actuelles "seront des reines féministes ou ne seront pas".
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