Fil d'Ariane
@Avocats_Paris & @PrixBeauvoir convient échange avec Sara García Gross @SaraVegana activiste féministe #salvador Lauréate Prix SdeBeauvoir 2019 @leplanning @AlertaFeminista 8 janvier 18h30 2 rue Harlay Paris 1 #droitsdesfemmes #LGBTQI @TERRIENNESTV5 @libe @lemondefr @Mediapart pic.twitter.com/rkT6nnUgva
— centre s de beauvoir (@centre2Beauvoir) 5 janvier 2019
Emocionante la movilización ciudadana a favor de la legalización del aborto en #Irlanda. Nos da esperanzas y fuerzas para continuar en la lucha por la salud y vida de las mujeres en #ElSalvador @AbortoPORlaVIDA
— Sara Garcia Gross (@SaraVegana) 26 mai 2018
Terriennes : Comment vous êtes vous engagée dans ce combat ? Par quels chemins est passée votre prise de conscience de ces questions féministes ?
Sara Beatriz Garcia Gross : Je viens du Salvador, un pays qui proscrit totalement l'avortement. Vivre dans un pays qui pratique autant d'interdits, de violences machistes contre les femmes m'a menée à me positionner "naturellement" pour défendre les droits des femmes. C'est passé concrètement par une formation qui s'appelle "école féministe". C'est là que j'ai commencé à mettre des mots sur chaque chose que j'avais moi-même vécue, dans mon corps. Et alors que j'étais dans cette école, le pays a été secoué par le cas d'une femme criminalisée pour avoir avorté.
Vous même, ou dans votre entourage, vous avez directement affronté, vécu, ces violences contre les femmes ?
Sara Beatriz Garcia Gross : La violence machiste je l'ai vécue partout : à la maison, chez moi, dans la rue… Je me suis confrontée à l'inégalité, celle des droits fondamentaux, comme l'accès à la santé, par exemple. J'ai été entourée d'amies qui n'ont pas eu accès à l'avortement et qui ont été obligées de mener leur grossesse à terme. Et d'autres qui ont avorté clandestinement, dans la peur. Dans cette école, j'ai pu rencontrer des référentes, des féministes d'ampleur nationale, qui m'ont introduite dans des réseaux, m'ont permis de me former.
Est-il facile d'être féministe au Salvador aujourd'hui ? Ce n'est pas dangereux ?
Sara Beatriz Garcia Gross : A partir du moment où les droits des femmes sont systématiquement bafoués au Salvador, l'attention se focalise effectivement sur nous. C'est un pays où la vie des femmes n'a aucune importance, tant avec la violence sexuelle que les féminicides, avec l'interdiction de toute IVG. Alors oui, comme féministes, nous ne sommes pas seulement stigmatisées, nous sommes aussi directement menacées, physiquement, par des groupes ultra conservateurs. Certains tentent même de nous traîner en justice pour apologie de crime.
Vous avez été directement menacée ?
Sara Beatriz Garcia Gross : Les menaces ont été adressées à mon organisation ("Agrupacion Ciudanada per la Despenalization del Aborto", ndlr), mais comme j'en suis la porte parole, je suis la première exposée. Ca passe aussi par les réseaux sociaux, j'ai reçu des menaces directes, on m'a désignée par mon nom à nos adversaires. C'est très difficile, même si la conscience féministe progresse. Les campagnes #NiUnaMenos ou #MeToo ont entrainé la participation de nouvelles venues, de plus en plus nombreuses.
Le féminisme arrive-t-il à convaincre les femmes des milieux populaires ?
Sara Beatriz Garcia Gross : Nous essayons d'étendre nos actions, de sortir des villes, par des formations locales. Le 8 mars 2018, nous avons vu aussi beaucoup de syndicalistes, d'étudiantes, d'ouvrières à nos côtés. Il nous faut continuer. Pour sortir de la centralisation de la capitale.
Pourquoi le Salvador, l'Amérique centrale, sont-ils tellement bloqués par rapport à l'IVG ?
Sara Beatriz Garcia Gross : Oui, l'Amérique centrale et du Sud sont les plus restrictives en matière de droits à l'avortement. Au Nicaragua, au Salavdor, au Honduras en particulier. Et cela malgré des gouvernements de gauche qui ont dirigé ces pays, et des conditions démocratiques plutôt favorables. C'est bien sûr lié en grande partie à l'attitude de la hiérarchie de l'église catholique. La présence des églises évangéliques pèse aussi beaucoup sur les politiques. Il n'y a pas le paravent de la laïcité. Le débat public, législatif, au Salvador, s'appuie souvent sur des références et des citations bibliques, religieuses. Ces fondamentalistes sont partout dans les institutions, au Parlement, comme ce député qui voudrait que les peines pour les "avortées" aillent jusqu'à 50 ans de prison.
Et comment expliquer le rôle dénonciateur des médecins, des soignants ?
Sara Beatriz Garcia Gross : La pénalisation de l'avortement, sa criminalisation, a aussi installé la peur parmi les médecins, ou des autres professionnels de la santé. Et ils sont soumis à la désinformation. Certains sont directement influencés par les fondamentalistes. Je pense quand même que c'est en train de changer. Parce que du côté des autorités ça bouge. La ministre de la Santé, Violeta Menjívar Escalante, s'est prononcée elle même pour un changement de la loi, pour son infléchissement, ce qui a poussé un groupe de médecins à s'organiser, à réfléchir à une nouvelle loi autour du droit à l'avortement.
Vous êtes arrivée en Europe au moment même où l'Irlande disait Oui à l'avortement, le 26 mai 2018… Cela va changer quelque chose pour vous ?
Sara Beatriz Garcia Gross : Etre de ce côté du monde, en ce moment historique, ça relance l'espoir, ça me motive ! C'est très encourageant d'avoir assisté à cette mobilisation sociale et d'avoir vu comment elle a fait pression sur la volonté politique. Nous demandons à l'Etat salvadorien qu'il sorte de son isolement et qu'il ne continue pas à ignorer ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Il doit s'inspirer des expériences démocratiques des autres, accepter d'avancer.
C'est un travail de longue haleine et parfois nous sommes découragées. Mais cette solidarité entre femmes me rend optimiste. Et m'aide à continuer.
Sara Beatriz Garcia Gross
Mais cela pourrait être contre-productif cette ingérence extérieure, cette immiscion internationale non ?
Sara Beatriz Garcia Gross : Les droits humains sont universels. Ce n'est pas à un Etat tout seul de décider quels sont les bons droits humains. Il y a effectivement des groupes ultra conservateurs au Salvador qui manifestent à chaque fois qu'un événement, une démonstration extérieure nous soutient, pour dénoncer ces "ingérences". Mais pour nous, le féminisme est un combat international, solidaire, qui donne des forces à toutes celles qui se battent, partout, dans le monde.
Et maintenant, que faire ?
Sara Beatriz Garcia Gross : On va continuer notre combat politique. Et puis, on va relancer notre travail de rencontres pour faire pression sur le gouvernement salvadorien, afin que les 24 femmes encore incarcérées sortent de prison. Nous assistons à toutes les audiences les concernant. Nous nous organisons au plan régional, avec les Nicaraguayennes et les Honduriennes, pour être plus fortes. C'est un travail de longue haleine et parfois nous sommes découragées. Mais cette solidarité entre femmes me rend optimiste. Et m'aide à continuer.
Suivez Sylvie Braibant sur Twitter > @braibant1