Procès des viols de Mazan : le consentement au coeur des débats

Systématiquement absente dans l'esprit des agresseurs sexuels de Gisèle Pelicot, la question du consentement revient de manière récurrente au procès des viols de Mazan qui pourrait mener à une prise de conscience sociétale voire à une évolution législative de la définition du viol.

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Graffiti Gisèle

Le procès des viols subis par Gisèle Pélicot à Mazan met sur la table la question du consentement. La victimes, droguée et inerte, n'a jamais été questionnée par ses agresseurs.

© Terriennes / IM
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"N'ayant jamais eu le consentement de madame Pélicot, je ne peux que constater les faits", Lionel R., 44 ans. "Je n'en ai pris conscience (qu')en garde-à-vue", Mathieu D., 53 ans. "J'ai pas fait attention", Fabien S., 39 ans.

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Consentement "par procuration"

Après plusieurs semaines d'audience devant la cour criminelle de Vaucluse, une partie des accusés ayant témoigné - sur les 50 poursuivis pour avoir violé Gisèle Pélicot a reconnu ne s'être jamais enquis d'un quelconque accord de la victime, inerte. 

D'autres accusés se sont cachés derrière un "consentement par procuration", comme l'a expliqué le président de la cour Roger Arata soulignant que "la question du consentement est centrale dans ce procès" au retentissement international. "Comme le mari m’avait donné la permission, pour moi elle était d’accord", s'est ainsi défendu Andy R., 37 ans.

Les récits des accusés se ressemblent. Ils ont obéi au même procédé dicté par Dominique Pelicot : venir de nuit, se déshabiller dans la cuisine après s'être réchauffé les mains avant de pénétrer à pas feutrés dans la chambre en chuchotant pour ne pas réveiller la victime, sédatée. À aucun moment, selon les vidéos retrouvées sur l'ordinateur de Dominique Pelicot, ils ne tentent d'entrer en contact avec elle pour s'assurer qu'elle consent à ce que certains ont appelé "un jeu sexuel". Paradoxalement, c'est le "chef d'orchestre" des agressions, Dominique Pelicot, qui s'érige en procureur, rappelant que "tous savaient". "Sans consentement, c'est un viol", a-t-il déclaré.

Comme il y a l’accord du mari, pour les plus benêts des accusés, de manière opportuniste, ils vont se dire je vais candidater pour en profiter. Paul Bensussan. psychiatre 

"Mon client ne s'est pas posé la question et il est fautif. Mais avait-il les codes, l'éducation nécessaire ? Il a foncé tête baissé dans le seul objectif d'avoir un rapport sexuel. Mais peut-on punir de la même façon quelqu'un qui savait et quelqu'un qui n'a pas voulu ou su savoir ?", soutient à l'AFP l'avocat d'un accusé, qui souhaite garder l'anonymat.

Une ligne contestée par un autre avocat de la défense, Patrick Gontard : "Même si on a répondu à une annonce libertine, il y a un avant l'entrée dans la chambre et un après. À ce moment-là, on est dans un consentement entre deux personnes: celle qui est couchée et celle qui va venir pour avoir une relation sexuelle. Et là, c'est un consentement que l'on discute mais qui est difficilement discutable".

"Comme il y a l’accord du mari, pour les plus benêts des accusés, de manière opportuniste, ils vont se dire je vais candidater pour en profiter", avait estimé à la barre le psychiatre Paul Bensussan.

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Vers une évolution législative ? 

"Une personne qui dort, qui est sédatée, qui est sous l'emprise de produits stupéfiants ou d'alcool, n'est pas en état de consentir. Donc on ne devrait même pas évoquer la question du consentement", pointe la juriste Catherine Le Magueresse, chercheuse associée à l'Institut des sciences juridique et philosophique à l'université Panthéon-Sorbonne.

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Quelqu'un qui dit oui sera considéré comme consentant si son oui est valable, c'est-à-dire s'il n'est pas vicié par un vice du consentement. Catherine Le Magueresse, chercheuse

Un "acte de pénétration sexuelle commis sur une personne qui dort, ou qui est sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants", tombe bien dans la catégorie du "viol par surprise", comme le précise le site officiel de l'administration française (service-public.fr)

Catherine Le Magueresse milite toutefois pour une évolution législative qui intègrerait nommément la notion de consentement. Dès lors, "quelqu'un qui ne dit rien n'est pas consentant ; quelqu'un qui dit non n'est évidemment pas consentant, et quelqu'un qui dit oui sera considéré comme consentant si son oui est valable, c'est-à-dire s'il n'est pas vicié par un vice du consentement", explique l'ex-présidente de l'Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT).

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Pas d'unanimité autour du consentement

Le nouveau ministre de la Justice, Didier Migaud, comme le président Emmanuel Macron en mars 2024, s'est dit favorable à l'inscription du consentement dans le droit français, à l'instar de la Suède ou l'Espagne. Actuellement, cette notion n'est pas mentionnée explicitement dans le code pénal qui définit le viol comme "tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur par violence, contrainte, menace ou surprise".

Le problème du consentement, c'est qu'il ignore les situations dans lesquelles le consentement est extorqué, contraint. Elsa Labouret, porte-parole d'Osez le féminisme

Mais cette évolution législative reste contestée, notamment par certaines féministes : "Le problème du consentement, c'est qu'il ignore les situations dans lesquelles le consentement est extorqué, contraint. Les violences sexuelles ne sont pas qu'une question de consentement", explique Elsa Labouret, porte-parole d'Osez le féminisme.

A minima, ce procès, très présent dans les discussions en France -et ailleurs- aura le mérite "d'interroger nos pratiques intimes, souligne Catherine Le Magueresse. Comment on se comporte dans nos relations intimes? Est-ce que véritablement, on a toujours eu le souci de s'assurer de la réciprocité des désirs" ?

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