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Dans la commune de Mazan, là où Gisèle Pélicot a vécu des années de supplice, plusieurs centaines de femmes, dont certaines ont été victimes de violences, se sont rassemblées pour lui dire leur soutien. Une marche qui s'est transformée en exercice collectif de libération de la parole.
Le procès des viols dit "de Mazan" à Avignon soulève une vague d'indignation partout en France et notamment dans la région où Gisèle Pélicot a vécu ces années de violences sexuelles, inconsciente, droguée par son mari.
"On enlève les lunettes les filles, on n'est pas là pour se cacher", lance une femme depuis le cortège qui s'élance sur la route à la sortie de Mazan, petite commune du Vaucluse où pendant des années, au domicile conjugal, Gisèle Pélicot a été droguée et violée par son mari et des dizaines d'inconnus. Des faits pour lesquels son désormais ex-époux et 50 autres hommes sont jugés depuis le 2 septembre et jusqu'à mi-décembre à Avignon.
Cette marche a réuni quelque 500 personnes. Parmi elles, beaucoup de femmes d'un certain âge, quelques dizaines d'hommes, beaucoup tenant une fleur blanche. Le tout encadré par une poignée de chevaux.
Moi j'ai été victime de choses il y a trente ans, et on n'y pouvait rien. On ne m'a pas crue. Catherine, 69 ans
A 69 ans, Catherine Borel vit sa première "manif". "Ce procès est terrible, dur, mais cette femme a un courage formidable d'avoir réussi à se reconstruire. Il permettra une avancée. Moi j'ai été victime de choses il y a trente ans, et on n'y pouvait rien", raconte-t-elle calmement. "On ne m'a pas crue" et "je me suis retrouvée avec mes deux gamines à partir par la fenêtre".
En tête de cortège, Laetitia retire ses lunettes, regarde la caméra de l'AFPTV et avoue qu'elle va parler pour la première fois, ici. "Il y a beaucoup de gens dans ma famille qui ne savaient pas ce qui m'était arrivé. Il y avait eu des fausses couches, mais ils ne savaient pas pourquoi", glisse-t-elle dans un sourire qui avale ses larmes.
Ces femmes ouvrant la marche ont toutes deux été victimes de violences et apprennent à se reconstruire via l'équithérapie, au sein de l'association Isofaculté, à l'initiative de cet événement. "Quand on monte sur notre cheval, on est haute, on se sent valorisée". Mais "le plus important, c'est apprendre à vivre sans la douleur": avant, "si je ne me créais pas du mal, je ne me sentais pas vivante", poursuit Laetitia.
"Ce n'est pas le procès de tous les hommes mais de certains hommes", glisse Josiane Dolce, qui n'est pas allée au tribunal, craignant sa réaction face aux vidéos désormais diffusées publiquement à l'audience. Elle redoute aussi une forme de "voyeurisme".
J'ai eu l'occasion d'en parler avec un ami, il m'a dit que ça ne l'intéressait pas. J'ai été choqué. Un manifestant
Francis, 73 ans, qui ne souhaite pas donner son nom de famille et vit dans le village voisin, attend de la sévérité car "il faut absolument que tout ça ne se reproduise jamais". Il regrette qu'ici ce soit "un sujet tabou": "J'ai eu l'occasion d'en parler avec un ami, il m'a dit que ça ne l'intéressait pas. J'ai été choqué, j'ai décidé de ne plus lui parler au moins pendant 15 jours".
Pour Angelina Leroux, 39 ans, conseillère municipale à Mazan, c'est "super important de montrer à Madame Pélicot qu'on la soutient" et qu'"on n'est pas d'accord" avec les propos de certains. Une référence aux déclarations du maire qui avait estimé qu'"après tout, personne n'était mort" dans ce dossier, avant de s'excuser.
Arrivés aux écuries de Mazan après une heure à cheminer sur une petite route, les manifestants ont déposé leurs fleurs au pied d'un coeur en bois où était écrit "Amour, empathie, mieux vivre ensemble".
Je vis de belles choses en ce moment, je n'ai plus peur, je me tiens droite, je ne regarde plus mes pieds et je mets même des chaussures de couleur. Une manifestante
Au micro, le président de l'association Isofaculté, Daniel Silvestre, explique que beaucoup des femmes qu'ils suivent n'ont pas eu le courage de venir. Mais celles qui sont là reconnaissent que "ça fait du bien de parler". "Je vis de belles choses en ce moment, je n'ai plus peur, je me tiens droite, je ne regarde plus mes pieds et je mets même des chaussures de couleur", confie l'une d'entre elles. Une dame habillée en rose bonbon brandit le dessin du visage de Gisèle Pelicot devenu célèbre, avec l'affirmation "la honte change de camp".
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