Back to top
La mort de Chahinez, brûlée vive, avait choqué la France. Quatre ans après, son ex-mari comparaissait pour assassinat devant la cour d'assises de la Gironde. Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité.
Sur les murs, représentation d'un hommage à Chahinez Daoud, morte, brûlée vive par son ex-mari, par le collectif @collages_féministes_bordeaux.
Lors de sa garde à vue, il y a quatre ans, Mounir Boutaa affirme d'emblée qu'il voulait "la cramer", "pour tout le mal qu'elle et la justice (lui) ont fait" en le faisant condamner, à tort selon lui. Il ajoute avoir voulu "la punir", "lui laisser des traces" en la brûlant "un peu", "lui faire la peur de sa vie" mais nie avoir voulu la tuer.
Chahinez Daoud avait 31 ans. Mère de trois enfants, elle a été brûlée vive par son ex-conjoint en pleine rue, le 4 mai 2021, devant son domicile de Mérignac, près de Bordeaux.
Le 28 mars 2025, Mounir Boutaa a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour "l'assassinat" de son épouse Chahinez Daoud, avec une période de sûreté de 22 ans. C'est la peine qui avait été requise par le ministère public.
Mounir Boutaa, 48 ans aujourd'hui, était sorti de prison fin 2020 après une condamnation pour des faits de strangulation et de menace avec un couteau sur son épouse. L'ouvrier maçon, déjà condamné pour des violences sur une première conjointe, avait interdiction d'entrer en contact avec Chahinez Daoud, qu'il avait connue en Algérie en 2015, mais leur vie commune avait repris jusqu'en mars 2021.
Cette mère de trois enfants dont deux issus d'une première union, âgée de 31 ans, avait alors déposé une nouvelle plainte contre lui, mal enregistrée par un policier qui venait lui-même d'être condamné pour violences conjugales, parmi une série de "défaillances" que pointera plus tard une enquête administrative.
La victime ne disposait pas de téléphone grave danger et son conjoint ne s'était pas vu attribuer de bracelet anti-rapprochement à sa remise en liberté. Durant deux mois, "il y a eu une traque, un harcèlement, une surveillance quasi quotidienne", avant le "déchainement de violences inhumain" du 4 mai 2021, a déclaré à des journalistes l'avocat des parties civiles, Me Julien Plouton, avant le procès.
Une de Libération du 24 mars 2025
Ce jour-là, l'accusé gare près du domicile familial, en banlieue bordelaise, un fourgon récemment acheté et aménagé pour observer discrètement l'extérieur. Il y passe la journée à scruter les allées et venues de sa femme, qui ne peut le repérer, avant de l'attaquer dans la rue. Il lui tire dans les cuisses avec un fusil, l'asperge d'essence et met le feu, filmant une partie des faits avec son téléphone. Un voisin ayant entendu hurler tente de s'interposer, en vain.
Mounir Boutaa a eu la volonté non seulement de tuer quelqu'un mais aussi de tuer une femme, de l'effacer, de l'annihiler, de la châtier. Julien Plouton, avocat des parties civiles
Le corps de la victime est retrouvé presque entièrement carbonisé, la tête dans le caniveau. Pour Me Plouton, Mounir Boutaa a eu "la volonté non seulement de tuer quelqu'un" mais aussi "de tuer une femme, de l'effacer, de l'annihiler, de la châtier".
"Pour lui, il n'y a pas de préméditation", affirment ses avocates, Me Anaïs Divot et Me Elena Badescu, soulignant que "les trois experts psychiatres" intervenus dans l'enquête ont conclu à "une altération de son discernement au moment des faits".
En Algérie, il était doux mais une fois revenu ici c'est devenu un monstre. Djohar Daoud, mère de Chahinez
"En Algérie, il était doux mais une fois revenu ici c'est devenu un monstre", raconte la mère de la victime, Djohar Daoud, pointant avec son mari, Kamel, l'isolement de leur fille en France, dépourvue de protection familiale. Chahinez "aimait les gens. Jamais elle ne se mettait en colère. Contre personne. Son bonheur, c'était ses enfants", ajoute-t-elle. Après sa mort, les deux grands-parents sont venus en Gironde s'occuper de leurs trois petits-enfants, âgés aujourd'hui de 16, 11 et 8 ans.
Une inspection diligentée par le gouvernement de l'époque sur les conditions de remise en liberté et le suivi de l'ex-mari a relevé une série de "défaillances", tandis qu'une enquête de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) pointait fautes et erreurs d'appréciation.
Cinq fonctionnaires ont été sanctionnés, dont le directeur de la police en Gironde et le commissaire de Mérignac alors en poste, pour avoir omis d'informer leur hiérarchie et la mission d'inspection que le policier ayant mal enregistré la plainte du 15 mars 2021 venait lui-même d'être condamné pour violences conjugales - il a été radié depuis.
Parallèlement au dossier pénal, la famille a lancé une procédure pour "faute lourde" contre l'Etat. "On veut se battre pour qu’il n’y ait plus d’autres Chahinez”, déclarent ses parents dans les médias.
Je ne peux pas voir l’assassin de ma fille devant moi. Mais il faut avoir du courage. Djohar Daoud, mère de Chahinez Daoud sur RMC
“On ne peut pas oublier. On peut peut-être tourner la page pour ne pas vivre avec cette douleur”, confie le père sur RMC. “Je ne peux pas oublier ma fille. Toujours, je pleure”, ajoute Djohar Daoud, la maman, qui fait part de son appréhension quelques heures du début du procès, “Ça me fait du mal. Je ne peux pas voir l’assassin de ma fille devant moi. Mais il faut avoir du courage”.
Lire aussi dans Terriennes :
Féminicide : Rebecca Cheptegei, brûlée vive par son compagnon
"Justice pour Shaïna", morte brûlée vive à 15 ans