C'est un sujet difficile et délicat que celui de la sexualité des personnes handicapées. Des réflexions ont cependant été menées dans plusieurs pays occidentaux pour tenter de trouver une réponse à ces besoins ... En Australie, par exemple, où plusieurs provinces ont accepté, mis en place, et règlementé un assistanat sexuel aux personnes différentes. Rachel Wotton fut l'une des premières à s'être engagée sur cette voie.
Depuis plus de dix ans, Rachel Wotton se bat pour le droit à la sexualité pour tous et la reconnaissance légale des pratiques d’assistance sexuelle. Cette travailleuse du sexe australienne extraordinaire s'est d'ailleurs spécialisée dans les besoin d'une clientèle particulière : les personnes handicapées.
Activiste, conférencière, compagne, Rachel Wotton, qui détient une licence en psychologie, est très loin des stéréotypes traditionnellement collés aux travailleurs du sexe. Pourtant, cela fait déjà plus de dix ans qu'elle travaille en tant que tel. “J'ai toujours été intéressée par cette industrie. J'ai eu l'opportunité d'essayer et cela m'a plu. En tant que travailleurs du sexe, nous sommes amenés à rencontrer toute sorte de clients. C'est donc tout naturellement que mes services ont évolué vers l'assistance sexuelle”, raconte Rachel.
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Un départ quotidien pour un travail “ordinaire“ ?
La thérapie par le sexe
En effet, bien que tous ses clients ne souffrent pas d'un handicap physique ou mental, Rachel se décrit avant tout comme une assistante sexuelle. Une profession controversée qui, pour ses détracteurs, est perçue comme de la prostitution, mais qui, pour Rachel et ses clients, constitue un service essentiel et légitime pour les personnes handicapées privées d'autonomie. Son travail explique-t-elle, est d'offrir à ses clients la possibilité de découvrir leur sexualité dans un climat de confiance et avec une personne qui comprend leurs limitantes. “Je n'ai pas de petite amie avec qui partager mes sentiments. Rachel me fait me sentir comme si j'avais une petite amie”, raconte un des patients de Rachel atteint de paralysie cérébrale, dans le documentaire Scarlet Road, produit en 2011.
“Le statut social et les handicaps de mes clients sont sans importance. En tant que travailleuse du sexe et assistante sexuelle, je ne fais aucune discrimination. Pour moi, il s'agit de donner du plaisir aux gens dans le respect et la dignité. Il y a beaucoup de compassion dans ces rencontres”, ajoute la jeune femme. Car pour elle et ses clients, son travail s'étend bien au delà du simple rapport sexuel. Certains d'entre eux ont d'ailleurs recours à ses services dans le cadre d'une thérapie et lui sont même parfois adressés par leur thérapeute. Ces derniers explique-t-elle, souffrent parfois de dysfonctionnement érectile, d'anxiété, de solitude ou désirent simplement pouvoir expérimenter leur sexualité avec une personne de confiance.
Scarlet Road, un film dont Rachel Wotton est particulièrement fière
La militante
Les préjugés entourant le travail du sexe et la profession de Rachel ont cependant la vie dure. Cette fervente défenseur des droits des travailleurs du sexe consacre d'ailleurs une grande partie de son temps à sensibiliser l'opinion publique à son métier, à travers des conférences en Australie mais aussi dans le monde entier, et milite au sein de Touching Base, une organisation qui, depuis 2003, s'est donnée comme mission de mettre en contact les personnes handicapées et les travailleurs du sexe spécialisés dans l'Etat du New South Wales en Australie.
L'année dernière, elle a également été l'objet d'un documentaire, Scarlet Road, présenté dans de nombreux festivals à travers le monde. “Ce documentaire a permis de donner une voix à deux groupes victimes de discrimination : les assistants sexuels et les personnes handicapées”, affirme-t-elle. Malgré des critiques très positives et de nombreux messages de soutien et d'encouragement depuis la sortie du film, le combat de Rachel est loin d'être terminé. Si la dépénalisation du travail du sexe par certains Etats australiens a permis de faciliter l'accès aux travailleurs du sexe, la sexualité des personnes handicapées demeure extrêmement tabou dans la plupart des sociétés et l'assistance sexuelle, une profession très marginalisée. “Avoir recours aux services d'un travailleur du sexe n'est qu'une option parmi tant d'autres, mais c'est vraiment triste que des personnes qui en ont besoin ne puissent y avoir recours”, déplore-t-elle.
Bande annonce de Scarlet Road
Des législations tâtonnantes
Comme pour la prostitution, le débat fait rage autour de cette question, entre abolitionnistes (non mais), prohibitionnistes (non absolu), et règlementaristes (oui, mais). En France, l'assistanat sexuel est toujours assimilé à de la prostitution. L'ex-député UMP Jean-François Chossy avait pourtant remis un rapport favorable à la légalisation des assistants sexuels en 20011 mais Roselyne Bachelot, alors ministre des Solidarités et la Cohésion sociale, s'y était opposée. Mais la pratique est admise en Allemagne, au Pays Bas, au Danemark ou en Suisse. Chaque gouvernement avance en ce domaine sur la pointe des pieds, même si le sujet a été exploré dès le début des années 80.
L'écrivain et scénariste Bruno de Stabenrath affronte sans tabou cette question dans son dernier livre Dans la peau d'un handicapé (éd Steinkis) et s'insurgeait contre le refus hexagonal entretien accordé au Figaro : "Un assistant sexuel pourrait apporter une attention érotique par des massages ou aider deux personnes paraplégiques à faire l'amour. Il aurait un peu ce rôle de coach sportif. Bien sûr, il faut adapter la pratique au handicap de chaque patient, au cas par cas. Pour cela, ces personnes doivent suivre une formation car on ne s'improvise pas assistant sexuel."