Entretien avec Christophe Lemaire, journaliste à
Sportiva Infos, un site d'information sur le sport féminin.
-Quand est-ce que le site Sportiva Infos a-t-il été créé et quel est sa ligne éditoriale concernant le sport féminin ?
Ce site professionnel a été lancé en mars 2012. Il n’y en a pas d’autres en France sur le sport féminin. Il y a des blogs, des sortes de sites sur le sport féminin mais se sont des bénévoles qui les gèrent. Notre but est de proposer une couverture du sport féminin qui n’existe nulle part ailleurs. Les gros médias traditionnels en parlent, mais le constat qui avait été fait à l’époque est qu’il y avait, non pas une sous-médiatisation du sport féminin mais une « mal-médiatisation ». C’est-à-dire que beaucoup véhiculaient des clichés du type: « C’est une fille ! C’est exceptionnel qu’elle réussisse ». A Sportiva on n’est pas féministes, notre seule ambition est de parler de sport féminin. On parle de toutes les pratiques sportives féminines. Que ce soit du sport de haut niveau, des sports collectifs, et ceux dit « anonymes » vis-à-vis du grand public. On relate également les évènements dont il n’y a peu d’échos dans les grands médias. On publie aussi un livre tous les ans qui retrace l’année du sport féminin et dans lequel on met en avant les initiatives en sa faveur. Enfin on organise la nuit du sport féminin chaque mois de décembre, où l’on met notamment en avant les championnes.
-Que pensez-vous de la décision du CSA de diffuser pendant 24h du sport féminin à la télévision ?
Pour moi, cela n’a pas de sens d’être attentionné envers les femmes seulement 24h par an. C’est comme si c’était la seule façon de développer la médiatisation du sport féminin. De plus, ces 24h concernent seulement les médias télévisés et radiophoniques alors que pour moi, le sport féminin vit surtout à travers deux médias : internet et la presse quotidienne régionale.
-Comment expliquez-vous le manque de place des sportives dans les médias ou le désintérêt du public ?
Il y a un manque d’histoire et de réalité économique. Il y a cent ans il y avait un désintérêt pour le sport féminin, mais aujourd’hui les femmes sont complètement intégrées. J’entends parler de machisme, de mépris, mais pour moi c’est faux. Par exemple, l’équipe de basket féminine française n'est diffusée sur France 3 ou France 2 seulement qu’en demi-finale et finale du championnat d’Europe. Mais on peut faire le même constat pour le basket masculin qui est aussi méprisé. On doit se battre pour voir des matchs de championnat.
-Qu’est-ce qui est ressorti de la dernière étude que vous avez réalisé, portant sur la part du sport féminin à la télévision ?
On s’intéresse pour nos études annuelles aux événements sportifs diffusés en direct sur toutes les chaines en France. On a regardé leurs grilles, leurs programmes et nous avons fait émerger un chiffre : il y a eu 15,5% de diffusion de sport féminin en direct sur six mois contre 11% en 2013. Ce n’est pas si mal en réalité, sachant qu’à la télévision il y a presque 70% de diffusion qui concerne uniquement le football masculin. Le foot ‘vampirise’ la quasi-totalité des canaux télévisés.
-Quels sont selon vous les efforts encore nécessaires pour mieux médiatiser le sport féminin ?
Il y a du sport féminin à la télévision mais il n’y a pas d’histoire de ce sport. Il faut donc habituer le public à des visages. Dans la rue, si on montre la photo de la capitaine de l’équipe féminine de basket, Céline Dumerc, peu de gens sauront dire qui elle est. Il faut faire connaître ces championnats, ces femmes au public, pour que progressivement au niveau médiatique on arrive à proposer des diffusions plus régulières et que le pourcentage augmente. Mais le plus important d’abord, c’est d’encourager la pratique du sport féminin. Il faut s’occuper de l’accès aux structures, du nombre de licenciées dans les fédérations et ce dans toutes les régions.
-Et quels sont les préjugés à faire reculer ?
Quand on regarde un match de football féminin par exemple, il y a peu de public, peu de « show », ni d’environnement festif qui le rend attractif. Au niveau de la pratique aussi, le foot féminin n’est pas pareil que le masculin. Il existe d’ailleurs depuis les années 70 en France mais cela fait seulement quatre ou cinq ans qu’on le diffuse. Il faut donc apprendre à l’apprécier et dépasser ses préjugés. Le foot féminin commence à se professionnaliser depuis dix ans. D’ici une vingtaine d’années, il devrait être mieux couvert médiatiquement.