La complainte du petit cheval C'était un petit cheval blanc, tous derrière et lui devant. Vous connaissez la fin de la poésie de Paul Fort. Un jour dans le mauvais temps, il meurt par un éclair blanc. Ainsi Valérie Trierweiler foudroyée en plein quinquennat. A terre, la fille Courage, détruite la mère Abnégation, bafouée la femme amoureuse. La Pasionaria encombrante cf l’affaire du tweet de soutien à Olivier Falorni (
rival heureux de Ségolène Royal dans la course à la députation à La Rochelle en 2012, mère des enfants du président, première ex donc ndlr). Tombée en amour d’un animal à sang froid. Un politique qu’elle commence à perdre dès son investiture à la tête du PS.
317 pages d’autocélébration, de confidences sur l’injustice du monde et la traîtrise des hommes. Ce genre de complaintes qu’on déverse dans les oreilles compatissantes d’une bonne copine, après le énième verre exigé par la profondeur d’un chagrin d’amour. Servies dans une langue simple et si accessible à tous que les ventes dépassent, et de loin, toutes les prévisions de son éditeur des Arènes.
Dépit amoureux et lutte de classe, secrets d’un livre« bankable » ?
J’ai lu « Merci pour ce moment », en suis tombée à la renverse, et me relevant, ai cherché des éléments de compréhension. J’en ai trouvé quelques uns dont celui ci.
Atlantico (site d'information, classé plutôt à droite) a donné la parole à Jules Naudet, sociologue au Centre de Sciences Humaines de New Delhi, spécialiste de la question de la mobilité sociale. Son analyse : «
La tension entre son milieu d’origine et son milieu d’arrivée est au cœur de l’ouvrage de Valérie Trierweiler. Elle cherche à transformer son origine populaire en une ressource, une stratégie très fréquente chez les personnes en mobilité. »
Valérie Trierweiler, page 230 : «
On m’a prise pour une bourgeoise, glaciale et méchante, je n’étais simplement pas à ma place. Doublement illégitime. Après le communiqué de rupture, ma famille a fait bloc. On ne se renie pas chez les Massonneau. »
Jules Naudet poursuit . «
Son ouvrage a un caractère doublement thérapeutique : il s’agit de produire un récit lui permettant de réparer à la fois la blessure d’une séparation et la blessure provoquée par l’éloignement de son milieu d’origine. »
Valérie Trierweiler encore, page 231 : «
J’avais tous les défauts pour le rôle : pas mariée, pas fortunée, le besoin de travailler... Cela ne fait pas une vraie première dame. »
“
Est-ce le livre qui est scandaleux ou son traitement médiatique qui en fait un torchon?”
Merci pour cette question, M. Beccaria. L’éditeur au nez très creux de ladite confession nous renvoie dans le pif cette fausse interrogation en forme de vraie accusation.
Editeur également du mook « la Revue XXI » (moitié livre, moitié magazine), l’homme n’est pas un perdreau de l’année. Ce qui a fait son désir de publier l’ancienne compagne présidentielle : avoir retrouvé chez elle, dit-il, quelque chose de libre, de franc et de droit” qui lui plaît et lui rappelle Eva Joly avec laquelle il avait co-écrit « Notre affaire à tous ». “
Vilipendée par les médias, Eva avait réussi à se faire comprendre grâce à une autobiographie publiée par Les Arènes”.
Même chose avec Valérie Trierweiler ? Peut-être pas. Car ce que Laurent Beccaria ne pouvait savoir alors, c’est le pauvre indice de sympathie dont elle bénéficie auprès des français. Pas aussi calamiteux que celui de son ex-compagnon, mais pas terrible non plus. Selon une enquête réalisée par VSD début septembre, sur un échantillon représentatif de 1.271 personnes, 68% ont une "mauvaise" ou "très mauvaise" opinion de l’ex-première dame. Qu’importe : le patron des Arènes ne reconnaît qu’un juge. Le public. "
Les lecteurs seront les seuls juges. A la fin, seul demeurera le divorce entre l'hostilité de la quasi-totalité des médias, notamment audiovisuels, et le rush des lecteurs ".
Et il ne se trompe pas : le livre qui mixe intimement public et privé cartonne. Le tirage initial de 200 000 exemplaires, défini selon les chiffres de vente des ouvrages des anciennes “premières dames”, (de 500000 exemplaires pour Danièle Mitterrand à 100000 pour Cécilia Attias ex-Sarkozy) est vite insuffisant. “
Personne n’imaginait alors l’impensable, c’est-à-dire le raz de marée des lecteurs qui va submerger les libraires françaises en deux jours”, raconte l'éditeur.
Pourtant pour 56% des sondés par VSD, Valérie Trierweiler a eu tort de publier ce livre, désastreux pour le chef de l'Etat.
71% la jugent "opportuniste", 66% plutôt "agaçante" et 77% n'estiment pas que le mot "sympathique" lui corresponde.