Prostitution des mineures : une banalisation alarmante

Attrait de l'argent facile, enrôlées par le biais d'un petit ami ou endoctrinées via les réseaux sociaux : plus de 20 000 jeunes filles, le plus souvent encore mineures, se prostitueraient en France. Consentantes ou sous emprise, elles s'exposent à un traumatisme durable dont elles n'ont pas conscience, alertent les associations. 

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prostitution mineures

Détail d'une brochure du mouvement du Nid pour une formation à destination des professionnels et bénévoles.

©Mouvement du Nid
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La mort par balle d'un adolescent, qui "protégeait" une fille de 16 ans vendant son corps à Toulouse, a jeté une lumière crue sur une prostitution des mineures en voie de "banalisation", selon la police et les associations. Ce garçon de 15 ans a succombé à un coup de feu tiré en pleine tête le 6 janvier 2024 par un client âgé d'un an de plus, qui voulait s'emparer de l'argent de l'adolescente.

A Valenciennes, dans le nord de la France, douze hommes ont comparu le 11 janvier 2024 pour avoir eu des relations sexuelles avec une collégienne de 13 ans qui se prostituait via Snapchat et le site de rencontres et de prostitution coco.fr.    

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Le mirage de l'argent facile : au moins 20 000 victimes

Si la jeunesse des protagonistes de ces dossiers interpelle, les services d'enquête ou les associations ne s'en étonnent plus. "Depuis une dizaine d'années", explique sous couvert d'anonymat un policier engagé dans la lutte contre le proxénétisme en Occitanie, il y a une "banalisation de cette pratique dans une jeunesse qui cherche à satisfaire immédiatement ses besoins de consommation".

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"D'abord, je me suis sentie tellement seule au monde", raconte Jennifer Pailhé, dont la fille a commencé à se prostituer à l'âge de 14 ans. "Et puis j'ai eu un contact avec une, deux, puis trois mamans, etc. et je me suis dit : Mais m..., y a pas que moi !", raconte cette femme qui a créé l'association Nos ados oubliés afin de leur venir en aide dans la région toulousaine.

Une autre association, "Agir contre la prostitution des enfants" (ACPE), basée à Paris, estime à au moins 20 000 le nombre de victimes, "même si", affirme sa déléguée générale Anne Labastire, "on est sûr d'être en-deçà de la réalité du phénomène".

J'ai vu les premières annonces, j'ai cliqué. Je ne pouvais pas être dans le déni, c'était sa photo, son corps, c'était elle. Jennifer Pailhé

"Ce sont des drames cachés, invisibles, qui pourtant se passent sous nos yeux, des situations tellement atroces qu'il est difficile de les regarder en face, souligne Roxana Maracineanu, secrétaire générale de la mission interministérielle pour la protection des femmes et contre la traite (MIPROF). Comment imaginer qu'une adolescente de l'âge de nos filles puisse être soumise à plusieurs actes sexuels par jour au gré des injonctions de ses proxénètes", poursuit l'ancienne ministre des Sports et championne de natation.

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Cauchemar

Pour Jennifer Pailhé, le cauchemar a débuté quand sa fille a "rencontré ce garçon en colonie de vacances". Pour le rejoindre, "elle a fugué sur Paris, dans le 9-5" (Val-d'Oise). La mère retrouve la trace de son enfant sur des sites d'escorting. "J'ai vu les premières annonces, j'ai cliqué. Je ne pouvais pas être dans le déni, c'était sa photo, son corps, c'était elle."

Environ six ans plus tard, le garçon – le "lover boy", comme on l'appelle dans ces affaires où des jeunes filles tombent sous l'emprise de celui dont elles sont amoureuses – est en prison. Et la fille de Jennifer tente de prendre un nouveau départ.

 

Traumatisme

Les victimes sont issues de tous les milieux, mais ont souvent pour point commun d'avoir vécu un traumatisme (harcèlement scolaire, viol, inceste, etc.) "Elles sont un peu endoctrinées par tout ce qui est réseaux sociaux, téléréalité, leurs égéries auxquelles elles ont envie de ressembler, l'argent facile", analyse Jennifer Pailhé.

D'après une recherche menée entre 2020 et 2022 par l'association Contre les Violences sur Mineurs, une victime de proxénétisme de nationalité française sur deux est mineure. Selon le Mouvement du Nid, le risque prostitutionnel se situe désormais vers 13 ans. L'immaturité liée à leur jeune âge empêche les jeunes filles de "reconnaître ce qu'elles vivent", explique Sophie Antoine, responsable juridique de l'ACPE. Un déni accentué par une "glamourisation" du vocabulaire – "escort", "michetonneuse", etc...

Dans la grande majorité des cas, les victimes sont consentantes, et n'ont aucun recul sur le fait que ce qu'elles font aura des répercussions sur leur psychisme. Un policier

"Dans la grande majorité des cas, les victimes sont consentantes, et n'ont aucun recul sur le fait que ce qu'elles font aura des répercussions sur leur psychisme", explique un policier, qui a enquêté sur ce genre de dossiers. Quant aux proxénètes, complète-t-il, ce sont "la plupart du temps des garçons ayant échoué à s'implanter dans le trafic de drogue, qui transfèrent leur savoir-faire criminel".

Ubérisation et JO 2024

La prostitution utilise tous les atouts du numérique, dans une "ubérisation" qui complique les investigations. Les proxénètes recourent ainsi à la location de logements de courte durée via les plateformes dédiées, comme dans l'affaire de Toulouse et "énormément de situations", précise l'ACPE. 

Or des moments comme les Jeux olympiques, qui se tiennent en France à l'été 2024, sont également des moments "qui font prospérer les réseaux quels qu'ils soient, particulièrement de prostitution", souligne la ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Bérangère Couillard. Voilà qui a conduit la MIPROF à se mettre en relation avec les acteurs du secteur, notamment Airbnb. Car, précise une porte-parole de la mission, "nous avons bien identifié qu'il y avait des risques qui pouvaient être accrus, notamment dans la perspective des JO, avec l'explosion du nombre de locations".

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Plus globalement, les associations attendent avec impatience un Plan de lutte national contre la prostitution, prévu pour fin janvier et qui doit contenir un volet dédié aux mineur.e.s. 

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