Prostitution en France : la Cour européenne valide la pénalisation des clients

Un Etat peut pénaliser l'achat de relations sexuelles, a tranché la Cour européenne des droits de l'homme, validant la loi française de 2016 sur la prostitution. Une loi controversée qui, pour ses détracteurs, pousse à la clandestinité, tandis que ses partisans la considère comme une avancée majeure.

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prostituées niçoises

Prostituées dans une rue de Nice, le 21 novembre 2013, avant la mise en oeuvre de l'une des lois les plus sévères d'Europe contre la prostitution et le trafic sexuel.

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"La décision de la CEDH valide la position abolitionniste de la France. Le corps des femmes n'est pas à vendre. Le désir ne s'achète pas", se félicite la ministre démissionnaire chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes Aurore Bergé. "Les victimes du système prostitutionnel seront toujours protégées", souligne-t-elle dans une réaction transmise à l'AFP, et tous ceux qui incitent ou profitent de la prostitution "seront toujours poursuivis".

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C'est un "signal fort que la CEDH conforte la loi française", se réjouit aussi Lenaïg Le Fouillé, secrétaire générale du Mouvement du Nid, association abolitionniste. "Les pays abolitionnistes comme la Suède ou l'Irlande regardaient avec intérêt cette décision de la CEDH". Maintenant, "on attend de grandes campagnes nationales pour changer le regard de la société en direction des clients, comme c'est le cas actuellement à l'occasion des JO, avec des affichages dans la ville qui rappellent la loi pénalisant les clients et que l'achat d'actes sexuels est interdit".

C'est combien

Campagne d’information sur la prostitution, l’exploitation et la traite des êtres humains dans le contexte des jeux olympiques et paralympiques 2024 en France. Si le mineur a moins de 15 ans, les peines peuvent être portées à 10 ans d'emprisonnement et 150 000 € d'amende

Une loi peu suivie

De son côté, Sarah-Marie Mafessoli, référente travail du sexe chez Médecins du Monde France a fait part de son désappointement : "Nous sommes déçus car la Cour reconnaît que la pénalisation des clients a un impact négatif sur leurs travailleurs du sexe... mais refuse de condamner la France", réagit-elle.

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La CEDH était saisie par 261 hommes et femmes prostitués de différentes nationalités exerçant une activité de prostitution licite en France, qui dénonçaient l'impact de la loi du 13 avril 2016 sur leurs conditions de vie et de travail. Celle-ci a abrogé le délit de racolage et l'a remplacé par la pénalisation des clients, désormais passibles d'une amende de 1500 euros (3750 euros en cas de récidive), même s'ils sont rarement poursuivis dans les faits.

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Clandestinité

La loi française de 2016 a été saluée comme une avancée majeure par les associations abolitionnistes, mais les requérants, soutenus par une vingtaine d'associations, soulignent qu'elle a poussé les personnes prostituées à la clandestinité, les exposant davantage aux agressions et aux infections sexuellement transmissibles.

Je pouvais trier et choisir le client avant cette loi. Depuis qu'il se fait rare, je prends des risques. Personne prostituée

"Ayant moins de clients, ma possibilité de choix s'est réduite. Et depuis cette loi, je me suis vu accepter des pratiques (et des tarifs) que j'avais la possibilité de refuser avant", témoigne sous couvert d'anonymat A.M., soulignant sa "grande difficulté, voire une impossibilité, à imposer la capote". "Je pouvais trier et choisir le client avant cette loi. Depuis qu'il se fait rare, je prends des risques", a également rapporté anonymement S.T., citée dans l'arrêt. "Certaines collègues se sont fait violenter, voler alors que cela n'arrivait jamais avant".

Précarité

Les requérants avaient déposé une requête devant la Cour de Strasbourg en 2019. Ils soulignaient que la loi de 2016 portait atteinte au droit au respect de la vie privée, protégé par l'article 8 de la Convention des droits de l'homme, dont le droit à l'autonomie personnelle et à la liberté sexuelle.

Dans son arrêt, la CEDH souligne qu'elle est "pleinement consciente des difficultés et risques – indéniables – auxquels les personnes prostituées sont exposées dans l'exercice de leur activité", dont les risques pour leur santé et leur sécurité. Elle indique toutefois que ces "phénomènes étaient déjà présents et observés avant l'adoption de la loi" de 2016, "les mêmes effets négatifs ayant par le passé été attribués à l'introduction du délit de racolage dans le droit français".

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Pas d'unanimité

"Il n'y a pas d'unanimité sur la question de savoir si les effets négatifs décrits par les requérants ont pour cause directe la mesure que constitue la pénalisation de l'achat d'actes sexuels, ou de leur vente, ou sont inhérents et intrinsèques au phénomène prostitutionnel en tant que tel ou qu'ils seraient le résultat de tout un ensemble de facteurs sociaux et de pratiques comportementales", indique la Cour.

Estimant que "les autorités françaises ont ménagé un juste équilibre entre les intérêts concurrents en jeu" et n'ont "pas outrepassé (leur) marge d'appréciation", la CEDH a jugé qu'il n'y avait pas eu violation de l'article 8. Elle invite cependant les autorités nationales à "garder sous un examen constant" leur approche en la matière "de manière à pouvoir la nuancer" en fonction de l'évolution de la société.

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