Prostitution en Norvège : la pénalisation des clients fonctionne

Pour la première fois en Europe, une loi pénalisant les clients de prostituées a pu être évaluée sur quatre ans. Les résultats parlent d’eux-mêmes : la prostitution de rue a diminué de 20 % à 25 %. La Norvège va donc conserver sa loi.
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Prostitution en Norvège : la pénalisation des clients fonctionne
A Oslo, le 12 août, lendemain de la publication du rapport sur la pénalisation des clients de prostituées.
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Dans le quartier de la Banque centrale de Norvège, à Oslo, rien n’a changé. Au lendemain de la publication du rapport d’évaluation de l’agence Vista Analyse, quelques prostituées sont toujours là. Au grand jour. Car la loi actuelle n'interdit pas de vendre des rapports sexuels, mais d’en acheter. Un véhicule de police surveille de loin. Ici, les hommes d’affaires vont et viennent, tout comme les touristes, qui ignorent sans doute que l’énorme fonds pétrolier du pays est gérée ici, par cette banque justement. Une loi sur la sellette Ce 11 août 2014, le rapport était très attendu. La coalition centre droit/populiste au pouvoir à Oslo depuis octobre 2012 avait l’intention d’abolir la loi, votée par la majorité de gauche en 2008, et entrée en vigueur en janvier 2009. Car un autre rapport, publié par le Pro Senteret (Centre d’Aide et de Compétence nationale sur la prostitution en Norvège), avait révélé des chiffres inquiétants. Depuis 2009, la violence contre les prostituées ne fait qu’augmenter : 59 % des femmes se livrant à la prostitution ont subi des violences. Certaines ont été menacées de mort ou d’une arme, d’autres violées, volées ou forcées à subir des rapports non protégés. Les rares prostituées qui osaient encore racoler ouvertement dans la rue subissaient toutes sortes de tracasseries, des insultes ou des crachats de passants.
Prostitution en Norvège : la pénalisation des clients fonctionne
Manifestation à Lyon le 6 juillet 2012, après l'annonce par la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem, d'une résolution préconisant la pénalisation des clients. (@AFP)
C’est avec ce premier rapport que de nombreux responsables politiques norvégiens ont commencé à douter de la loi, calquée sur celle de la Suède. Ils mettaient en avant que le Pro Senteret avait surtout interrogé les prostituées elles-mêmes, et qu’elles se sentaient en danger, beaucoup plus qu’avant. Le rapport avait même été utilisé en France et d’autres pays par les détracteurs de la pénalisation du client. Les chercheurs de Vista Analyse n’ont pas beaucoup interrogé des prostituées, mais ils ont eu accès à beaucoup d’autres sources, et ont travaillé pendant un an. Leurs conclusions sont très claires : la prostituion en Norvège a diminué de 20 % à 25 % depuis la promulgation de la loi. La pénalisation du client a diminué la demande, et la Norvège est devenue un marché moins attractif pour la traite humaine basée sur la prostitution. Les conditions de travail pour les proxenètes sont moins bonnes, et leurs gains diminuent.
Les prostituées déçues par le rapport   "Le plus important, ce n’est pas la loi, mais comment aider les prostituées à s’en sortir," dit Mari, un prostituée, à la télévision publique NRK. Elle ne croit pas à une forte diminution, notamment parce que les filles quittent la rue pour travailler de plus en plus sur Internet. Hege Grostad, elle, se définit comme travailleuse du sexe. Elle n’approuve ni la loi, ni le rapport, et encourage les politiques norvégiens à s’inspirer de l’exemple de la Nouvelle Zélande : "Là, la loi a été évaluée sur cinq ans, par des professionels de la prostitution, mais aussi par les prostituées elles-mêmes, explique Hege Grostad. Elle a récemment fait sensation en expliquant dans une interview comment elle gérait tranquillement son "commerce du sexe" depuis internet, et qu’elle prenait du plaisir. "Tout le monde se focalise sur la prostitution, alors que la vente de sexe se passe tres bien," dit-elle. La question n’est pas encore tranchée. Le parti conservateur semble avoir changé d’avis et vouloir conserver la loi, mais le Parti du progrès (populiste), lui, souhaite toujours l'abolir. Tous deux forment la majorité, avec deux autres petits partis, dont l’un est pour la loi, tandis que l’autre hésite. "J’étais contre la loi à l’origine, mais c’est tout autre chose de l’abolir. Cela donnerait un très mauvais signal à l’extérieur. L'essentiel, c’est d’aider les prostituées, dit Inga Marte Torkildsen, du Parti socialiste de gauche. Le problème de cette loi est qu’elle a servi d’oreiller sur la question."
Prostitution en Norvège : la pénalisation des clients fonctionne
Une prostituée norvégienne fait scandale en déclarant qu'elle préfère gérer tranquillement ses affaires depuis internet et y prendre du plaisir.

La prostitution en Norvège

Environ 900 personnes dans la rue  Environ 1300 personnes sur Internet 1 Scandinave sur 8 a déjà acheté du sexe

Législation européenne de la prostitution en Europe

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Source : Wikipédia
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