Prostitution : la Suisse entre dans l'ère des boîtes à sexe

Faut-il oui ou non encadrer la prostitution ? La question traverse la plupart des pays européens, dont la Suisse. Voilà quelques années, la ville de Zurich s'est engagée résolument dans le contrôle social du travail du sexe, et vient de franchir une nouvelle étape avec l'installation de "boîtes à sexe", surnommées aussi drive in.
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Prostitution : la Suisse entre dans l'ère des boîtes à sexe
L'une des “sex-box“, présentées le 15 août 2013, onze jours avant leur mise en service, à Zurich - AFP
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Propreté, discipline, efficacité pour une prostitution loin des regards

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19.08.2013Sylvie Braibant, avec AFP
Zurich  n'en est pas à son coup d'essai : la métropole économique de Suisse alémanique s'était déjà taillé une réputation de pratique du contrôle social poussé avec ses parcs à "junkies"  où, sur des "scènes ouvertes", les toxicomanes pouvaient s'injecter leurs drogues en toute sécurité. En novembre 2012, la ville mettait en place des parcmètres à prostituées, afin de s'assurer que la personne qui vend ses charmes sur le trottoir a plus de 18 ans, une assurance maladie et le droit d'exercer. Une nouvelle étape est donc franchie en cet été 2013 : annoncées voilà plus d'un an, en février 2012, la ville de Zurich a dévoilé le 15 août, en pleine torpeur estivale, le détail des aménagements pour ses "sex-box", sortes de boîtes à voiture, destinés aux travailleuses du sexe grâce auxquels les autorités locales espèrent pouvoir mieux encadrer la prostitution.

Parcours fléché

A compter du 26 août, neuf abris ouverts de 19h à 5h du matin entreront en fonction dans un ancien quartier industriel à l'Ouest de la ville. Le site sera accessible uniquement aux automobilistes qui devront impérativement être seul à bord de leur véhicule, ont précisé les autorités zurichoises. Après avoir passé la grille, les automobilistes devront alors suivre un circuit bien fléché et balisé, en commençant par s'engager dans une boucle où se posteront 30 à 40 travailleuses du sexe. Une fois les prestations et les tarifs négociés, ils pourront alors se diriger vers un des neuf sex-box à disposition des prostituées.

Si le site ne sera pas accessible aux piétons, deux abris de plus petites tailles seront également mis à disposition pour les clients des prostituées qui préfèrent rester en dehors de leur voiture. Chaque box, qui ressemble un peu aux cabines où les automobilistes peuvent laver leur voiture, sera équipé d'une sonnette d'alarme qui permettra aux prostituées d'avertir la police à tout moment en cas de danger. Des travailleurs sociaux seront en permanence près des lieux dans un bâtiment équipé de sanitaires, et "où l'on pourra même y prendre des leçons d'allemands", lance fièrement Michael Herzig, le responsable du projet !

Les autorités municipales entendent ainsi assurer la sécurité des travailleuses (et travailleurs) du sexe, et mieux encadrer la prostitution, face aux risques de trafic d'êtres humains. Avec ce site, déjà qualifié dans les médias suisses de sorte de "drive-in du sexe", elles espèrent également déplacer le commerce du sexe en dehors de la ville, en particulier aux abords de Sihlquai où les prostituées affluent chaque soir, au grand dam des riverains.

Pour s'assurer que les clients délaissent cette artère, les autorités zurichoises n'ont d'ailleurs pas ménagé leurs efforts. Le site sera clairement indiqué à l'aide de panneaux de signalisation flanqués d'un parapluie rouge, un symbole connu dans toute l'Europe de l'Est pour indiquer les zones de prostitution. La ville de Zurich s'est par ailleurs efforcée de d'aménager un cadre agréable, agrémentant l'espace de verdure et de guirlandes lumineuses.

Surveiller pour éviter de punir

Pour ne pas effrayer les adeptes, la ville n'a pas non plus prévu de surveillance vidéo ni de présence policière permanente. En revanche, des assistantes sociales et des agents de sécurité seront présents sur le site dès l'ouverture. Les autorités zurichoises ont toutefois reconnu qu'il faudrait probablement un peu de temps avant que ce dispositif trouve sa place. Un premier bilan sera dressé trois mois après son entrée en service.

Le projet de "sex-box" avait été approuvé en mars 2012 par les habitants de Zurich lors d'une votation populaire. Les travaux ont coûté 2,1 millions de francs suisses (1,6 million d'euros), soit un chiffre moins élevé que le budget voté. Les coûts de fonctionnement s'élèveront à environ 700.000 francs suisses par année. Pour le cinéaste Patric Jean, auteur de la "Domination masculine", qui lutte depuis longtemps contre la prostitution, et pour la pénalisation des clients, "avec ce nouvel avatar du capitalisme", il s'agit ni plus ni moins d'encourager la violence contre les femmes .