M. Mas, 74 ans, baskets blanches et veste à carreaux, est resté imperturbable à l'énoncé du jugement, dans une salle où une cinquantaine de victimes avaient pris place. Le septuagénaire, qui a toujours nié la dangerosité de ses prothèses, a également été condamné à 75.000 euros d'amende et à une interdiction définitive d'exercer dans le secteur médical ou de gérer une entreprise. Son avocat a annoncé sa décision de faire appel. « Je suis déçu mais pas surpris », a réagi Me Yves Haddad, précisant que l'appel était suspensif et que son client n'irait pas pour l'instant en prison. « L'affaire PIP était depuis le début "l'affaire Mas", le parquet a voulu faire de lui le coupable de cette affaire. Pendant le procès, on a été écoutés mais pas entendus, la pression était trop forte.» Ce jugement intervient sept mois après un procès d'une ampleur exceptionnelle, qui avait réuni dans un centre de congrès 300 avocats et autant de victimes. Contre Mas, « l'apprenti sorcier des prothèses" selon l'expression du procureur, avaient été requis quatre ans de prison et 100.000 euros d'amende dans ce procès pour "tromperie aggravée" et "escroquerie ». « C'est une première étape symbolique, la première fois qu'on peut utiliser le mot "coupable" pour Jean-Claude Mas », s'est félicité Alexandra Blachère, présidente de la principale association de porteuses de PIP, déçue malgré tout qu'il n'y ait pas de mandat de dépôt à l'encontre de l'ex-patron de la société varoise. « C'est un soulagement pour les victimes d'être reconnues », ajoutait l'avocat Philippe Courtois, saluant « une réponse rapide et cohérente de la justice ». Un de ses confrères estimait cependant que compte tenu des appels, la procédure pourrait encore durer « cinq ans ». Parmi les 7 113 parties civiles, 4 à 5 000 plaintes ont été jugées recevables et le tribunal a condamné Jean-Claude Mas à indemniser à hauteur de plusieurs milliers d'euros (jusqu'à 13.000 maximum) chacune des victimes, au titre du préjudice moral et d'anxiété, ainsi que du préjudice corporel pour les porteuses de prothèses ayant subi une explantation. Plus de 7 500 ruptures Les autres prévenus ont écopé de peines moins lourdes que celles requises: Claude Couty, directeur général puis président du directoire de PIP, a été condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis, et 30 000 euros d'amende; Hannelore Font, directrice de la qualité, et Loïc Gossart, en charge de la production, à deux ans dont un avec sursis, et le responsable de la R&D, Thierry Brinon, à 18 mois avec sursis. Tous ont reconnu à l'audience la fraude, révélée en mars 2010, sur le gel de silicone, différent du Nusil déclaré officiellement, pour un gain annuel chiffré à un million d'euros, dans une entreprise où les 120 salariés savaient et ont gardé le silence, par peur du patron ou en raison des emplois en jeu. Le dernier bilan de l'Agence des produits de santé (ANSM) fait état de plus de 7.500 ruptures de prothèses et 3.000 effets indésirables, principalement des "réactions inflammatoires", pour un nombre de porteuses estimé à 30.000 en France (plusieurs centaines de milliers dans le monde). A cette transgression collective des salariés, s'était ajoutée l'inefficacité des inspections du géant allemand TÜV, partie civile au grand dam des plaignantes, en quête d'une indemnisation face à des prévenus insolvables. Dans une procédure civile parallèle, elles ont remporté une première victoire: le tribunal de commerce de Toulon a jugé mi-novembre le leader du contrôle qualité responsable, estimant qu'il avait « manqué à ses obligations de contrôle », et l'a condamné à « réparer les préjudices » causés. « PIP a trompé TÜV, dont la mission ne permettait pas de déjouer une escroquerie de cette ampleur », objecte le conseil de la société, Me Olivier Gutkès, rappelant les manoeuvres de dissimulation de PIP. L'agence sanitaire, qui a finalement vu sa demande de partie civile rejetée par le tribunal, avait également défendu son action, évoquant les limites de la réglementation européenne. Une des porteuses de prothèses, Martine Favret, espère que ce procès permettra des contrôles plus stricts, déplorant que les produits de santé, comme les implants, ne soient pas aussi surveillés que les médicaments.
Les grandes étapes de l'affaire des implants mammaires PIP :
2010 - 30 mars: retrait du marché des implants de Poly Implant Prothèse (PIP). Le parquet de Marseille ouvre une enquête. - 2 avril: première plainte. - 9 avril: retrait du marché au Chili. 2011 - 8 déc: Deuxième décès signalé. - 23 déc: la France recommande le retrait à titre préventif, après le signalement de huit cas de cancers. Les recommandations de surveillance, puis de retrait, se multiplient en Amérique latine et en Europe. 2012 - 5 jan: le fondateur de PIP Jean-Claude Mas admet la tromperie. - 11 jan: Allianz, assureur de PIP est condamné à indemniser une porteuse à hauteur de 4.000 euros. - 17 jan: l'Organisation mondiale de la Santé conseille aux porteuses de consulter si elles suspectent une rupture ou éprouvent une douleur. - 26 jan: interpellations de Jean-Claude Mas et de Claude Couty. 2013 - 17 avril : début du procès de Jean-Claude Mas et de cinq cadres de PIP, à Marseille.