Le Canada fait partie des plus de 40 pays, où l’on battra le pavé le 21 janvier 2017, en solidarité avec la marche des femmes à Washington, au lendemain de l'investiture du 45 ème président des Etats-Unis. Mais nulle doute qu'en tant que voisines, les Candiennes seront plus inquiètes que d'autres. Comme Béatrice Vaugrante, directrice d’Amnistie internationale Canada.
Des centaines de femmes s'apprêtent à prendre place dans une dizaine d’autocars affrétés depuis le Canada pour se rendre dans la capitale américaine samedi 21 janvier 2017. Et pour celles qui ne peuvent faire le voyage, des manifestations sont prévues dans plusieurs grandes villes canadiennes dont Toronto, Vancouver, Winnipeg et Montréal.
Les Canadiennes avaient voté en majorité pour le libéral Justin Trudeau, aujourd'hui Premier ministre féministe et gay friendly, une antithèse de Donald Trump, au propre comme au figuré. Nulle doute qu'elles scruteront attentivement la politique du 45ème président à l'égard des femmes et ses éventuels dérapages. Pas étonnant qu'elles se mobilisent pour la Marche des femmes de Washington. Dont une réplique est organisée à Montréal, comme dans 80 autres villes à travers le monde, à 11 h, Esplanade de la Place des Arts.
Il est temps de passer à l'action pour protéger les droits des femmes, ensemble, avec une autre vision de l’égalité femme-homme que 'grab them by the pussy'
Béatrice Vaugrante, Amnistie internationale Canada
Rencontre avec la responsable de l’événement dans la métropole québécoise, Béatrice Vaugrante, qui est aussi la directrice d’Amnistie internationale Canada francophone.
En quoi va consister la manifestation prévue au Canada ?
Béatrice Vaugrante : Ce rassemblement veut démontrer tout d’abord notre solidarité envers celles qui ont parti ce mouvement avec la #womensmarch qui aura lieu à Washington le 21 janvier. Il se veut aussi solidaire de toutes les femmes dans le monde, qui veulent améliorer leurs conditions de vie et de participation à la vie publique, et qui malheureusement, elles, ne peuvent l'exprimer.
C’est aussi un fondamental et large appel au rassemblement, à l'organisation collective adressé à toute personne – quel que soit le genre - qui s'inquiète des possibles régressions des droits des femmes et qui souhaite s'investir à les améliorer. Aucun pays n'assure l'égalité femme-homme mais ici au moins nous avons la liberté d'expression pour le dire.
Qui va participer à cette manifestation selon vous ?Béatrice Vaugrante : Bien sûr les personnes actives pour les droits des femmes et les droits humains en général, tous les groupes minoritaires qui doivent vivre plusieurs discriminations à leur égard. On souhaite aussi rassembler des personnes moins actives sur ces questions ou qui les ont délaissé et qui pensent que c'est le temps de passer à l'action pour protéger les droits des femmes, ensemble, avec une autre vision de l’égalité femme-homme que 'grab them by the pussy' ("attrapez les par la chatte", l'un des conseils dispensés par Donald Trump, ndlr).
La discrimination fait partie maintenant de trop de discours, de pratiques, de lois : il faut montrer au monde que des alternatives inclusives, organisées, sont possibles.
Quel est le message que les participantes canadiennes veulent faire passer au nouveau président américain ?Béatrice Vaugrante : Au président américain et surtout, à tout leader qui essaierait d'appauvrir le réel accès des femmes à leurs droits, et qui ne s'investirait pas à les considérer voire à les améliorer quand des lois, des projets sont mis en place, nous lançons le message qu'une force mobilisée, déterminée, organisée, inclusive est en marche.
Ce Mouvement sera vigilant pour ne pas permettre de tels actes. Toute régression de droits a non seulement des impacts sur les femmes du pays, mais aussi sur les autres du monde entier, car leurs leaders - parfois dans des pays répressifs - se permettent de violer leurs droits, prenant modèle sur des pays démocratiques. Personne n'y gagne.
Nous avons un travail de rassemblement à faire, d'organisation d'une alternative dont la mission touche un plus grand public de femmes et d'hommes, non pas tant intéressés par les débats qui divisent mais par les projets qui améliorent leurs conditions de vie, celles de leur famille, et celles de leur communauté et de la société.
Comment expliquer le fait que 53% des Américaines blanches qui sont allées voter aient donné leur vote à Donald Trump étant donné son lourd passif avec les femmes ?Béatrice Vaugrante : Les gains au fil des décennies pour les droits des femmes ont été menés par des groupes minoritaires organisés qui ont bénéficié à toutes les femmes et je dirais bien entendu à toute la société. Si tout le monde adhérait à tous les droits humains, je serais heureuse de ne plus avoir de travail.
Il y a certainement des éléments du programme de la nouvelle administration qui intéressent les femmes. Nous devons ensemble proposer des alternatives atteignables et concrètes sur la lutte à la pauvreté, l'accès aux soins de santé, l'accès à la justice dans le cas de violences sexuelles. Et nous devons pour cela améliorer la participation des femmes – de tout milieu - aux solutions qui les concernent et concernent la société.
Est-ce d'autres moyens de pression comme des manifestations sont envisagées au Canada pour dénoncer les politiques à venir de Donald Trump ?Béatrice Vaugrante : Le #womensmarch aux États-Unis sera vigilant sur ce que fera l’administration Trump, avec d'autres organisations comme Amnistie internationale USA. Je ne suis pas au courant d'actions planifiées au Canada mais cela se verra selon l'agenda de la nouvelle administration touchant les femmes. Mais ce mouvement au Canada est là pour rester, toutes les discussions des dernières années sur les droits des femmes (femmes autochtones, violences sexuelles, pauvreté, représentation, …) demandent des réponses concrètes pour mettre fin à la discrimination systémique.
Faut-il s'attendre à des mouvements de protestations massifs aux États Unis contre l'administration Trump ?Béatrice Vaugrante : Celui des femmes n’est pas « anti-trump » et reste non partisan et apolitique. Nous ne savons pas encore comment la nouvelle administration va se positionner concrètement par exemple sur les questions raciales et le rôle de la police, les migrants, le développement des ressources et les communautés autochtones, la communauté musulmane mais on peut s'attendre à des réactions de la société civile si des régressions des droits humains sont en jeu.
Est-ce que l'appel au réveil citoyen lancé mardi dernier par Barack Obama sera entendu selon vous, aux États Unis comme ailleurs dans le monde ?Béatrice Vaugrante : C'est le message que lancent depuis plusieurs mois aussi les organisations de la société civile : le temps est à l'action organisée et concertée. Certainement nombreux sont ceux qui l'ont entendu et qui cogitent sur comment le faire. À nous qui sommes dans l'action dans nos organisations de savoir les recevoir et les écouter, surtout les personnes des milieux minoritaires, qui ont des alternatives à proposer.