Quand l'ONU choisit l'Arabie saoudite pour défendre les droits des femmes

Le régime saoudien poursuit sa quête de reconnaissance internationale en terme d'amélioration des droits des femmes. Dernière victoire en date : sa nomination à la présidence de la Commission de la condition des femmes de l'ONU. Le pays reste pourtant l'un des pires de la planète où être une femme.

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Manahel al Otaibi

Manahel al Otaibi, 29 ans, blogueuse et coach sportive, est en prison depuis un an pour avoir posté sur les réseaux cette photo d'elle, sans abaya, dans un centre commercial saoudien. 

©Amnesty international
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Pour commencer, un rappel : au rang mondial des inégalités entre les sexes, l'Arabie saoudite pointe à la 131e place sur 146 pays.

Un (très) "mauvais" classement qui n'a visiblement pas influé sur le choix de la monarchie du Golfe pour présider la 69ème Commission onusienne de la condition des femmes en 2025, une première depuis 1946. Ce pays du Golfe a été désigné parmi les 45 États membres composant cette commission, un organisme, faut-il le rappeler, "exclusivement consacré à la promotion de l'égalité des sexes et à l'autonomisation des femmes". 

Pourtant, en 2017 déjà, l'élection de l'Arabie Saoudite comme membre de la Commission de la condition de la femme des Nations unies (CSW) pour la période 2018-2022 avait défrayé la chronique et soulevé une vague de contestations. 

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L'Arabie saoudite à la Commission des droits des femmes de l'ONU : stupeur et tremblements

Les Philippines, qui devaient occuper le poste jusqu’en 2025, n’ont pas été à leur terme. Sans candidat rival ni objection de la part des autres pays membres de la Commission, l'ambassadeur saoudien Abdulaziz Alwasil a été élu par acclamation, lors de la réunion annuelle de la Commission à New York, le 27 mars dernier.

"J'ai hâte de travailler en étroite collaboration avec vous tous pour collaborer à nos efforts visant à promouvoir l'égalité des sexes, a déclaré le représentant saoudien. Au Royaume, nous adoptons une approche multidimensionnelle pour l’autonomisation des femmes, et ce n’est pas seulement un slogan. Il s’agit plutôt d’une stratégie qui reconnaît qu’une véritable autonomisation ne peut être obtenue par une approche unidimensionnelle, mais nécessite une compréhension globale des défis auxquels sont confrontées les femmes et des efforts conjoints pour les relever sur plusieurs fronts", a-t-il ajouté. 

Il y a trois ans, le choix de l'Iran pour ce même fauteuil avait déjà suscité des contestations.

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Tollé chez les défenseurs des droits humains

Sherine Tadros, responsable adjointe du travail de plaidoyer à Amnesty International, n'avait pas attendu le jour du vote pour dénoncer le "bilan catastrophique de l’Arabie saoudite lorsqu’il s’agit de protéger et de promouvoir les droits des femmes met en lumière le fossé entre la réalité que vivent les femmes et les filles dans le pays, et les aspirations de la Commission". 

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Un pays qui emprisonne des femmes simplement parce qu'elles défendent leurs droits, n'a rien à faire au sein du principal forum des Nations unies pour les droits des femmes et l'égalité des sexes.Louis Charbonneau, Human Rights Watch 

Même indignation du côté de Human Rights Watch. Louis Charbonneau, directeur du plaidoyer auprès des Nations unies de l'ONG voit en cette nomination, "un mépris choquant pour les droits des femmes partout dans le monde... Un pays qui emprisonne des femmes simplement parce qu'elles défendent leurs droits, écrit-il sur X, n'a rien à faire au sein du principal forum des Nations unies pour les droits des femmes et l'égalité des sexes". Il appelle les autorités saoudiennes à "libérer immédiatement tous les défenseurs des droits des femmes détenus, mettre fin à la tutelle masculine et garantir le plein droit des femmes à l'égalité avec les hommes".

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En 2015, le régime saoudien avait été nommé à la tête de l’une des commissions consultatives de l’ONU sur les droits de l’homme. La décision avait alors choqué, et suscité polémique et gêne dans les milieux diplomatiques.

Une évolution "lente" et sous contrôle 

Si depuis 2022, une loi prévoit des changements notables pour la condition féminine des Saoudiennes, une femme doit toujours obtenir l’accord de son tuteur masculin pour se marier ou obéir à son époux de "manière raisonnable", comme cela est stipulé. Autre condition : le soutien financier de l’homme à sa conjointe dépend de "l’obéissance" de la femme.

Femmes saoudiennes

Des Saoudiennes dans un parc public à Al Hamadanyah, dans le district de Jeddah, en novembre 2021.

©AP Photo/Amr Nabil

En février dernier, Amnesty International lançait un appel à la libération de Manahel al Otaibi, professeure de fitness, défenseure des droits humains et blogueuse âgée de 29 ans, soumise à une disparition forcée depuis novembre 2023. 

Voici la réalité du traitement réservé aux femmes saoudiennes que les autorités saoudiennes tentent de dissimuler derrière une bonne image donnée dans les médias. Toute activité faisant la promotion du féminisme et des droits des femmes est criminalisée. Fawzia al Otaibi

La jeune femme est détenue depuis un an et demi et a passé la dernière année à attendre son procès, précise Amnesty qui a lancé une pétition de soutien en ligne. Elle doit être jugée pour avoir diffusé sur Snapchat des photos d’elle sans abaya (tunique traditionnelle) dans un centre commercial et pour des publications de réseaux sociaux défendant les droits des femmes et appelant à l’abrogation des lois saoudiennes répressives relatives à la tutelle masculine.

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Concernant l'abaya, en mars 2018, le prince héritier Mohamed bin Salman déclarait pourtant dans une interview à la télévision que "la décision est laissée entièrement aux femmes quant au type de tenue décente et respectueuse qu’elles choisissent de porter" et que, si la loi parle de "tenue décente et respectueuse", elle "ne précise pas particulièrement qu’elles doivent porter une abaya noire ou un voile noir".

"Voici la réalité du traitement réservé aux femmes saoudiennes que les autorités saoudiennes tentent de dissimuler derrière une bonne image donnée dans les médias. Toute activité faisant la promotion du féminisme et des droits des femmes est criminalisée", s'indigne Fawzia, la soeur de Manahel al Otaibi, sur le site de l'ONG. 

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