Du sexisme en politique ? De l'affaire Denis Baupin aux moqueries autour d'une robe à fleurs de Cécile Duflot, ou encore des caquettements de poule lors de l'intervention d'une autre élue sous les ors de l'Assemblée nationale, qu'il s'agisse de procès ou de scènes aussi désolantes que célèbres, ces événements ont permis de mettre en lumière des actes qui, au quotidien, font bien des victimes dans les couloirs des institutions françaises et à l'ombre des partis politiques.
Et pourtant, de la "blagounette" sexiste à l'agression sexuelle, les choses ont-elles vraiment changé ?

À cette question, qu'elles soient députées, maires, adjointes au maire, collaboratrices parlementaires, conseillères municipales, mais aussi membres de la société civile, citoyennes et militantes, elles sont 285 à répondre "non" et à réclamer un véritable #metoopolitique en signant, lundi 15 novembre 2021, une tribune publiée sur le site metoopolitique.fr et dans le quotidien français Le Monde.
Parmi les signataires figurent la députée et coordinatrice nationale de Génération Écologie Delphine Batho, ainsi qu'Albane Gaillot, députée du Val-de-Marne, Danièle Obono, députée parisienne, Alice Coffin ou encore Fatoumata Koné (présidente du groupe écologiste), toutes deux conseillères de Paris, Caroline De Haas, fondatrice de l'organisation féministe #NousToutes, Madeline Da Silva, maire-adjointe aux Lilas, en Seine-Saint-Denis et chargée de l'égalité femmes-hommes, mais également Aminata Niakate, avocate (que nous avions suivie dans Terriennes) et Camille Froidevaux-Metterie, philosophe, pour n'en citer que quelques-unes.
J'ai signé cette tribune collective initiée par des collaboratrices de parlementaires et des élues pour réclamer que les auteurs de violences sexistes et sexuelles soient exclus des partis et listes électorales. Texte et signataires https://t.co/1VKPRY7J0hhttps://t.co/ORM4rfWbtM
— Camille Froidevaux-Metterie (@CFroidevauxMett) November 15, 2021
"Nous, femmes travaillant dans le milieu politique, élues, collaboratrices, fonctionnaires, responsables associatives, militantes qui côtoyons régulièrement les hommes politiques, mais avant tout citoyennes, appelons le monde politique à une réponse d’ampleur aux violences sexuelles et sexistes commises par nos représentants". Ainsi débute leur appel.
"Au sein du Parlement, des mairies, des conseils départementaux et régionaux, des hommes mis en cause, parfois condamnés pour viol, pour agression sexuelle, pour atteinte sexuelle sur mineur, pour violences conjugales, sont élus, malgré les discours affichés sur la lutte contre les violences faites aux femmes, malgré nos alertes répétées. Qu’est devenue la grande cause du quinquennat ?", poursuivent-elles, interpellant ainsi le président français Emmanuel Macron qui a fait de la cause des femmes "grande cause du quinquennat" .
Tribune dans Le Monde, 15 novembre 2021
Selon elles, la campagne présidentielle pose problème, compte tenu de la situation "délicate" de plusieurs candidats ou "potentiellement candidats", "déjà cités dans de nombreux témoignages d’agressions sexuelles. Cela ne les empêche pas, loin de là, de considérer qu’ils sont dignes d’occuper la magistrature suprême. C’est dire à quel point la condition des femmes et des victimes leur est indifférente. En juin 2022, nous élirons les membres de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, parmi les 577 députés, certains sont des auteurs de violences sexistes et sexuelles".
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Résultats de l'enquête de Chair Collaboratrice en 2019 :
►1 collaboratrice sur 2 rapporte avoir été victime de blagues sexistes ou sexuelles ou de propos déplacés sur son apparence ou sa vie personnelle
►1 collaboratrice sur 3 rapporte avoir été victime d’injures sexistes ou d’attitudes insistantes et gênantes
►1 collaboratrice sur 5 rapporte avoir été victime d’une agression sexuelle
Un rapport du HCE en 2019 indique que l’une des conséquences du sexisme en politique est "parfois, l’abandon par les femmes de leur projet et le renoncement à toute responsabilité, préférant arrêter la politique que de subir du sexisme ou des violences".
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Mettre fin à l'omerta et à l'impunité des agresseurs
Insultes sexistes, mains aux fesses et "gros lourds tactiles – doux euphémisme pour évoquer des agresseurs sexuels", les signataires de la tribune réclament que l'on écoute les victimes, les militantes et que l'on écarte des responsabilités "ceux qui ont été condamnés pour violences conjugales, pour harcèlement sexuel, pour viol".Tribune publiée dans Le Monde
En conclusion, elles invitent élus et cadres des partis à signer un engagement en trois points contre les violences sexistes et sexuelles en politique, et souhaitent "que chacune et chacun, victimes et témoins, citoyennes et citoyens, interpellent les partis sur leur engagement et leur détermination à éradiquer ces violences en leur sein".
Aux élu.e.s et politiques, on soutient le #MeTooPolitique.
— Marie Coquille-Chambel (@mariecchambel) November 15, 2021
On vous attend aussi pour faire des propositions de loi et affirmer une véritable prise en charge politique des violences sexistes et sexuelles dans le cadre de la présidentielle et des législatives.
Ça devient urgent.
#metoopolitique : la parole se libère
Depuis sa publication, la tribune a reçu de nombreux soutiens sur les réseaux sociaux. Mais surtout, ce qui frappe, ce sont les multiples témoignages postés par des femmes victimes d'agressions sexuelles commis par des élus ou hommes politiques et restés impunis."Viens par ici ma petite poulette" "Toi si tu la fermes pas je vais t'emmener dans les bois" "T'as pas peur de venir habillée comme ça dans mon bureau" "Tes fesses je vais finir par les toucher" Les témoignages de femmes en politique sont effarants #MeTooPolitique #MeToo pic.twitter.com/fEgOPDlfBK
— Madeline Da Silva (@DASILVAMADELINE) November 15, 2021
1. Il y a un peu + de 20 ans, j'ai été victime d'une tentative d'agression sexuelle par un homme politique de gauche puissant qui avait prétexté vouloir me faire travailler sur un futur livre et entretenait une relation amicale avec moi #MeTooPolitique
— M° E. TUAILLON-HIBON (@e_hibon) November 16, 2021
#MeTooPolitique
— Mathilde Viot (@ViotMathilde) November 15, 2021
Une fois, un actuel candidat au présidentielles, m’a dit avec son accent du terroir qu’il avait bien regardé mes fesses, et qu’à n’en pas douté elles rentreraient dans une seule de ses mains.
Quelques heures après sa mise en ligne, le site www.metoopolitique.fr était inaccessible. Les initiatrices du mouvement évoquent un "hackage" et dénoncent une volonté de "museler la parole des victimes et empêchant l’engagement des élu·e·s en faveur de la prévention des violences sexistes et sexuelles en politique".
Le site #MeTooPolitique a été attaqué et n’est plus accessible ce soir.
— Caroline De Haas (@carolinedehaas) November 15, 2021
On dirait que des femmes politiques qui dénoncent les violences dans leurs rangs, ça dérange. Beaucoup.
Soutien à @DASILVAMADELINE, @alicecoffin et toutes celles qui ont lancé le mouvement.
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