À quand une "loi intégrale" contre les violences sexuelles en France ?

"Le rôle de la justice est de juger les violeurs, non les victimes". Sur fond de procès des viols de Mazan, une quarantaine d'associations et fédérations féministes et de protection de l'enfance réclament "une loi globale", plutôt que des "mesures parcellaires et éclatées".

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photo mur victimes

En France, un nouvel appel à la mobilisation générale et "à une déferlante féministe contre les féminicides, les violences sexuelles et toutes les violences de genre dans les rues de toutes les villes de France hexagonale et des Outre-Mers" est lancé pour le samedi 23 novembre. 

©Terriennes/IM
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La coalition féministe estime à 2,6 milliards d'euros par an -dont 332 millions dédiés en particulier aux violences sexuelles- l'investissement nécessaire en France pour lutter contre les violences, physiques, conjugales, sexuelles.

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"Comme associations de terrain, nous identifions 130 mesures dans les domaines de la prévention, de l'éducation, de la police, de la justice, de la santé", explique à l'AFP Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes.

Les associations féministes peuvent avoir des points de vue différents, par exemple sur la question du consentement, mais elles sont d'accord sur le fait que rien ne changera sans une approche globale, mieux financée et centrée sur les victimes. Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes

Les associations féministes "peuvent avoir des points de vue différents, par exemple sur la question du consentement, mais elles sont d'accord sur le fait que rien ne changera sans une approche globale, mieux financée et centrée sur les victimes", explique la militante.

Parmi ces mesures, la lutte contre "l'industrie pornocriminelle" et "la culture du viol en ligne", le repérage de l'inceste lors d'"entretiens individuels annuels" avec les mineurs, des soins de psychotrauma pour les victimes remboursés à 100%.

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"Culture du viol"

"Procès des violeurs de Mazan, révélations sur l'Abbé Pierre, viol suivi du meurtre de Philippine: chaque jour qui passe nous montre à quel point la culture du viol imprègne notre société et à quel point l'impunité des agresseurs est forte", écrit Osez le Féminisme. L'objectif est de "demander à la justice de faire son travail", explique à l'AFP Elsa Labouret, porte-parole d'Osez le Féminisme.

Une cinquantaine d'organisations, féministes, étudiantes (Unef, Fage), politiques (LFI, PCF) avaient appelé à des rassemblements pour soutenir Gisèle Pélicot, droguée aux anxiolytiques et violée par son mari et des dizaines d'inconnus recrutés sur internet à Mazan (Vaucluse), et plus largement toutes les victimes de violences sexuelles. D'Avignon à Toulouse, de Nice à Narbonne, en passant par Paris, Lyon, Marseille ou Clermont-Ferrand : des rassemblements ont été organisés devant des palais de justice d'une vingtaine de villes.

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Quelque "94% des affaires de viol ont été classées sans suite en 2020", déplore la coalition, se référant à une étude de l'Institut des politiques publiques (IPP) publiée au printemps 2024.

Les chiffres communiqués par la Chancellerie diffèrent toutefois : "Les affaires de viols portées à la connaissance de la justice sont passées de 13.000 en 2017 à 23.500 en 2022. Cette année là, 68% de ces procédures transmises au parquet ont été jugées non poursuivables, après examen par un magistrat, sur des critères juridiques", selon le ministère.

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Chercher les "preuves"

"Face à une institution (judiciaire) en manque cruel de moyens et marquée par les préjugés sexistes, nous avons besoin d’un changement profond de la manière dont les viols et violences sexuelles sont jugés en France", ajoutent les membres de la coalition. Pour chaque plainte déposée, les féministes demandent ainsi que "certains actes d'enquête soient obligatoirement réalisés dans un délai raisonnable".

Il y a beaucoup de classements sans suite par manque de preuve, parce qu'on ne mène pas l'enquête.  Laura Slimani, Fondation des Femmes.

"Il y a beaucoup de classements sans suite par manque de preuve, parce qu'on ne mène pas l'enquête. On ne recherche pas les preuves, le suspect n'est pas systématiquement convoqué, on n'interroge pas son entourage, on ne vérifie pas s'il y a dans son ordinateur des images inquiétantes", affirme Laura Slimani, directrice projets à la Fondation des Femmes.

C'est en examinant l'ordinateur de Dominique Pélicot, arrêté alors qu'il filmait sous les jupes de clientes de supermarché, que les enquêteurs ont découvert les centaines de vidéos et photos documentant les viols qu'il orchestrait sur sa femme.

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"Beaucoup de viols ne sont plus jugés devant les jurés populaires des assises mais par des juges professionnels des Cours criminelles départementales. Les crimes les plus graves continuent d'être jugés en assises. C'est donc que le viol n'est pas grave ?", s'interroge Anne-Cécile Mailfert.

Samedi 12 octobre, une femme de 39 ans a été battue à mort par son mari. Selon un témoin, la gendarmerie serait déjà intervenue quelque jours plus tôt. Depuis début janvier 2024, 107 femmes sont mortes en France sous les coups d'un mari ou d'un conjoint. 

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