Que réserve le second mandat de Donald Trump aux droits des femmes ?
Donald Trump entame son second mandat de président des Etats-Unis. Malgré son discours misogyne, près de 45% des électrices ont voté pour lui. Modèle familial traditionnel et limitation du droit à l'IVG - déja fortement restreint - sont parmi les lignes directrices qu'il a promis de mettre en oeuvre. Revue de presse.
Donald Trump s'apprête à prendre la parole lors d'un sommet de Concerned Women for America au Capitol Hilton, le vendredi 15 septembre 2023, à Washington.
Crédit / AP Photo/Andrew Harnik
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Durant la campagne, Donald Trump a promis de protéger les femmes, "que les femmes aiment ça ou pas".
Beaucoup d'Américaines ont visiblement "aimé ça", puisqu'à la sortie des urnes, elles sont 45 % à déclarer avoir voté pour Donald Trump, soit une proportion de l’électorat féminin plus élevée qu’en 2016 lors de la première élection du milliardaire à la mèche blonde péroxydée.
Une supportrice attend le début du rassemblement de campagne du candidat républicain à la présidence, Donald Trump, à Doral, en Floride, le 9 juillet 2024.
AP Photo/Rebecca Blackwell
Pour de nombreux observateurs, le candidat républicain doit - entre autres - sa victoire à son discours viriliste, particulièrement violent à l'encontre de son adversaire Kamala Harris.
Un discours masculiniste qui a fait bien des émules depuis. Et ils ne s'en cachent plus. Bien au contraire, "certains" s'en font même les porte-drapeaux, à l'instar de Marck Zuckerberg, le fondateur de Facebook - devenu Meta - qui vante les mérites de l'athmosphère masculine. Pas si surprenant, si on se souvient qu'à l'origine le réseau social devenu mondial n'avait été créé par des étudiants que pour donner des notes de "sex-appeal" à leurs camarades féminines au sein de l'université ...
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Un projet "masculiniste" anti-démocratie ?
Dans l'Express, la chercheuse au Council on Foreign Relations, Linda Robinson, estime que "les droits des femmes vont certainement subir d’importants revers sous une seconde présidence Trump. Mais également la démocratie dans son ensemble".
"À bien des égards, le résultat électoral semble renier des générations de progrès vers l’égalité des sexes et le féminisme en général. Les femmes ont progressé dans presque tous les domaines de la vie américaine ces dernières décennies, constituant une plus grande part de la main-d’œuvre, occupant des emplois bien payés et devançant les hommes dans l’enseignement supérieur – bien qu’elles restent sous-représentées au sommet des entreprises et du gouvernement.", écrit Dionne Searcey, dans The New York Times, article repris par LaPresse.ca.
"Le 'Projet 2025' (voir plus bas, ndlr) qui sera mis en œuvre dans les 180 premiers jours de son arrivée à la Maison Blanche - est liberticide, xénophobe et masculiniste, s'indigne le Planning Familial dans un communiqué publié peu après l'annonce de la victoire de Donald Trump, qualifiée de "tournant dangereux pour les droits humains".
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Trump incarnation du "vrai féminisme américain" ?
"Pour Tiffany Justice, cofondatrice de Moms for Liberty, une organisation conservatrice, l’élection de M. Trump 'libère les femmes des jours sombres du soi-disant féminisme' et représente 'le vrai féminisme américain'. Selon elle, le choix de Susie Wiles comme comme cheffe de cabinet annonce une série de premières et de mesures qui seront bénéfiques pour les femmes", souligne Dionne Searcey.
Une première femme "chief off staff"
Susie Wiles assiste aux côtés de Donald Trump au match de football des New York Jets contre les Pittsburgh Steelers au stade Acrisure, le 20 octobre 2024, à Pittsburgh.
AP Photo/Evan Vucci
La Floridienne Susie Wiles, surnommée "Ice Baby", a dirigé avec poigne et tout en discrétion la campagne du président élu des Etats-Unis. Ce sera la première femme à occuper ce poste de "chief of staff" (directrice de cabinet, ndlr) à la Maison-Blanche.
La journaliste du NYT mentionne également l'importance grandissante du mouvement des tradwifes, "qui se propage sur les réseaux sociaux, célébrant le retour aux rôles traditionnels d’épouses soumises, une tendance traitée comme une curiosité par les médias grand public".
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"La discrimination et l’inégalité salariale sont encore très présentes : on comprend pourquoi certaines femmes veulent contribuer au statut social de leur mari", constate de son côté Katherine Turk, historienne à l’université de Caroline du Nord.
Vers un recul pour les droits des femmes
Dans l'Humanité, "La réélection de Donald Trump inquiète les féministes qui redoutent un recul des droits des femmes, malgré les progrès réalisés dans sept États en matière de droits reproductifs".Donald Trump a déclaré que s’il était élu président, il voterait pour une interdiction nationale de l’avortement. Son vice-président (Mike Pence, N.D.L.R.) s’est également dit favorable à l’interdiction de l’avortement, de la fécondation in vitro et du contrôle des naissances, comme le rappelle le journal.
On peut y lire l'analyse de Christian Nunes, présidente de la National Organisation for Women, la plus grande organisation de militantes féministes aux États-Unis. "Tout au long de sa campagne, Donald Trump a continué à encourager les discours de haine envers les femmes", constate la militante. Pour elle, le président élu défend "un système patriarcal dominé par les hommes blancs".
"Le président élu est l’auteur de violences sexuelles (Donald Trump a été reconnu coupable de l’agression sexuelle de Jean Carroll en 2023, ndlr) et de propos diffamatoires envers les femmes. Au cours de son premier mandat, il a fait des choix politiques qui ont mis en danger la vie des Américaines (La désignation de trois juges conservateurs à la Cour suprême des États-Unis a rendu possible la révocation de la protection constitutionnelle du droit à l’IVG, avec le renversement de l’arrêt Roe vs Wade,N.D.L.R.)", rappelle Christian Nunes.
Le droit à l'IVG dans la ligne de mire
26 Etats ont interdit l’avortement ou entravé son accès. Depuis, la mortalité infantile a augmenté de 7% sur tout le territoire, rappelle Le Planning Familial.
Une situation qui va s'aggraver selon Linda Robinson, "le droit d’avorter sur tout le territoire, les droits reproductifs des femmes vont probablement continuer à être menacés". "De nouvelles lois pourraient venir les éroder encore davantage via des mesures telles que la restriction de l'accès aux pilules abortives et la limitation des femmes à voyager pour avorter ou obtenir d'autres soins de santé", s'inquiète la chercheuse.
"Au cours des deux dernières années, de nombreuses femmes sont décédées en tentant d’obtenir des soins d’urgence pour des fausses couches en raison de l’interdiction de l’avortement. C’est une situation tragique et mortelle. le retour de Trump au pouvoir me fait craindre le pire", s'inquiète Christian Nunes.
Des manifestantes se rassemblent pour demander le maintien de l'accès à l'avortement lors de la Marche pour la justice reproductive, le 2 octobre 2021, dans le centre de Los Angeles.
AP Photo/Damian Dovarganes, file
"Projet 2025" : vers un modèle familial à l'Américaine
Rédigé par un puissant think tank, le "projet 2025" est un plan de 900 pages qui dessine les priorités du nouveau président américain. Ce document se présente comme un programme ultraconservateur prêt à être appliqué dès "le 20 janvier 2025", date de l'investiture de Donald Trump. En suivant cette feuille de route, les Etats-Unis pourraient vivre une "deuxièmerévolution américaine", qui "restera sans effusion de sang si la gauche le permet", affirme le président du think tank, Kevin Roberts, sur le site de France Info.
Outre un vaste projet de réorganisation administrative réattribuant à l'équipe Trump le maximum de pouvoirs, ce plan prévoit un "agenda pour la famille", reposant notamment sur "le mariage, les enfants, les repas de Thanksgiving", et revendique que l'union "d'un homme et d'une femme est la structure familiale idéale".
Deux conservatrices pro-vie prient devant une clinique Planned Parenthood où l'on pratique l'IVG à Fayetteville, en Caroline du Nord, le mardi 1er octobre 2024.
AP Photo/Allen G. Breed
"A travers la promotion d’un modèle familial "conforme à la Bible", l’objectif est de s’attaquer à l’existence même des personnes transgenres, ainsi qu’à la liberté des femmes de disposer de leurs corps : notamment en coupant toutes les subventions fédérales au Planning familial américain, et par l’interdiction de l’avortement. Le Planning familial le sait : cette feuille de route d’extrême droite a pour vocation d’être diffusée au monde entier, et aura des répercussions directes en France et à l’international", alerte le Planning familial.
Campagne anti-trans
Avant même que le président élu ne réintègre le bureau ovale, un vote de la Chambre des représentants est venu alimenter la campagne anti-trans en cours aux États-Unis. Un projet de loi visant à interdire la participation des femmes transgenres dans les compétitions sportives féminines a été adopté.
Ce texte intime aux institutions scolaires et universitaires qui reçoivent des fonds fédéraux de ne pas permettre "à une personne de sexe masculin de participer à une activité ou un programme athlétique destiné aux femmes ou aux filles". Ce vote n'est pas vraiment une surprise : le 22 décembre dernier, en pleine allocution, Donald Trump déclarait que "d’un simple trait de plume, dès le premier jour, nous mettrons un terme au délire transgenre".
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Où sont passés les anti-Trump ?
En 2016, une immense vague féministe anti-Trump avait envahi les rues des grandes métropoles américaines. Bonnet rose "pussy" sur la tête pour certaines, les manifestantes - et manifestants - dénonçaient la politique anti-femmes du président américain, alors que ce dernier promettait de prendre celles-ci par "la chatte".
Mais "à ce jour, aucun projet ne se dessine pour une autre grande manifestation des femmes à Washington, comme celle qui avait suivi la première élection de M. Trump en 2016", regrette la journaliste du NYT.
14 novembre 2016 : des lycéens protestent contre l'élection de Donald Trump devant l'hôtel de ville de Los Angeles.