En France, depuis les années 2000,
les femmes immigrées sont plus nombreuses que les hommes et s'investissent davantage dans la vie sociale « ici » et « là-bas ». Elles sont pourtant encore peu visibles et mal reconnues. Pour ouvrir le débat sur leur place dans le développement, le Forum des organisations de solidarité internationale issues des Migrations (FORIM) et le réseau Femmes et Contributions au développement(FECODEV) ont organisé le 7 novembre une conférence au musée du quai Branly à Paris : «
Femmes migrantes actrices de développement : s'engager et agir pour un développement endogène.»
Considérées dans leur pays de résidence comme des victimes à leur arrivée, trop souvent réduites à occuper des places et des rôles familiaux, les femmes migrantes ont su transformer leur existence. S'engageant dans des associations, elles développent des mécanismes d'entraide et de solidarité. Elles facilitent la cohésion sociale dans leurs lieux de vie « ici » et « là-bas ». Néanmoins, « ni leur action ni leurs organisations ou elles-mêmes ne bénéficient de toute l'attention et de toute la considération qu'elles méritent, regrette Kady Sakho Niang, la présidente du FORIM. Elles font malgré tout l'objet de discriminations, de racisme et d'exclusion. »
Réactions recueillies à la conférence « Femmes migrantes actrices de développement : s'engager et agir pour un développement endogène ».
Hélène Rama Niange, présidente de l'association sénégalaise "Femmes Education Culture Santé et Développement en Afrique".
« Les femmes migrantes pèsent de plus en plus sur la politique de leur pays d'origine. Elles sont en lien avec les ministères dédiés à la diaspora, avec les ambassades et les consulats. Quand un candidat se présente à des élections, il se doit d'aller à la rencontre de la diaspora. Les femmes migrantes ne veulent pas servir d'alibi ou de faire-valoir. Elles veulent faire passer leurs idées. Par exemple, elles sont nombreuses à réclamer l'accès à la terre car elles aussi veulent hériter de leurs pères et obtenir un terrain. Dans les pays d'accueil, elles sont de plus en plus nombreuses à prendre des responsabilités associatives voire politiques au niveau par exemple des conseils municipaux. Elles ont de plus en plus de capacités et ont envie de se faire entendre. Je pense qu'au niveau de la France, c'est à partir des mouvements des sans papier que les femmes migrantes ont commencé à jouer un rôle politique. »
Diarra Ly, présidente de l'association française Champs des coeurs
« Les femmes migrantes veulent garder un lien avec leur pays d'origine, même si elle n'y retournent qu'un mois tous les trois ans et que les enfants sont éduqués dans le pays d'accueil, elles veulent jouer un rôle. Moi, j'ai créé Champs des coeurs après 7 ans de bénévolat aux Restos du coeur. C'était en 2011. Dans ma ville d'origine, Thiaroye, ville côtière dans la banlieue de Dakar, les jeunes veulent tous partir en Europe en embarquant dans des pirogues jusqu'aux Canaries (archipels espagnols, porte de l'Union européenne, ndlr). Mais ils sont 80% à y perdre la vie. Un quartier de Thiaroye a perdu pas moins d'une centaine de jeunes ! J'ai alors décidé de rencontrer ces mamans qui perdent leurs fils et d'organiser par leur intermédiaire des réunions de sensibilisation auprès de ces jeunes pour les convaincre de rester au Sénégal. Mais ça ne suffit pas de leur dire qu'en Europe il y a aussi du chômage et que la vie est dure, il faut leur donner du travail pour les inciter à rester chez eux. C'est ce qu'on essaye de faire en développant des activités agricoles avec l'aide du gouvernement. »
Oumou Koyaté, présidente du collectif des Ivoiriens de France pour la démocratie et les droits de l'Homme.
« En France, les femmes immigrées sont mises de côté. Ce sont les travailleuses de l'ombre. Même celles qui sont diplômées sont en général sous employées par rapport à leurs compétences. Personnellement, après avoir passé ma thèse, je n'ai pas trouvé de travail. C'est à l'université d'Abidjan, en Côte d'Ivoire, que j'ai obtenu un poste. Il faut que l'on soit plus visible et que l'on défende mieux nos droits. On se retrouve dans un entre deux qui n'est pas acceptable. On n'est pas vraiment "ici" et on n'est plus "là-bas". »
Claudy Vouhe, présidente du réseau Genre en action.
« Il faut réussir à fédérer, permettre aux femmes migrantes de se rencontrer et de s'organiser en réseau, comme le fait la FECODEV. Mais les pouvoirs publics en France ont tendance à cantonner les femmes migrantes à des problématiques stigmatisantes comme les violences domestiques ou les mutilations sexuelles. Or c'est à elles de choisir les questions qu'elles veulent soulever, les problèmes qu'elles veulent chercher à résoudre. En France, il y a beaucoup de trop de stéréotypes sur les femmes migrantes, ce qui entraine un vrai risque d'instrumentalisation. Les femmes migrantes sont d'abord des femmes qui font face aux mêmes problèmes que les Françaises (précarité, problème de garde d'enfants…). Il est donc important qu'elles ne soient pas cantonnées à des problématiques spécifiques. »
Le FORIM
Le Forum des Organisations de Solidarité Internationale issues des Migrations est une plateforme nationale qui réunit des réseaux, des fédérations et des regroupements d'Organisations de Solidarité Internationale issues de l'Immigration, engagés dans des actions d'intégration ici et dans des actions de développement dans les pays d'origine.
Genre en action
Cre´e´ en 2003, le Réseau Genre en Action promeut la prise en compte des ine´galite´s des femmes et des hommes dans les politiques et programmes de de´veloppement. Il compte plus de 3.800 membres (organisations et individus) dans plus de 50 pays, principalement francophones. Il se distingue par la qualite´ et la diversite´ de ses interventions et sa capacite´ a` agglome´rer des actrices et acteurs du de´veloppement, du Sud et du Nord.