Qui est Magdalena Andersson, première cheffe de gouvernement en Suède ?

Magdalena Andersson est la première Première ministre dans la pourtant réputée très féministe Suède. Fraîchement élue à  54 ans, elle se décrit comme une femme "sympa et travailleuse", mais s'est taillée une réputation de "bulldozer" dans l'arène politique au poste de ministre des Finances. D'aucuns comparent déjà son pragmatisme avec celui d'une certaine Angela Merkel.
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Magdalena Andersson
Magdalena Andersson, alors ministre des Finances, lors d'une réunion des ministres européens des Finances au bâtiment du Conseil européen à Luxembourg, le 11 septembre 2015. 
©AP Photo/Virginia Mayo
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Jamais depuis la création du poste, en 1876, la Suède n'avait eu de femme Première ministre, contrairement à ses voisins le Danemark, la Finlande, la Norvège et l'Islande. Un siècle après avoir adopté le droit de vote féminin en 1919, le gouvernement suédois, paritaire depuis longtemps - comme le Parlement, ou presque - n'avait jamais été dirigé par une personne du sexe féminin. Le pays affiche pourtant un féminisme d'Etat assumé, formulé dans son Manuel de diplomatie féministe

C'est désormais chose faite, depuis le 29 novembre 2021, alors que la cheffe des sociaux-démocrates suédois est (ré)élue Première ministre par le Parlement après une rocambolesque élection-démission en l'espace de sept heures, quelques jours plus tôt : le 24 novembre, Magdalena Andersson est élue Première ministre, puis battue sur son budget par l'opposition de droite, et enfin contrainte de démissionner après le départ surprise des écologistes du gouvernement. Elle n'avait même pas eu le temps d'entrer officiellement en fonction.

Un cadeau empoisonné ?

Ministre des Finances depuis sept ans, Magdalena Andersson a donc été (ré)élue par les députés avec 173 voix contre, 101 voix pour et 75 abstentions. Elle peut officiellement devenir la première femme cheffe du gouvernement en Suède. "C'était un grand jour mercredi dernier, et c'était un grand jour aujourd'hui", a déclaré la nouvelle Première ministre lors d'une conférence de presse le 29 novembre. Cette fois-ci j'étais peut-être davantage préparée à être émue". 

Qu'il ait fallu attendre 2021 pour voir une femme cheffe de gouvernement fait figure de quasi anomalie historique dans une Suède championne de l'égalité des genres, mais pour Magdalena Andersson, cette première a des airs de cadeau empoisonné alors que les sociaux-démocrates, usés par sept ans au pouvoir, sont proches de leurs plus bas historiques dans les sondages. Elue le 4 novembre à la tête du parti social-démocrate, cette économiste prend le relais du chef de gouvernement démissionnaire Stefan Löfven à moins d'un an d'élections difficiles prévues en septembre 2022. Sa mission : redresser la barre de la popularité du parti. Avec une grosse côte de confiance, elle était la personne toute désignée pour reprendre le flambeau.

L'intello et le syndicaliste

Proche de son précédesseur, Stefan Löfven, Magdalena Andersson a un parcours singulièrement différent de l'ancien syndicaliste métallo. "Elle aime bien se présenter aujourd'hui comme un bon petit soldat, qui a organisé les pauses café et beurré les sandwiches aux réunions de parti. Mais elle vient d'une élite intellectuelle", résume Jonas Hinnfors, professeur de sciences politiques à l'Université de Göteborg.

Elle a une façon d'argumenter qui rappelle un peu Angela Merkel... Elle finit par l'emporter parce que personne d'autre ne sait répondre alors qu'elle maîtrise tous les détails.
Anders Lindberg, chef du service politique du quotidien Aftonbladet

Née à Uppsala, capitale académique de la Suède, cette fille unique d'un universitaire et d'une enseignante s'illustre d'abord dans les bassins, où elle se fait remarquer par sa détermination et finit championne de Suède junior de natation. En parallèle de ses brillantes études - à la "Handels" de Stockholm, équivalent suédois d'HEC, complétée par un passage à Harvard, elle plonge dans la vie de "sosse", militant social-démocrate. Membre de la branche jeunesse, SSU, depuis ses 16 ans, elle devient collaboratrice du Premier ministre Göran Persson en 1996 et alterne les fonctions au sein du parti et des postes de haut fonctionnaire. "C'est quelqu'un (...) qui vient de l'intérieur du système", pour Anders Lindberg. Plutôt marquée au départ à l'aile gauche, elle a suivi "en pragmatique" le virage centriste de son parti, note Jonas Hinnfors. 

Une femme à poigne, sympa et travailleuse

Avec ses cheveux blonds mi-longs, Magdalena Andersson se définit comme une "femme sympa et travailleuse", qui aime décider. Politiquement, cette ancienne nageuse de haut niveau s'est bâtie une réputation de femme à poigne, solide, carrée et sûre de son fait, au ton direct qui déstabilise dans une Suède souvent policée, soulignent les experts. "Certains ont même dit qu'ils avaient peur d'elle, ce qui est assez drôle quand cela vient de professeurs d'économie ou de politilogues d'élite", avance Anders Lindberg, chef du service politique du quotidien Aftonbladet, proche des sociaux-démocrates. La télévision publique SVT a intitulé "le bulldozer" une récente émission à son sujet. 

Lina Axelsson Kihlblom
Lina Axelsson Kihlblom 
©Wikipedia

Une Angela Merkel scandinave ?

A Bruxelles, Magdalena Andersson porte la ligne suédoise faite de modération budgétaire jusqu'à former l'an dernier avec l'Autriche, les Pays-Bas et le Danemark le petit club des "frugaux" opposés à un trop grand plan de relance européen. Elle a aussi pris la présidence l'an dernier d'un comité consultatif au Fonds monétaire international (FMI). "Elle a une façon d'argumenter qui rappelle un peu Angela Merkel, ce qu'elle veut dire n'est pas toujours complètement clair, mais elle finit par l'emporter parce que personne d'autre ne sait répondre alors qu'elle maîtrise tous les détails", dépeint Anders Lindberg.

Sous son style assez BCBG, cette quinquagénaire, mariée à un professeur de "Handels" et mère de deux enfants, réserve pourtant quelques surprises. A l'image de sa chanson préférée, B.Y.O.B, du groupe de heavy metal System of a Down. A elle, désormais, d'imposer sa marque, ce qui, selon les analystes, sera son premier défi.