Fil d'Ariane
"Le temps est venu pour une nouvelle génération de dirigeants", ainsi s'exprimait Nikki Haley début 2023. Un an plus tard, l'ancienne gouverneure républicaine de 52 ans, battue par Donald Trump à presque toutes les primaires, n'a pas résisté au super Tuesday.
Nikki Haley, candidate républicaine à la présidentielle américaine, ancienne ambassadrice de l'ONU, lors d'un meeting à Seabrook, dans le New Hampshire, le 21 janvier 2024.
Seuls deux républicains étaient encore en lice pour la prochaine élection présidentielle aux Etats-Unis qui se tiendra le 5 novembre 2024 : un homme, une femme.
Le 5 mars, le super Tuesday était une étape cruciale avant la présidentielle : 15 États américains ont voté lors de primaires pour désigner leurs prétendants démocrate et républicain. Du Maine à la Californie, du Texas à la Virginie, de l'Alaska à l'Arkansas, des millions d'Américains étaient appelés aux urnes.
D'habitude, la grande journée de primaires du super Tuesday fait l'objet d'une attention médiatique énorme, car elle propulse les candidats vers l’investiture ou, au contraire, les en écarte définitivement. Mais cette année, elle avait une saveur un peu différente, tant elle paraissait jouée d'avance.
Jusqu'à sa victoire symbolique à Washington, Nikki Haley a enchaîné les défaites cuisantes, y compris en Caroline du Sud, dont elle a été gouverneure. L'ex-ambassadrice de l'ONU sous l'administration Trump continuait cependant à s'accrocher, assurant que jeter l'éponge serait "la solution de facilité".
Nikki Haley allait-elle resté dans la course si les mauvais résultats continuaient de s'accumuler à l'issue de ce grand rendez-vous de la politique américaine ? Interrogée sur la question, la principale intéressée restait vague : "Nous allons continuer jusqu'au super Tuesday, déclarait-elle à des journalistes fin février. "Je n'ai pas réfléchi plus loin en matière de stratégie."
Au soir de ce Super Tuesday, prenant acte de sa lourde défaite qui a vu son rival l'assommer dans 14 des 15 Etats en jeu, elle annonce qu'elle met fin à sa campagne.
Le candidat Trump comptait sur une démonstration de force en ce super Tuesday pour écarter définitivement sa rivale : lui qui ne cesse de l'affubler de sobriquets peu flatteurs – "cervelle d'oiseau" est son favori – martelait que Nikki Haley "va perdre chacun des Etats" en jeu le mardi 5 mars. "Elle ne suscite pas d'enthousiasme, ne mobilise pas les foules, rien", tranchait-il dans une publication sur son réseau, Truth Social.
Les primaires auraient pu en théorie s'étirer jusqu'en juillet, mais les jeux sont déjà faits. Le milliardaire va pouvoir se lancer dans un match retour avec Joe Biden – avant d'être aspiré par ses ennuis judiciaires. Selon un décompte de l'AFP, le milliardaire a déjà passé neuf journées en 2024 dans les tribunaux, qu'il transforme volontiers en estrade de campagne. Son premier procès pénal débute le 25 mars 2024, à New York.
Nous ne survirons pas à quatre ans de plus du chaos de Trump. Nikki Haley
Face à un tel adversaire, le plaidoyer de Nikki Haley est simple: "Nous ne survirons pas à quatre ans de plus du chaos de Trump." Elle promet à la place de rétablir un certain sens de la "normalité" et exhorte ses pairs à choisir "une nouvelle génération de dirigeants", même si les électeurs républicains semblent faire la sourde oreille.
"Entendez-vous ce bruit ? C'est celui d'une course à deux !... Maintenant, il reste un homme et une femme. Que voulez-vous ?... Quelque chose de nouveau ?... Que la meilleure gagne !", lançait pourtant Nikki Halley, plus combattive que jamais devant ses partisans, fin janvier 2024 dans le New Hampshire. Après le retrait du gouverneur de Floride, Ron DeSantis, Nikki Haley restait de fait l'ultime adversaire de Donald Trump dans la course à l'investiture de la primaire républicaine.
Après que l'ancien président de 77 ans avait semblé la confondre avec une autre responsable politique, Nikki Haley avait remis en question la capacité mentale de Donald Trump à gouverner. Lors d'un meeting, il avait plusieurs fois prononcé le nom de Nikki Haley en lien avec l'assaut du Capitole américain par ses partisans, le 6 janvier 2021. "Nikki Haley est chargée de la sécurité, nous lui avons proposé 10 000 personnes, soldats, garde nationale, tout ce qu'ils veulent. Ils l'ont refusé, déclarait-il.
On ne peut pas avoir quelqu'un dont on se demande s'il est capable mentalement de résister à la pression de la présidence. Nikki Haley
"Je n'étais même pas à Washington le 6 janvier !", affirmait la candidate lors d'un meeting. "L'inquiétude que j'ai, sans vouloir être désobligeante, c'est que l'on ne peut pas avoir quelqu'un dont on se demande s'il est capable mentalement de résister à la pression de la présidence", ajoutait-elle. "Nous avons besoin de quelqu’un au sommet de son art au Bureau ovale. L’Amérique mérite un meilleur choix que deux noms du passé de 80 ans", postait-elle sur son compte X.
Coup d'envoi le 14 février 2023. "Je suis candidate à l'élection présidentielle", déclarait non sans fierté et émotion dans la voix Nikki Haley, dans une vidéo à ses partisans : "Faisons-le !" Cela faisait déjà plusieurs semaines que l'ancienne diplomate, nommée à l'ONU en 2017 par Donald Trump, était pressentie pour entrer dans la campagne à la présidentielle américaine de 2024.
Get excited! Time for a new generation.
— Nikki Haley (@NikkiHaley) February 14, 2023
Let’s do this! pic.twitter.com/BD5k4WY1CP
Même dans lesjours les plus sombres, nous avons une chance incroyable de vivre en Amérique, mais l'heure est venue pour une nouvelle génération de dirigeants", exhortait-elle dans son message, n'hésitant pas à critiquer le bilan des républicains, où Donald Trump était faiseur de rois, lors des dernières élections.
It’s time for a new generation of leadership in America.
— Nikki Haley (@NikkiHaley) February 12, 2023
We're headed back to IOWA—come see us in Urbandale and Marion!
RSVP and get your tickets here: https://t.co/TZFOEyTcbz pic.twitter.com/f3qQgfJqjC
Nimrata Haley – dite Nikki – est née Randhawa le 20 janvier 1072 à Bamberg en Caroline du Sud. Ses parents, originaires de l'Etat du Pendjab, sont arrivés aux Etats-Unis dans les années 1960. Elle grandit dans la confession, sikh mais se convertit au baptisme peu avant son mariage avec un officier de la Garde nationale américaine. Le couple a deux enfants. Sur son CV figure un diplôme en comptabilité à l'Université de Clemson.
Élue au Sénat de Caroline du Sud à la majorité absolue, elle devient la première femme à accéder à la fonction de gouverneur de Caroline du Sud en novembre 2010. Soutenue par Sarah Palin, elle est proche du mouvement ultra-conservateur du Tea party. En 2016, elle soutient le candidat Ted Cruz aux primaires républicaines. Après le retrait du sénateur du Texas, elle se rangera derrière Donald Trump.
Choisie par le président Trump, elle devient ambassadrice des Etats-Unis auprès des Nations unies de janvier 2017 à décembre 2018. En quelques mois, elle s'impose comme une étoile montante de la diplomatie américaine et devient l'un des nouveaux visages issus de l'immigration du parti conservateur.
Dans ses mémoires, With All Due Respect : Defending America with Grit and Grace (St. Martin's Press), elle retrace ses années à l'ONU et les positions qu'elle a pu défendre au nom des Etats-Unis. Elle vit aujourd'hui de ses revenus de conférencière, touchant des cachets pouvant atteindre jusqu'à 200 000 dollars la prestation.
En 2021, Nikki Haley déclarait qu'elle ne se présenterait pas à une élection si Trump était déjà candidat. Elle avait finalement changé d'avis. "L'annonce de Haley donne officiellement le coup d'envoi de la primaire désordonnée des trumpistes de 2024, à laquelle on s'attendait depuis longtemps", déclarait le chef du parti démocrate, Jaime Harrison, en février 2023.
Donald Trump n'avait pas immédiatement réagi à l'annonce de Nikki Haley. Après avoir fait cavalier seul durant trois mois, l'ex-magnat de l'immobilier avait vu progressivement les rangs de ses rivaux républicains se garnir. Puis au fil des mois, l'ancien président avait su reconquérir son électorat et reprendre la main dans les sondages.
Nikki Haley not to be ‘underestimated’ in bid for president, former South Carolina GOP officials say https://t.co/IwG9xJ8fmw
— Fox News (@FoxNews) February 11, 2023
Côté démocrate, le président Joe Biden, 81 ans, est candidat à sa réélection et ne fait face à aucune opposition sérieuse. Les candidatures de l'élu du Minnesota Dean Phillips et de l'autrice à succès Marianne Williamson n'ont jamais vraiment suscité d'enthousiasme, malgré les critiques récurrentes exprimées par les électeurs sur l'âge du président, ou son soutien à Israël. Les élections de ce super Tuesday relèvent donc pour lui de la formalité, malgré les démêlés judiciaires de son fils Hunter, visé par une nouvelle enquête.