Fil d'Ariane
A chaque règles on perd entre 30 et 50mL. L'équivalent de 2 à 3 cuillers à soupe
— Les Menstrueuses (@LesMenstrueuses) November 19, 2021
Au delà de 80mL par cycle on parlera de règles abondante.
On est loin de la pinte avec ses 500 mL ! pic.twitter.com/iDPrbs2bpt
#LesMenstrueuses débarquent pic.twitter.com/fxgwd4fL5q
— Les Menstrueuses (@LesMenstrueuses) November 15, 2021
Terriennes : Quelle serait votre définition des règles ?
Elise Thiébaut : Les règles, ce sont les lunes, les menstruations, les ragnoutes, les ragnagnas, les ourses… "J’ai ma Ferrari garée devant la porte", "J’ai la visite d’un marquis", "On a hissé le drapeau japonais" ou "J’ai l’armée rouge dans ma culotte"… Les règles sont à la fois une réalité biologique qui concerne la moitié de l’humanité et une sorte de fiction qui fait l’objet d’un tabou persistant depuis, probablement, les origines de l’humanité.
Cette année, #Terriennes fête ses dix ans.
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) December 16, 2021
L'occasion de revenir sur les définitions de dix mots qui ont marqué la décennie.
Au tour du mot "règles" d'être expliqué par Élise Thiébaut, autrice de "Ceci est mon sang" pic.twitter.com/qDRAWTHV9l
Ce mot tabou, on a l’impression qu’aujourd’hui, il se prononce plus facilement. Qu’est-ce que cela dit de notre société ?
La société d’aujourd’hui laisse une place plus importante à un féminisme qui, pour la première fois, prend véritablement en compte le corps. Au début, on mettait davantage en avant les droits des femmes ou leur accès à des territoires masculins, en privilégiant quelque chose qui était du registre du neutre.
La société d’aujourd’hui laisse une place plus importante à un féminisme qui prend en compte le corps.
Elise Thiébaut
Comme disait Françoise d’Eaubonne, quand le mythe contredit la loi, c’est le mythe qui gagne. Que l’on puisse parler des règles aujourd’hui est lié au fait que l’on est en train de défaire ce mythe, ce tabou des règles, qui a été si longtemps instrumentalisé et utilisé contre les femmes.
— Les Menstrueuses (@LesMenstrueuses) December 4, 2021
Qu’est-ce qui a changé en dix ans ?
Déjà qu’on en parle, mais aussi qu’on se les réapproprie, que l’on prenne en compte qui nous sommes et ce que nous vivons. La possibilité de donner de la dignité à cette expérience physiologique, personnelle, parfois spirituelle. Cela s’est accompli pas tant dans les dix dernières années que ces cinq dernières années.
Est-ce parce qu’on parle davantage des règles maintenant que la précarité menstruelle est devenue un sujet d’actualité ?
La précarité menstruelle est un concept un peu étonnant pour moi, qui vise à montrer que l’accès aux protections périodiques est difficile pour un grand nombre de femmes. En réalité, le problème est bien plus vaste ; c’est celui de l’égalité entre les hommes et les femmes.
C’est un enjeu d’égalité que de rendre accessibles des protections périodiques dans l’espace public.
Elise Thiébaut
Sachant que les femmes ont aujourd’hui encore des revenus de 27% en moyenne inférieurs à ceux des hommes, il est évident que, compte tenu du coût des protections menstruelles – environ dix euros par mois –, on accentue la précarité des femmes. C’est un enjeu d’égalité que de rendre accessibles des protections périodiques dans l’espace public, mais aussi pour banaliser ce tabou.
Avant, le sang était bleu dans les publicités pour les protections périodiques…
Il y a encore des publicités qui montrent du sang bleu et des tampons qui s’ouvrent en corolle dans l’eau. On a beau surfer sur les tendances de la société et se vouloir moderne, il s’agit toujours de vendre des protections périodiques dont, hélas, la sécurité et la composition ne sont toujours pas garanties sur le marché par les multinationales.
La nouvelle génération s’approprie les règles avec de nouvelles protections, comme les cups, cela signifie-t-il que le tabou est levé ?
Cela signifie clairement que le tabou est en train d’être levé, mais aussi que l’on est dans une démarche de réappropriation du corps, du sang menstruel, à travers la cup. Une démarche aussi de prise en compte du bien-être, du confort et de la santé. Le tabou des règles a eu un impact très négatif sur la santé, puisque les règles sont honteuses, puisqu’elles ne sont pas respectables, puisqu’on nous disait, quand on avait nos premières règles, de ne pas en parler, que c’était sale et pas convenable d’en parler...
En ouvrant la parole, on restaure une forme d’estime de soi que l’on avait perdue.
Elise Thiébaut
En ouvrant la parole, on restaure une forme d’estime de soi que l’on avait perdue quand on n’échangeait pas à ce sujet, quand on ne savait même pas faire la part de ce qui ressortissait du pathologique ou de l’effet de la bonne santé. Aujourd’hui, on repense la question de la douleur et celle de la sexualité. Le sexe est devenu quelque chose auquel l’on a accès, mais aussi dont on peut défendre l’accès. On peut, en se respectant davantage dans son corps, être moins sujette aux violences externes. Tant que l’on connaît pas la limite, tant que l’on n’est pas capable de savoir ce que l’on ressent, ce qui n’est pas autorisé, c’est très facile de vivre sous l’emprise, la dépendance, et de se faire imposer des gestes qu’on ne souhaite pas, que ce soit dans le cadre intime ou médical.
"L’heure est-elle venue de changer les règles ? La révolution menstruelle, en tout cas, est en marche. Et ce sera probablement la première au monde à être à la fois sanglante et pacifique."
— Les Fameuses (@LesFameuses) October 22, 2021
Ceci est mon sang
@EliseThiebaut
@Ed_LaDecouverte pic.twitter.com/kBCusWqsav
Avoir ses règles, dans certaines sociétés, c’est aussi synonyme d’exclusion pour les filles qui ne peuvent pas aller à l’école ?
L’exclusion existe soit de façon explicite, dans certains pays, soit de façon implicite dans d’autres. Dans d’autres cultures que la nôtre, en Afrique, en Inde, en Amérique du Sud, de plus en plus de personnes se saisissent de cette question à partir de leurs sociétés, de leurs aspirations. Comme toujours, les grandes idées émergent à plusieurs endroits à la fois. C’est ainsi une sorte de solidarité menstruelle internationale qui se fait jour par l’écoute que nous avons les unes des autres et de nos réalités.
Les hommes osent-ils parler des règles, aujourd’hui ?
De plus en plus. Au début, quand je faisais des interventions sur les règles, les premiers à s’exprimer étaient souvent des hommes, parce qu’ils n’étaient pas directement concernés par le tabou. C’était assez intéressant de voir qu’ils permettaient à des femmes qui, sinon, n’auraient pas parler, de s’exprimer.
Je viens de voir les photos de Victor d'Allant qui a photographié des femmes qui ont leurs règles, des photos qui montre le sang et les protections avec un regard très bienveillant. Je ne crois pas qu’un tel travail aurait été possible il y a cinq ou six ans. Je trouve intéressant que des hommes redonnent de la dignité à ce sujet, au-delà du tabou qui leur a été inculqué, pour davantage explorer la potentialité de notre diversité.
Rendez-vous dans dix ans : qu’attendez-vous ?
Qu’il y ait des distributeurs de protections périodiques saines, bio, sans aucun plastique, dans tous les lieux publics ; qu’elles soient gratuites et prises en charge par la collectivité. Que les culottes menstruelles se soient démocratisées et que l’on y accède facilement, notamment dans le domaine sportif. Ce serait déjà formidable. Si l’on avait en plus des études scientifiques approfondies sur le sang menstruel et que l’on trouvait un moyen de diagnostiquer, prévenir et soigner des maladies comme l’endométriose. Ce serait merveilleux, et c’est possible d’ici dix ans.
Je vous présente 19€94 de courses à #Carrefour en #Martinique pic.twitter.com/wxUVV9n1zR
— Petit Coeur Solide (@WayouYouYou) November 28, 2021
Il y a déjà pas mal de marketing autour des règles et des protections à mesure que la grande distribution s’empare du sujet, souvent au détriment de la qualité des produits…
Nous vivons dans un système capitaliste où le profit prime. Parfois au détriment de la santé des consommateurs-trices. Dans le cas des culottes menstruelles de la grande distribution, il est probable que pour réduire les coûts, elles soient fabriquées loin, au détriment de leur qualité, mais surtout du confort et de la santé de ceux qui les fabriquent - comme tous les produits. Avec un coton sans pesticides, on protège aussi la santé de ceux qui le cultive. Il y a une nécessité de production locale pour préserver la société et la qualité des produits.
Il semblerait que la recherche sur l'endométriose soit moins rentable que le développement d'une pilule qui favorise l’érection des hommes vieillissants.
Elise Thiébaut
J’ai ce fantasme écoféministe que, en posant ces questions, l’on aille au bout de la démarche et s’unisse en une guilde menstruelle qui fabrique et diffuse dans les meilleures conditions les protections périodiques. Et qui lance aussi des recherches scientifiques à partir de nos besoins, non pas d’une rentabilité supposée qui fait que les laboratoires poussent les recherches qui rapportent le plus. Pourquoi, étant donné le nombre des personnes malades, n’avons-nous pas davantage avancé ? Il semblerait que la recherche sur l'endométriose soit beaucoup moins rentable que le développement d'une pilule qui favorise l’érection des hommes vieillissants !