Démilitarisation

Rani Yan Yan, son long combat pour le droit à la terre des autochtones du Bangladesh

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Rani Yan Yan

Rani Yan Yan, reine du groupe ethnique des Chakma, du sud-est du Bangladesh (Asie), lors de notre rencontre début juin 2025 à Paris. 

©Chloé Dubois/Terriennes
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Rani Yan Yan est la reine des Chakma, l'une des communautés autochtones de l'extrême sud-est du Bangladesh. Cette militante lutte depuis des années contre la répression civile et militaire que subit son peuple, et contre l'accaparement des terres par l'Etat dans les Chittagong Hill Tracts. Terriennes l'a rencontrée à l'occasion de son voyage en France. Entretien.

Dans les collines des Chittagong Hill Tracts, à l’extrême sud-est du Bangladesh, il est une guerre qui n’en finit pas. Un conflit qui se déroule à bas bruit, à l’abri du regard de la scène internationale. Depuis les années 1970, il oppose la résistance jumma, composée de onze communautés autochtones historiquement installées dans la région, au pouvoir central qui y mène une politique de colonisation, avec le soutien actif de l’armée.

Pour sensibiliser sur les graves violences et les exactions auxquelles les Jumma sont confrontés, Rani Yan Yan, la reine des Chakma - l’une des communautés des Chittagong Hill Tracts - a entrepris le voyage jusqu’en France. Elle veut dénoncer la marginalisation, les attaques, les viols et les arrestations arbitraires. Surtout, elle veut parler de l’accaparement des terres jumma par l’État et faire connaître le sort de ces peuples des collines.

Famille marma

Famille marma des Chittagong Hill Tracts au Bangladesh. Les peuples autochtones de cette région sont menacés par les colons et l’armée bangladaise. Les meurtres, la torture et les viols sont fréquents.

©Mark McEvoy/Survival International

Des décennies de colonisation

Tout commence après l’indépendance du Bangladesh, en 1971. Au sortir d’une guerre de libération particulièrement dévastatrice et meurtrière, les nationalismes s’exacerbent sans que ne soit réellement reconnue la multiplicité des identités qui vivent sur le territoire. Or une cinquantaine de peuples - pratiquant leurs propres langues et leurs propres religions - y cohabitent avec la population majoritaire, les Bengalis. Parmi ces peuples autochtones, les Jumma, des Chittagong Hill Tracts. La région est alors considérée comme un territoire libre à coloniser et, entre 1977 et 1983, le gouvernement installe 400 000 colons. En 1997, un accord de paix est signé. S’il met officiellement fin à une guerre longue de vingt ans, ses dispositions n’ont jamais été entièrement respectées par l’État.

Rani Yan Yan est elle-même originaire des Chittagong Hill Tracts. Elle est aussi défenseure des droits des peuples autochtones et conseillère au sein du Cercle Chakma, l’une des trois autorités coutumières de la région - dont son mari, Raja Debashish Roy, est le roi. 

Dans les locaux de l’organisation Survival International, à Paris, nous l’avons rencontrée : elle nous y parle de son combat contre la colonisation, mais aussi de sa lutte en faveur de l’autonomisation des femmes autochtones. Grâce à son combat, les femmes peuvent aujourd’hui devenir cheffes de villages, ce qui n’avait jamais été le cas avant elle.

Terriennes : La situation des peuples autochtones du Bangladesh est peu connue. Quels sont les principaux problèmes rencontrés par les communautés Jumma dans les Chittagong Hill Tracts ?

Rani Yan Yan : Notre principal problème, c’est la politique d’accaparement des terres, qui a commencé après la guerre d’indépendance du Bangladesh, en 1971. Le premier gouvernement formé par le "père de la nation" nous a dit - à nous, peuples autochtones - que nous devions devenir bengalis, qu’il n’y avait pas d’autochtones au Bangladesh. Et à partir de 1979, un autre gouvernement a fait installer 400 000 colons dans les Chittagong Hill Tracts, considérant que ces terres n’appartenaient à personne.

Cette politique a remis en question nos modes de vie, très dépendants de la manière dont nous cultivons la terre, en autosuffisance, sur les collines de la région. Traditionnellement, nous pratiquons une forme d’agriculture durable qui consiste à travailler une parcelle pendant un an, puis nous passons à un autre endroit, sur une autre colline. Comme nous avons labouré le sol, nous laissons à la terre le temps de se réparer et de se régénérer, pour qu’elle soit à nouveau fertile. Si on ne lui accorde pas ce temps, le sol ne pourra pas produire de la nourriture comme il le devrait. Mais depuis que nos terres ont été spoliées, nous ne pouvons plus nous déplacer d'une colline à l'autre. Nous sommes empêchés. Ce qui nous oblige à labourer les mêmes parcelles encore et encore...

Cette politique continue aujourd’hui ?

Oui. L'accaparement de nos terres est une constante. Petit à petit, mètre après mètre, les colons continuent de s’étendre. Par exemple, lorsqu’un camp militaire s’installe dans la région, les colons construisent quelques maisons autour. Et en quelques années, ça devient un village. Tout ça grâce à de faux documents et de faux certificats qui leur permettent de dire que le terrain leur appartient.

Quelles sont les conséquences de cette colonisation ? 

Ce qu’il faut comprendre, c’est que les Chittagong Hill Tracts sont un territoire entièrement militarisé et contrôlé par l’armée sur lequel le gouvernement civil n’a que très peu de prise. Aujourd’hui, pas moins de 250 camps militaires sont installés dans la région. Et tous les habitants ont l'obligation de se plier aux ordres des commandants, quelles que soient leurs demandes ; comme porter des choses, offrir un poulet ou un cochon, par exemple. Nous devons être à leur service, tout le temps.

Si nous refusons de répondre à leurs demandes, ou s’il y a le moindre doute sur nous - parce qu’ils nous soupçonnent d’avoir donné une information à un parti politique, par exemple - nous sommes immédiatement arrêtés. C’est très commun. Bien sûr, il n’y a aucune procédure légale : nous ne sommes pas détenus par la police, mais directement dans le camp militaire. Là, nous pouvons être torturés. Ceux qui ont de la chance reviennent en vie, ou blessés. Ceux qui n’ont pas de chance sont tués. Ces exécutions, ces procédures extrajudiciaires ont lieu malgré l'accord de paix de 1997, ce qui fait qu’il est très difficile de savoir combien de personnes ça représente. On ne peut donner l’information. Et si les habitants essaient d’en parler, ils risquent des représailles.

Peuple Jumma au Bangladesh fuyant une attaque

Des Jumma fuient une attaque violente et l’incendie de leurs maisons en 2017, similaire à l’attaque survenue en 2024.

DR

Vous dénoncez de multiples exactions perpétrées par les militaires...

Entre 1978 et 1997, il y a eu une guerre dans les Chittagong Hill Tracts opposant la branche armée du parti politique qui unissait les communautés autochtones et le gouvernement. C’est une période où il y a eu beaucoup de massacres, organisés indistinctement par les militaires et les colons. Ils entraient dans les villages, demandaient aux gens de se réunir au temple [bouddhiste, ndlr] et massacraient tout le monde. Puis ils brûlaient les maisons.

Depuis la signature de l’accord de paix, en 1997, les choses ont un peu changé. En général, les militaires ne prennent plus directement part aux exactions puisqu’ils se servent des colons ; désormais ce sont eux qui attaquent nos villages et qui y mettent le feu. On peut dire que les colons sont devenus les "armes" des forces de sécurité.

Mais lorsqu’il y a de la résistance, que certains habitants essaient d’empêcher le massacre ou les incendies, on voit que les militaires sont juste derrière, prêts à ouvrir le feu. Parfois, ils tirent en l’air pour nous faire peur. Les colons sont responsables de ces attaques, mais ils agissent avec le soutien tacite, voire la protection, de l’armée.

Parfois, pour protéger leurs femmes et leurs filles, certaines familles quittent leurs terres d’elles-mêmes pour s’éloigner. Les colons n’ont alors plus qu’à récupérer le terrain pour s’y installer. Rani Yan Yan

Le viol est aussi utilisé comme arme de guerre dans ce conflit ?

En tout cas, il s’agit d’une menace, d’un moyen pour intimider toute la population, à la fois utilisée par les colons et les forces de sécurité. Et ça fonctionne : parfois, pour protéger leurs femmes et leurs filles, certaines familles quittent leurs terres d’elles-mêmes pour s’éloigner. Les colons n’ont alors plus qu’à récupérer le terrain pour s’y installer, sans heurts. Le problème, c’est que les viols et les agressions sexuelles ne sont jamais reconnus. Officiellement, on parle de "harcèlement sexuel", surtout quand il s’agit des militaires. Mais personne n’essaie de faire quoi que ce soit. Et c’est impossible d’obtenir justice. En fait, je ne connais aucun cas où les femmes ont pu obtenir justice. Jamais.

Rani Yan Yan récompensée en 2023

En 2023, à Washington (États-Unis), Rani Yan Yan a reçu le Global Anti-Racism Champions Award des mains du secrétaire d’État américain, Antony Blinken.

© U.S. Department of State

Les viols sont-ils malgré tout dénoncés ?

Je dirais que ça dépend de qui a perpétré cette violence. Si c'est un militaire, la plupart du temps, on ne peut pas en parler. Même au sein de la communauté, on nous dit de nous taire. Dénoncer ou protester contre des viols commis par un militaire, c’est prendre le risque que le village soit la cible d’une attaque.

Je me souviens de deux sœurs de 14 ans et 18 ans pour lesquelles je me suis battue ; l’une a été violée, l’autre agressée sexuellement. Des militaires se sont introduits chez elles, la nuit, lors d’un raid des forces de sécurité. Le lendemain après-midi, des commandants militaires ont à nouveau débarqué pour "résoudre le problème". Ils les ont menacées et leur ont proposé une compensation financière ; l’équivalent de 30 centimes d’euros. Ça aurait pu être la fin de l'histoire. Mais les filles ont décidé de partir pour la ville la plus proche, où il y a un centre médical. Là, elles ont raconté ce qu’il s’était passé, mais la médecin qui les a prises en charge a dit que si l’une saignait, c’était parce qu’elle avait ses règles. Le directeur de l'hôpital, lui, a refusé de cacher ces agressions et d'écrire un rapport falsifié. Mais ça n’a pas été sans conséquence ; il a perdu son emploi et il a été emprisonné.

Si je partage l’histoire de ces filles, c’est parce qu’elles se sont déplacées à l’hôpital pour recevoir des soins médicaux. Elles ont dit avoir été violées et sexuellement agressées par un militaire. Et pour en avoir parlé, elles ont été arrêtées, interrogées et détenues 24 jours au sein même de l’hôpital. Elles étaient comme en prison, séquestrées et surveillées par la police.

Nous demandons la démilitarisation du territoire. Les populations qui vivent dans les Chittagong Hill Tracts ont besoin d'un gouvernement civil. Or l’armée ne respecte pas la loi et ne protège pas les civils. Nous demandons aussi la mise en place d’un pouvoir judiciaire indépendant. Rani Yan Yan

Vous êtes en France pour dénoncer ces violences, mais aussi pour faire connaître vos revendications. Quelles sont-elles ?

Nous demandons la démilitarisation du territoire. Les populations qui vivent dans les Chittagong Hill Tracts ont besoin d'un gouvernement civil. Or l’armée ne respecte pas la loi et ne protège pas les civils. Nous demandons aussi la mise en place d’un pouvoir judiciaire indépendant. Nous sommes pragmatiques : nous savons que les violations de nos droits ne vont pas s’arrêter d’un seul coup et que la présence des militaires va durer encore longtemps. Mais la mise en place d’une justice indépendante est importante car, encore aujourd’hui, il nous est impossible de dénoncer les atrocités dont nous sommes victimes. Même si elles sont le fait des colons, car ils sont protégés par les militaires. Ils savent donc qu’ils peuvent agir en toute impunité.

Et plus que tout, nous souhaitons obtenir le droit à la terre. C’est notre priorité. Nous avons été dépossédés et depuis, nous nous battons. Si notre droit territorial était respecté, ce conflit vieux de cinquante ans prendrait fin. Les gouvernements successifs ont toujours dit qu’il s’agissait d’un problème de développement. "Vous avez besoin de développement, vous êtes malheureux parce que vous n’êtes pas développé." Mais il s’agit d’un problème politique qui doit être résolu par des décisions politiques. Et ça ne passera ni par l’occupation militaire, ni par la construction d’hôpitaux ou d’écoles.

Au bout du compte, les droits que nous voulons obtenir, les droits qui peuvent nous protéger, ce sont les mêmes que ceux qui pourraient protéger l’ensemble des peuples autochtones, mais aussi bengalis. Je veux être claire : les bengalis ne sont pas nos oppresseurs. Nos oppresseurs, ce sont les colons qui ont été installés sur nos terres par les différents gouvernements et qui perpétuent ces violences.

Rani Yan Yan

L'objectif de la visite en France de Rani Yan Yan est de sensibiliser les médias et l’opinion publique sur la situation dramatique des Jumma, qui passe sous les radars de la communauté internationale. 

©CD/Terriennes

Envisagez-vous la lutte armée ?

Non. Je prône plutôt la non-violence et crois davantage en la défense qu’à l’attaque. Cela dit, il existe des groupes politiques jumma qui ont constitué des branches armées. Lorsque l’accord de paix a été signé, il en existait un seul. Désormais, il y en a six. Mais ils se battent surtout entre eux... Les militaires ont largement contribué à la création de ces groupes et à armer nos frères. Cela leur permet de légitimer leur présence, et de nous diviser.

Cela ajoute à la frustration : nous avons nos propres conflits. Même si cela ne concerne pas tout le monde puisqu’il y a encore des personnes issues de la société civile et des activistes indépendants qui résistent. Et qui réussissent à rester en dehors de ça, ou à collaborer avec des organisations de défense des droits humains, qu’elles soient bangladaises ou internationales.

Dans le cadre de votre visite en France, vous avez rencontré des responsables politiques - des sénateurs, des députés. Qu’attendez-vous de ces discussions ?

J’ai rencontré les sénateurs dans le cadre du groupe interparlementaire d’"amitié France-Asie du sud-est", dont le Bangladesh est partie prenante. Le partenariat repose notamment sur des projets de développement et des initiatives portant sur la bonne gouvernance et la démocratie au Bangladesh. Personne n'attend d'ingérence ou d'interférence de la part d'un gouvernement étranger. Mais étant donné toutes ces connexions et ces intérêts partagés, ça aurait du sens que la France use d’une certaine diplomatie en faveur des droits des peuples jumma.

Parallèlement, vous savez peut-être que le gouvernement français contribue au financement des opérations de maintien de la paix des Nations unies. Il se trouve que le Bangladesh est l’un des principaux contributeurs en matière de personnel militaire affecté à ces missions. Or la grande majorité des militaires sont formés dans les Chittagong Hill Tracts, où beaucoup ont commis des violences et violé nos droits. Comment peuvent-ils être envoyés dans d'autres pays pour y maintenir la paix ? Il faudrait acter un processus qui permettrait d’empêcher ces militaires d’être recrutés pour de telles missions s’ils sont accusés, dans leur propre pays, de commettre des violations des droits humains. Je sais que les gouvernements scandinaves sont assez clairs sur le sujet. Et je pense que le gouvernement français devrait faire de même.

Le patriarcat est partout, y compris dans les sociétés autochtones et bengalie. De manière générale, dans les communautés jumma, nous n’avons jamais eu de femmes en position de leadership. Rani Yan Yan

Au sein de votre communauté, vous portez également des engagements en faveur des droits des femmes. Vous avez milité pour faire évoluer certaines règles et permettre aux femmes d’accéder aux responsabilités de cheffes de leurs villages. Pouvez-vous nous expliquer ?

Le patriarcat est partout, y compris dans les sociétés autochtones et bengalie. De manière générale, dans les communautés jumma, nous n’avons jamais eu de femmes en position de leadership. Je vais parler plus spécifiquement pour le peuple chakma : au sein du Cercle Chakma, qui est l’une des trois unités administratives des Chittagong Hill Tracts, dont mon mari est le roi, il y a plus de 1500 villages. Tous les chefs de village sont des hommes. La coutume veut qu’ils se transmettent le titre de père en fils. C’est au plus âgé que revient ce privilège. Au-dessus de ces chefs de villages, il y a ce que l’on appelle les Headmen. Il s’agit de conseil où des représentants administrent chacun un certain nombre de villages. Et encore au-dessus, il y a le roi, qui est l’autorité suprême, et qui gouverne les Headmen. A ces postes, il ne peut y avoir que des hommes qui reçoivent leurs titres par héritage.

La réforme que nous avons entreprise il y a onze ans, avec mon mari, permet de mettre fin à l’exclusion des femmes des fonctions de cheffes de villages. Mais c’est plus difficile pour elles. Pour un homme, le seul critère est d’être le fils aîné. Les femmes, elles, doivent être éduquées, entretenir de bonnes relations avec tous les gens du village. Ce n’est que là qu’elles peuvent soumettre leurs candidatures auprès des habitants. Et même si elles sont tout aussi compétentes, la réforme ne leur permet pas, pour le moment, d’exercer seule en tant que cheffe du village : elles travaillent avec le chef homme qui, lui, a hérité du titre. Ça ne fait que onze ans, et il faudra encore beaucoup de temps, mais pour l'instant, nous sommes à environ 20 % de femmes désignées cheffes de leurs villages.

Comment avez-vous amorcé ce changement ?

Je disais souvent à mon mari, "tu sais, pourquoi ne pas changer ça, tu es le roi ". Il est le roi, bien sûr, mais il est aussi avocat. Il connaît les lois, la réglementation, mais il connaît aussi nos coutumes. Nous sommes tous deux très conscients que la tradition ne peut pas être changée simplement en l’écrivant sur un bout de papier. Ce n’est pas de cette manière que ça doit être fait, tout simplement parce que mon mari n’est pas un dictateur. Le roi est le gardien de notre culture et de nos traditions. Et il ne peut pas devenir un autocrate.

Ce que nous voulions, c’est insérer dans le système une nouvelle idée, une nouvelle notion qui, plus tard, pourrait inciter les gens à changer leurs pratiques. Je crois qu’un jour, les populations jumma verront que les femmes peuvent aussi diriger et assumer seules les responsabilités de cheffe de village. Et peut-être que ces chefs hommes se diront, s’ils ont un garçon et une fille : "Peut-être que mon fils n’est pas capable de le faire, mais que ma fille, elle, le peut ».

Pour les femmes, je crois que cette réforme a permis de s’autonomiser. Certaines assument ce rôle au sein des communautés, mais d’autres ont décidé de s’engager autrement ; en participant à des élections locales pour devenir conseillères municipales, par exemple. Rani Yan Yan

Comment est perçu cet engagement en faveur des droits des femmes au sein de votre propre communauté ?

La réforme dont je vous ai parlé n’a pas été facile à obtenir, c’était un défi. Mais nous n’avons pas non plus rencontré d'obstacles insurmontables. Parce que nous n’avons pas changé la coutume frontalement. Nous respectons nos traditions, et même si nous savons que certaines choses doivent être modifiées, nous ne pouvons pas juste tout bousculer comme ça. Pour les femmes, je crois que cette réforme a permis de s’autonomiser. Certaines assument ce rôle au sein des communautés, mais d’autres ont décidé de s’engager autrement ; en participant à des élections locales pour devenir conseillères municipales, par exemple.

Quant à savoir comment mon engagement est perçu, je dirais que certains ne soutiennent pas mon activisme. Parce que ne n’est pas ce qu’ils attendent d’une reine. Mais beaucoup d’autres me soutiennent. Notamment les jeunes, ou les défenseurs des droits. C’est de'eux que je tire ma force.

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