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Dans le système actuel, les mères de famille n'ont pas d'augmentation du montant de leur retraite avant leur 3e enfant. Dans le futur, elles auront 5% de bonification par enfant, dès le premier. #VALP #retraites pic.twitter.com/dQpDOiqz3j
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) December 5, 2019
J’ai entendu la crainte de ceux qui jugent le point plus abstrait que le trimestre et doutent de la préservation du niveau de leurs pensions dans la durée. Nous ne réussirons pas cette réforme sans gagner leur confiance. #retraites https://t.co/MQFB3VFIqM
— Edouard Philippe (@EPhilippePM) December 11, 2019
Pour Marlène Schiappa, ce sont même les femmes qui seront "les principales bénéficiaires" de cette réforme. C'est en tout cas ce que la secrétaire d'État chargée de l'Égalité entre les hommes et les femmes indique dans une lettre adressée à la présidente du Haut-Conseil à l'Égalité. Ce courrier était censé rassurer à la suite de la publication d'un rapport d'expert.e.s, fin novembre, qui a eu l'effet d'une bombe.
Dans ce rapport, l’Institut de la protection sociale (IPS) assure, chiffres à l’appui, que la réforme des retraites prévue par le gouvernement va fortement pénaliser la majorité des mères de famille. Exemple : une femme gagnant 15 000 euros par an et ayant validé 152 trimestres perdrait 750 euros par an sur sa pension après un enfant et jusqu’à 1633 euros après deux enfants. La perte serait encore plus lourde pour les femmes gagnant 40 000 euros par an. Voilà une analyse qui contredit donc l’un des principaux arguments du gouvernement qui répète à longueur de médias que ce projet est justement de créer un nouveau système de retraite "plus juste" envers les femmes.
Marlène Schiappa s'appuie sur un fait : selon elle, "c'est le système actuel qui est l’un des plus défavorables d’Europe pour les femmes... L’écart entre les femmes et les hommes est d’environ 42%, tout simplement l’un des pires. Non seulement le système ne corrige pas les inégalités femmes hommes, mais il les aggrave", explique-t-elle.
Le système actuel des #retraites c’est 42% d’écart hommes/femmes notamment parce que les femmes s’arrêtent davantage de travailler pour s’occuper des enfants ou personnes âgées.
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) December 9, 2019
le congé aidant ouvrira des droits retraite
le congé maternité sera toujours compensé à % pic.twitter.com/GeaBDy79nZ
Marlène Schiappa promet une amélioration des règles de calcul, avec "des points de solidarité attribués systématiquement pour les congés maternité", une "augmentation de la retraite de 5%" qui sera "attribuée par défaut à la mère dès le 1er enfant et pour chaque enfant". "Aucune femme avec une carrière pleine ne touchera désormais moins de 1000 euros par mois", affirme-t-elle.
L'Institut de la protection sociale (un think tank composé d'experts-comptables et de spécialistes de la protection sociale) dit tout le contraire. Selon les calculs de ces experts, les pensions des femmes pourraient chuter de 10% dans certains cas. Une femme séparée du père de son enfant, qui a cotisé pendant 152 trimestres sur la base d'une moyenne de 25 000 € de salaire annuel, touchera 12 497 € par an (1 041 € par mois) après la réforme, soit 1 250 € de moins (- 9 %) qu'aujourd'hui si elle veut partir à la retraite à 62 ans.
Selon le rapport Delevoye (du nom du commissaire chargé du projet de réforme, ndlr), les femmes sont pourtant censées gagner au change dans le nouveau système. Plus nombreuses à être précaires, elles représentent 70 % de l'effectif des bénéficiaires du minimum de pension. Nombre d'entre elles (environ 20 %) sont aujourd'hui contraintes de partir à l'âge d'annulation de la décote, à 66 ans et demi. Demain, elles pourraient partir à l'âge du taux plein, autour de 64 ans, si cette préconisation du rapport Delevoye est finalement retenue.
Pour l'économiste Claire El Moudden, interrogée sur France Info, cette disposition servira les femmes, "car cela offre un peu plus de solidarité pour les moins favorisés du système. (...) Mais dans un régime à points pur, la retraite est le reflet parfait de la carrière de l'assuré. Il sera donc plus favorable aux hommes, dans la mesure où leur salaire est supérieur. D'où l'importance de la solidarité nationale pour compenser ces écarts". Reste à "voir si la déclaration d'intention d'un système plus juste est tenue. Pour l'instant, on est dans le flou", conclut-elle.
La double peine pour les mères de famille une fois veuves ? Ces dernières auraient, elles aussi, beaucoup à perdre dans la réforme du fait des nouvelles modalités d'attribution des pensions de réversion (dont 89 % des bénéficiaires sont des femmes). "Avec le recul du droit à réversion de 55 ans à 62 ans, de nombreuses veuves risquent de se retrouver sans pension, explique le directeur de l'IPS, Bruno Chrétien, il s'agit d'un recul social important qui mérite d'être débattu."
La simple évocation d'une potentielle disparition de ce dispositif fait bondir Philippe Pihet. Selon le négociateur du syndicat FO sur les retraites, interrogé par Les Echos : "Au rythme actuel, on parviendra à l'égalité salariale en 2132, autrement dit, les pensions ne seront égalitaires qu'à partir de 2175 ! "
Pour Pascale Coton, à la CFTC, cette réforme marquera un recul des droits féminins : "45 % des retraitées touchent un minimum de pension, contre 14 % des hommes, et ce minimum est inférieur au seuil de pauvreté : il ne faut donc pas réduire le niveau de solidarité actuel en faveur des femmes ". Les réversions ont un impact majeur, puisqu'elles permettent de diminuer de 15 points les écarts de pension : en 2015, les femmes touchent 25 % de moins que les hommes, alors qu'elles touchent 40 % de moins si elles n'ont droit qu'à leurs pensions directes. Les femmes pacsées ne peuvent en bénéficier. Le taux de réversion varie entre 50 et 60 %. "Il faut non seulement maintenir les pensions de réversion, mais en plus les aligner sur le mieux-disant", revendique Pascale Coton sur le site Les Echos.
Pour répondre à ces inquiétudes, le gouvernement a annoncé qu'il allait revoir son projet d'assurance-veuvage, afin que les femmes dont le mari décède alors qu'elles n'ont pas atteint l'âge de la retraite demeurent couvertes à l'avenir.
Le système actuel est basé sur la règle des 25 meilleures années. Ce sont elles qui servent à calculer la pension. Pour la fonction publique, où les salaires sont souvent plus bas et progressent faiblement, ce sont les six derniers mois qui servent de base au calcul. Dans le futur système à points, tous les salaires seront pris en compte, y compris les indemnités de congé maternité ou parental. "La seule solution pour que les femmes n'y perdent pas, c'est d'inscrire plus de solidarité dans le système, mais alors on montera bien au-dessus du niveau actuel de 20 % de solidarité ", précise Philippe Pihet.
Dans une tribune publiée dans Le Monde, un groupe de seize femmes – syndicalistes, féministes et économistes- donne l'alerte. "Un tel régime ne peut que faire baisser le niveau pour toutes les personnes aux carrières heurtées, d’abord des femmes. (...) Chaque période non travaillée, à temps partiel, en congé parental, au chômage, ou mal rémunérée, fournit peu ou pas de points : autant de manque à gagner pour la pension.". Un détail à préciser, qui n'en est pas un : les temps partiels sont occupés aux trois-quarts par des femmes.
Sur la majoration de pension de 5 % par enfant, attribuée au choix du couple à l’un ou l’autre, ou par moitié à chaque parent envisagée par le projet Delevoye, le collectif fait part de ses craintes : "On peine à croire que ce système serait plus avantageux pour les femmes. On peut au contraire craindre que les couples préfèrent attribuer la majoration aux pères du fait de leur pension plus forte. Que se passera-t-il pour les femmes en cas de séparation du couple ?"
Et d'ajouter que si les majorations pour enfants restent indispensables pour atténuer les inégalités,"elles ne doivent pas pérenniser l’assignation des femmes aux tâches parentales. L’évolution du système de retraites est inséparable de l’objectif d’égalité de genre."
Le coeur du problème (ou la solution) se trouve selon le collectif signataire de cette tribune dans "l’égalité des taux d’activité : celui des femmes est actuellement de huit points inférieur. Les ressources des régimes en seraient fortement améliorées, tout comme les droits directs à pension des femmes".
L'angle féministe grand oublié de cette réforme ? C'est ce que dit aussi cette autre autre tribune est publiée sur le site de Médiapart cette-fois. Pour ce collectif baptisé Nos Retraites, "La question de la retraite est un enjeu féministe crucial et souvent peu abordé. Elle met en effet en jeu non seulement la question des inégalités économiques de genre, mais aussi plus fondamentalement, la question de l'autonomie financière des femmes."
"Alors qu’elles ne gagnent déjà que 75 % du salaire des hommes en moyenne, leur pension de retraite ne représente qu'environ 60 % de celles des hommes. Les femmes sont aussi plus nombreuses à vivre sous le seuil de pauvreté. L’écart genré se creuse avec l’âge : après 75 ans, le taux de pauvreté des femmes est de 3,4 % contre 2,2 % des hommes", dit aussi cette tribune.
SIX MOIS D'ANALYSES RÉSUMÉS EN DIX TWEETS
— Collectif Nos retraites (@nosretraites) December 1, 2019
Vous n’avez pas tout suivi ou compris aux débats techniques sur les retraites ? Le gouvernement le fait exprès.
Alors, à J-5 de la plus grande grève du pays depuis 1995, on a récapitulé pour vous 6 mois d’analyses et de décryptages⤵️
"Remettre à plat le système des retraites aurait pourtant pu être l’occasion de corriger les inégalités de salaires entre les hommes et les femmes. Mais avec ces nouvelles règles, au contraire, ce sont les femmes qui vont être les grandes perdantes", estime Agathe, militante féministe et signataire de ce texte sur France 24.
"C’est non seulement le niveau de vie des femmes âgées qui est menacé, mais aussi, plus largement, leur liberté de vivre comme elles le souhaitent et leur protection face aux violences domestiques", écrit le collectif Nos Retraites.
Et la maman du ministre Gérard Darmanin dans tout ça ? Dans un communiqué, la FEETS-FO , qui regroupe les syndicats FO des salariés du ménage, a tenu à "rétablir quelques vérités pour le secteur du nettoyage. Pour un demi-million de salariés du nettoyage, dont 80% sont des femmes, le salaire moyen mensuel est de 600 euros". "Comment oser dire qu’en dehors de toute solidarité, par le simple fait d’accumuler des points en ayant un salaire de 600 euros, il serait possible d’acquérir une retraite de 1000 euros ?", interroge le syndicat qui dénonce un "mensonge" voire une "arnaque".
FO invite la mère de Gérald Darmanin à rejoindre la grève https://t.co/nVH6DJeKu7
— réalistes2018 (@lagaronne13) December 9, 2019