Fil d'Ariane
Le projet de réforme des retraites présenté le 10 janvier 2023 par la Première ministre française Elisabeth Borne ne comporte pas de mesures spécifiques aux femmes, voilà déjà un point qui suscite la colère des opposant-e-s à cette réforme.
Mais pour le gouvernement, le taux plein maintenu à l'âge de 67 ans est "particulièrement favorable aux femmes, qui sont deux fois plus nombreuses" –environ 20% d'entre elles contre 10% des hommes – "à devoir attendre" cet horizon pour éviter des pensions diminuées.
"Un non-changement" pour Rachel Silvera. L'économiste, interrogée par l'AFP, estime "assez scandaleux de faire passer ça pour une avancée", alors que la décote en vigueur "pénalise davantage les femmes" en raison de carrières hachées (temps partiels subis, interruptions de carrière liées aux enfants...).
Les femmes seraient les plus pénalisées par l'allongement de la durée de cotisation.
— Osez le féminisme ! (@osezlefeminisme) January 10, 2023
Pour rappel, 31 % des ♀️ salariées le sont à temps partiel, et les ♀️ touchent en moyenne 40% de retraite en moins par rapport aux ♂️.
La #ReformeDesRetraites n'est pas "juste pour les femmes" pic.twitter.com/LVw6l9fhKG
Sur les femmes, dont certaines sont pénalisées par la réforme, la Première ministre a admis le 2 février sur France 2 que l'effort demandé concerne "des femmes comme des hommes" mais "pas celles qui ont commencé à travailler tôt, qui ont des métiers pénibles", ou "qui ont eu des carrières hachées".
Selon le projet de loi, quelque 100 000 aidants familiaux – en majorité des aidantes – pourront valider des périodes durant lesquelles ils-elles se sont occupé-e-s d'un proche (enfant handicapé, parent dépendant...). Par ailleurs, jusqu'à quatre trimestres effectués en congé parental pourront être pris en compte dans le dispositif "carrières longues", commencées avant 20 ans. Ces congés concernent à 90% des femmes. "Chaque année, plus de 3 000 femmes pourront ainsi partir plus tôt à la retraite", fait valoir le gouvernement.
"C'est très bien mais... que dire des millions de femmes pour qui l'allongement de 62 à 64 ans va annuler l'effet positif de la majoration de huit trimestres par enfant ?", critique François Hommeril du syndicat de gauche CFE-CGC. Le dirigeant syndical résume le principal grief des opposants à la réforme : à leurs yeux, l'option-clé – le relèvement de deux ans de l'âge légal – est loin d'être compensée par les mesures d'accompagnement.
Dans le JDD, à la veille du coup d'envoi des débats devant l'Assemblée nationale sur la très contestée réforme des retraites, Elisabeth Borne a indiqué que les personnes ayant commencé à travailler entre 20 et 21 ans pourront partir à la retraite à 63 ans, et non 64 ans comme le prévoit la réforme, répondant ainsi favorablement à la demande des députés de la droite étiquetés LR.
Pour le spécialiste des retraites, Antoine Bozio – et inspirateur de la première réforme envisagée par Emmanuel Macron sur la retraite à points – la hausse de l'âge légal va cependant "plus toucher les hommes parce qu'ils ont plus souvent une carrière complète et qu'ils devront quand même travailler plus longtemps".
Inégalités à la retraite : 64 ans de la vie d’une femme – via @LaMatinale_M par @MarieCharrel https://t.co/v1dsXEqLQW
— Eric Albert (@IciLondres) January 18, 2023
La réforme prévoit la revalorisation du minimum de pension à 85% du Smic net, soit bientôt 1 200 euros brut (avant prélèvements sociaux) pour une carrière complète. Une mesure qui va bénéficier surtout aux anciens travailleurs indépendants et aux femmes qui vont en être bénéficiaires, selon le gouvernement. L'exécutif souligne que les périodes de congé parental "seront aussi comptabilisées dans le calcul du minimum de pension majoré, augmentant ainsi les petites pensions des femmes". Globalement, la revalorisation des minima se traduira "par une hausse de la pension moyenne plus importante pour les femmes" que pour les hommes.
Mais l'économiste Rachel Silvera craint que le chiffre de 1 200 euros ne relève de l'"affichage en ce qui concerne les femmes", tant elles sont familières des carrières "incomplètes".
Contrairement à la réforme abandonnée de 2019-2020, le gouvernement Borne n'a rien prévu en matière de droits familiaux (pour la naissance d'un enfant) ou conjugaux (après le décès du conjoint). L'exécutif a cependant demandé au Conseil d'orientation des retraites (COR) "d'ouvrir un chantier sur la modernisation des droits familiaux et l'unification du système de réversion" afin de corriger plus efficacement les inégalités de pension femmes-hommes.
Pour l'association Osez le féminisme, une réforme "juste" doit aller plus loin, en agissant sur les "problèmes structurels" : "revalorisation des métiers féminisés, politique de petite enfance qui permette aux femmes d'avoir accès facilement à des modes de garde moins coûteux", etc.
Non à la #ReformeDesRetraites qui n'est pas "juste pour les femmes"
— Osez le féminisme ! (@osezlefeminisme) January 18, 2023
Les ♀️ occupent 80% des postes à temps partiels, elles seraient pénalisées par l'allongement des durées de cotisation.
Ecarts de pension, précarité des retraitées, pénibilité occultée,...
#greve19janvier pic.twitter.com/gYUCwVnUWZ
Les inégalités de pension restent substantielles : fin 2020, les femmes avaient une retraite (y compris la majoration de 10% pour les mères de trois enfants ou plus) inférieure en moyenne de 40% à celle des hommes, différence ramenée à 28% en cas de réversion.