Elles dirigaient des réseaux, hébergaient des clandestins, préparaient des engins explosifs... Les femmes jouèrent un rôle actif dans la résistance lors de la Seconde Guerre mondiale. Et pourtant, l'histoire a largement minimisé leur action. L'éclairage de l'écrivain et journaliste Gilles Perrault, auteur du Dictionnaire amoureux de la résistance.
Berthy Albrecht, Lucie Aubrac, Josephine Baker,
Germaine Tillion… Célèbres ou anonymes, ces Françaises résistantes restées trop longtemps dans l'ombre, étaient mises à l'honneur en 2015 lors de l'exposition
"Femmes et Résistance". L'occasion "
de reconnaître à sa juste valeur le rôle joué par ces femmes, et de refuser que leur engagement moral, civil et politique ne sombre dans l’oubli", expliquait Marisol Touraine, alors ministre des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Grandes oubliées
Les femmes sont les grandes oubliées de la lutte contre l'occupant nazi. Seulement six d’entre elles comptent parmi les 1038
Compagnons de la Libération, titre accordé à à ceux qui avaient permis la libération de la France, dont quatre à titre posthume. Et elles représentent à peine 10% des
médaillés de la Résistance.
Un manque de reconnaissance injustifié au regard de leur réelle implication. Durant les quatre années d’occupation, elles sont agentes de liaison, cantinières, infirmières, secrétaires, standardiste ou encore combattantes. 1800 femmes s’engagent dans les
Forces françaises libres, action qui verra naître le corps des volontaires françaises, la première unité féminine de l’armée française, institué par le général de Gaulle en 1940.
Dans son
Dictionnaire amoureux de la résistance (Plon Fayard, 2014), comme il l'avait fait dans ses ouvrages précédents, tel l'
Orchestre rouge, l'auteur consacre de nombreuses "entrées", de très belles pages, à ces combattantes de l'ombre qui ont conduit, elles aussi, à la capitulation du IIIème Reich, le 8 mai 1945.
Quel regard portez-vous sur les femmes dans la Résistance ?
Gilles Perrault : Un regard admiratif. C’est un événement qui a compté dans l’évolution de la place donnée aux femmes dans la société française. Pendant le conflit, elles n'ont toujours pas le droit de vote alors que les Anglaises votent depuis deux décennies. Et à cette époque, la Résistance est considérée au sens dur du terme et ne peut concerner que les hommes. Alors que les femmes ont eu des responsabilités extrêmement importantes.
Pourquoi les femmes ont-elles été tant oubliées ?
G.P : L’époque était machiste ! Il faut bien comprendre qu'il n’est pas question de leur donner le droit de vote à ce moment. Mais vers la fin du conflit, dès 1944, Charles De Gaulle se trouve dans l’obligation de leur accorder ce qui leur revient en bonne justice. Le contraire n’aurait pas été compris, ni accepté.
Leur rôle a tout de même été largement minimisé. Prenons l’exemple du colonel Henri Rol-Tanguy. Communiste, ancien des brigades internationales, il organise l’insurrection à Paris en août 1944, et commande les Forces françaises d’Ile-de-France (FFI). Il compte parmi les Compagnons de la Libération et à la fin de sa vie, il est décoré Grand-croix de la Légion d’Honneur. Quant à sa femme, Cécile Le Bihan, elle n’a reçu que la médaille de la Résistance. Alors que pendant la guerre, ils fonctionnent en binôme et affrontent les même risques. Mais la parité n’a pas été observée.
Que pensez-vous des hommages rendus à ces femmes, comme l’exposition actuelle "Femmes et Résistance" ?
G.P : Ce sont des séances de rattrapage fort heureuses. On essaye de redonner aux femmes le rôle qu’elles ont eu pendant cette période. C’est un effort qu’il faut saluer et mener à terme. Car dans la Résistance, les femmes sont aussi héroïques que les hommes, mais leur sort est pire encore que celui des hommes.
Lorsqu’un résistant est arrêté par les Allemands, jugé et comdamné à mort, il est fusillé au Mont-Valérien à Paris, ou sur d’autres champs d’exécution en France. Condamnée à la même sentence, aucune femme n'est fusillée. Elles sont transférées en Allemagne et guillotinées. Une mise à mort bien plus dégradante par rapport à un peloton d’exécution, où les hommes sont accompagnés de leurs camarades, et chantent ensemble jusqu’à la fin. Les femmes, elles, sont toutes seules devant la guillotine, et vivent leurs derniers mois dans une prison allemande, en milieu très hostile.
Les femmes doivent-elles encore résister aujourd’hui ?
G.P : Il faut toujours lutter. Les dernières élections départementales l’ont encore montré. Pour faire respecter la parité, la loi prévoit désormais que les candidats se présentent en binômes, composés d'une femme et d'un homme. Après les élections, seulement quatre femmes ont été élues présidentes d’un département. C'est un rôle bien sûr très important et comme par hasard, on retrouve les femmes en infériorité numérique écrasante. Donc le combat n’est clairement pas terminé.
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