Retrait de l’OTAN : quel avenir pour les Afghanes ?
Le drapeau de l'Otan ne flotte plus à Kaboul et l’armée française a officiellement quitté l’Afghanistan, le mercredi 31 décembre 2014 après treize ans de présence, la mission des armées alliées étant terminée. 350 000 soldats afghans doivent maintenant assurer la sécurité de la population face aux talibans, qui menacent toujours la capitale afghane. En novembre 2014, la députée féministe Shukria Barakzai était d’ailleurs victime d’un attentat à Kaboul. Preuve que l’avenir des femmes reste incertain, pour celle qui restera comme l'une des Afghanes ayant marqué 2014, et qui construit le futur de son pays.
Depuis la chute des Talibans, qui ont gouverné l’Afghanistan entre 1996 et 2001, les femmes du pays ont pu retrouver quelques droits, comme celui de travailler et d’être scolarisées. Des progrès qui ont touché surtout les grandes villes, où 40% des élèves du primaire et du secondaire sont désormais des filles. Après les cyber-cafés féminins, dans la ville d’Herat sud de l’Afghanistan, des Afghanes ont ouvert récemment un restaurant entièrement réservé aux femmes, « The Scranton Restaurant ». Un lieu où elles peuvent se donner rendez-vous, tenir des réunions, organiser des fêtes. Un moyen d’échapper au harcèlement sexuel qui a séduit les villes voisines qui souhaitent à leur tour ouvrir d’autres établissements de ce type. Des jeunes tentent aussi de s’émanciper, et de montrer une autre image de leur pays et des femmes, comme Shamsia Hassani, grapheuse afghane. Ne plus être invisible Il est vrai que l’arrivée du président Hamid Karzai avait nourri quelques espoirs. Le chef d’Etat avait approuvé en 2009 par décret une loi sur l’élimination des violences faites aux femmes. Mais après de nombreux débats, le Parlement n’était pas parvenu à se mettre d’accord, reportant le vote. Ashraf Ghani, le nouveau président investi le 29 septembre dernier est donc aussi attendu sur ce sujet. C’est d’ailleurs le premier a avoir mis en avant sa femme, Bibi Gul, en la remerciant en public pour son soutien, alors que l’épouse d’Hamid Karzai était surnommée « la femme invisible ». Le Parlement afghan compte aussi actuellement 69 femmes sur 249 députés, un pas en avant, soit 30%, ce qui est légèrement plus qu'à l'Assemblée nationale... en France.
Capture d'écran, Shukria Barakzai. -TV5 MONDE
Shukria Barakzai, une députée féministe cible des extrémistes
Mais le 16 novembre 2014, l’attentat visant la féministe et députée Shukria Barakzai a révélé l’équilibre fragile des droits des femmes. La députée féministe se rendait en direction du Parlement avec d’autres élus quand elle a été victime d’un attentat suicide. A 42 ans, la militante avait déjà reçu plusieurs menaces de mort. C’est à 25 ans, après avoir été fouettée sur la place publique par les Talibans car elle se promenait dans la rue sans être accompagnée par un homme, que la jeune femme décide de militer. Elle commence alors à travailler pour l’association Women’s Society et crée une école pour jeunes filles. En 2002, après le départ des talibans de la capitale, Shukria fonde également un magazine hebdomadaire militant féminin, Aina-E-Zan : le Miroir des femmes. Elle devient aussi une des premières femmes afghanes politiciennes et travaille avec Hamid Karzai à la révision de la Constitution. En 2004, elle découvre que son mari, Abdul Ghaffar Dawi, un riche homme d’affaires, est polygame et qu’il mène une double vie. Elle se venge alors, en se présentant contre lui aux élections parlementaires, qu’elle remporte. Mais même si la députée est sortie vivante de l’attentat de novembre, elle reste inquiète pour les femmes, d’autant que d’autres politiciennes ont également été visées ces dernières années. « Les groupes extrémistes ne veulent pas des femmes. Nous ne les voulons pas non plus. Les religieux veulent diriger le pays, ils le disent et ils veulent poursuivre leurs activités au nom de l’islam ». 2014 fut une année meurtrière en Afghanistan, avec 3 188 civils tués et 6 429 blessés. Les talibans restent une menace pour les femmes, même s’ils tentent de négocier la paix avec le pouvoir en place. L’année 2015 sera décisive.
Shukria Barakzai, députée féministe, une parole libre pour l'Afghanistan de demain
31.12.2014Récit Nicolas Dudouet, JT TV5 Monde.
« Le fait d’être une femme en Afghanistan est un gros problème, parce que la société vous voit comme de la marchandise, pas comme un être humain, surtout comme un citoyen de deuxième classe. »