Retraites : une réforme retaillée sur mesure pour les femmes, promet le gouvernement

Le projet de loi sur la réforme des retraites est examiné à partir de ce lundi 17 février à l’Assemblée nationale. Au coeur du débat que suscite ce projet: le sort réservé aux femmes. En sortiront-elles vraiment gagnantes ? Bonus pour les mères, pension de réversion pour les veuves divorcées ... Le gouvernement a décidé de réajuster sa copie, espérant ainsi répondre à cette forte attente.
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Des militantes féministes ont revêtu l'emblématique tenue de bleu de travail, foulard noué sur la tête et gants de vaisselle, pour défiler contre le projet de réforme des retraites du gouvernement français, à Paris, le 11 janvier 2020.
©AP Photo/Francois Mori
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41 000 amendements. Et des aménagements... Après des semaines de grève et de contestation dans la rue, c'est donc sur les bancs de l'Hémicycle que la bataille se joue désormais. Avec au coeur de cette bataille, le sort que cette réforme réserve aux femmes, car actuellement, personne ne peut contester une triste et banale réalité : 
les retraites des femmes sont bien inférieures à celles des hommes, et ces dernières partent souvent plus tard. Selon un récent rapport de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), les femmes percevaient, en 2017, une retraite inférieure de 42 % en moyenne à celle des hommes.
 

Alors pour que les femmes soient effectivement les grandes gagnantes de cette réforme, comme le répète le gouvernement depuis l'annonce de son projet, et que ce texte puisse "réellement profiter aux femmes", plusieurs "évolutions" en matière de droits familiaux et conjugaux ont été envisagées et rendues publique lors d'une réunion organisée quelques jours avant que l'Assemblée n'examine le texte. Cette séance de travail rassemblait les secrétaires d’État Sibeth N’Diaye (porte-parole du gouvernement), Marlène Schiappa (Égalité femmes hommes), Christelle Dubos (Solidarités), Laurent Pietraszewski (Retraites) ainsi que des député.e.s de la majorité. Divers amendements seront donc présentés en séance publique à partir de cette semaine.
 

Bonification par enfant

Parmi ces évolutions, l'une concerne la bonification de pension de 5% par enfant,  attribuée à défaut à la mère (sauf si les parents décident de la partager), mais qui pouvait aussi être octroyée au père, ce que redoutent les organisations féministes. Car d’un point de vue mathématique, il est plus judicieux de faire appliquer la majoration sur le revenu le plus élevé, très souvent celui de l’homme. En réponse, le gouvernement propose désormais d'attribuer obligatoirement la moitié des droits familiaux à la mère au titre de la maternité, sans possibilité de partage. Ainsi, chaque naissance donnera droit à une majoration de 2,5% pour la mère. Les 2,5 % restants, accordés au titre de l’éducation de l’enfant, resteront quant à eux partageables et attribués par défaut à la mère.
Le nouveau système prévoit l’obtention de points pour le congé maternité ou un congé parental.

Bonus monoparentalité

Autre évolution proposée par le gouvernement dans cette réforme : une garantie minimale de points de retraite destinée aux femmes à faibles revenus, la majoration de 2,5 % par enfant ne pouvant être inférieure à un forfait plancher défini par décret et accordé sous condition d’une durée minimale travaillée.

La réforme envisage aussi un bonus pour les femmes élevant seules leurs enfants qui pourront obtenir des points supplémentaires. Le gouvernement indique que "les parents isolés pourront bénéficier d’une majoration des droits familiaux". Cela devrait donc concerner aussi les pères. Il n’apporte pas plus de précisions sur la hauteur de cette compensation.

Violences conjugales

Quant aux droits familiaux, en cas de partage, ils seront automatiquement réattribués à la mère en cas de condamnation de son conjoint pour violences conjugales.

Pénibilité

Parce que les femmes sont très présentes dans des métiers pénibles (comme les services à la personne, l’hôtellerie-restauration ou la grande distribution), le gouvernement prévoit également des mesures sur la pénibilité dont les répercussions sont pour l’heure difficile à estimer.

Pension de réversion et divorcé.e.s

Le gouvernement a publié vendredi 14 février 2019 le rapport commandé un mois plus tôt par le gouvernement au président du HCFEA, Bertrand Fragonard, ainsi qu'à Anne-Marie Leroyer, professeure de droit à la Sorbonne. Chargé d'évaluer la possibilité de supprimer et compenser les pensions de réversion pour les personnes divorcées, le rapport met en avant plusieurs scénarios possibles sans prendre position et illustre bien la complexité d'une telle suppression.

Divers scénarios sont envisagés, parmi lesquels le maintien du système actuel, et l’ouverture de deux droits de réversion (pour la veuve et la personne divorcée), option retenue par l’exécutif. Selon le rapport, la somme des deux pensions pourrait dépasser le montant de la retraite du défunt, mais la modestie actuelle des effectifs relativise le surcoût d’une telle mesure : la coexistence d’une personne divorcée et d’une veuve concerne 68 000 bénéficiaires du régime général en 2018.

Le principe d’une pension de réversion sera donc maintenu et rendu accessible dès 55 ans. Elle permettra au conjoint survivant – une femme dans neuf cas sur dix – de conserver 70 % des droits à la retraite du couple.

Nouveauté : les femmes divorcées pourront toucher 55 % de la pension du défunt qui sera proratisée à la durée de mariage, rapportée à la durée de cotisation, et mise sous condition de ressource.

Dans le système actuel, la pension de réversion peut être partagée entre la veuve de l’époux décédé et son ex-femme, au prorata des années passées ensemble. Une disposition que le gouvernement envisageait de supprimer pour les ex-épouses, avant de renvoyer cette question à une ordonnance et de commander un rapport sur la question. En 2018, selon les données de l’Insee, au sein du régime général ce sont au total près de 268 000 personnes qui disposent d’une pension de réversion au titre d’un ancien mariage – soit environ 10 % des 2,7 millions de retraités.

La contestation continue

Malgré ces annonces, une nouvelle journée de mobilisation est organisée par les opposants au projet de réformes des retraites du gouvernement, lundi 17 février ainsi qu'au cours des jours suivants, à Paris et ailleurs en France.

C'est notamment le cas du chef de file du Parti socialiste, Olivier Faure qui s'exprimait sur les ondes de France Inter.
 
Ou encore de la sénatrice Esther Benbassa (EELV, parti écologiste) . 
 

Mais pour conclure, certains comme cet internaute, universitaire et chercheur en histoire politique, proposent une solution radicalement efficace : une égalité salariale réelle entre les femmes et les hommes, histoire de calculer nos futures retraites sur des bases plus saines et plus justes ... pour tou.te.s.