Fil d'Ariane
Rifda Irfanaluthfi est la toute première gymnaste d'Indonésie à s'être qualifiée pour les Jeux olympiques. Elle veut montrer la voie et populariser son sport avant que Jakarta accueille les Championnats du monde, en 2025.
Rifda Irfanaluthfi au Caire, en Egypte, au printemps 2023.
Les mains couvertes de magnésie, la jeune femme de 24 ans poursuit son entraînement intensif en répétant les enchaînements aux barres asymétriques. "Je ressens un sentiment d'impatience et d'enthousiasme. J'espère qu'en me qualifiant pour les Jeux olympiques, le monde connaîtra mieux l'Indonésie", explique-t-elle en juin dans un gymnase de Jakarta. "Mais je m'inquiète aussi des blessures et cela m'a empêché de dormir ces cinq derniers jours".
L'exploit de sa qualification au concours général, obtenue l'été dernier aux Championnats du monde à Anvers, en Belgique, est d'autant plus impressionnant que l'Indonésie ne dispose pas encore d'un centre national de gymnastique et que la société indonésienne, y compris ses sports de haut niveau, reste dominée par les hommes.
Le coeur sportif de l'archipel bat en priorité pour le football et le badminton, seul sport qui rapporté de l'or olympique au pays – 8 titres dont le premier en 1992 à Barcelone. La toute première médaille olympique de l'Indonésie, en argent, remonte elle à 1988 à Séoul, grâce au tir à l'arc féminin.
Je prouve qu'avec des installations limitées, je peux devenir une athlète à succès. Rifda Irfanaluthfi
Pour atteindre le sommet mondial, le talent n'était donc pas suffisant pour Rifda Irfanaluthfi, dans un pays qui manque de structures et où la détection des jeunes fait défaut. Il lui a fallu beaucoup de persévérance pour surmonter une série d'obstacles. "Je continue à m'entraîner et je prouve qu'avec des installations limitées, je peux devenir une athlète à succès, souligne-t-elle. Les gens nous sous-estiment encore."
Sa famille a eu du mal à trouver une école qui reconnaisse et soutienne un sport encore méconnu comme la gymnastique. Sa chance a tourné lorsqu'elle a été admise dans une école pour sportifs de haut niveau à Jakarta. Avant de se produire sur les tapis, le cheval d'arçons ou à la poutre, la jeune fille a fait de la natation, s'est essayée à la plongée, à l'escalade, à la gymnastique rythmique (GRS) et enfin à la gymnastique artistique.
Talentueuse et précoce, elle a remporté sa première médaille en gym à 8 ans lors d'une compétition à Singapour, se souvient avec émotion sa mère Yulies Andriana, soulignant que "son désir de devenir championne est incroyable".
La gymnaste espère que ses exploits olympiques pourront inspirer d'autres jeunes Indonésiens à poursuivre leurs rêves et à rivaliser avec des poids lourds de la gymnastique comme les États-Unis et les pays de l'ex-Union soviétique. "Peut-être que les athlètes de mon âge qui ne se sont jamais qualifiés pour les Jeux olympiques deviendront passionnés et rêveront plus haut", espère-t-elle.
La gymnastique bénéficiera bientôt d'une plus grande exposition en Indonésie, le pays ayant obtenu pour la première fois l'organisation des Championnats du monde en 2025, mais il lui reste encore un long chemin à parcourir.
"La pratique de la gymnastique doit être améliorée de manière globale", affirme le président du Comité olympique indonésien, Raja Sapta Oktohari. Mais "les opportunités pour les femmes sont désormais assez grandes" à mesure que ce sport attire davantage l'attention.
Alors que les femmes ont apporté à l'Indonésie sa première médaille olympiques, la nouvelle petite reine de la gymnastique indonésienne espère rejoindre ce Panthéon. Pour réaliser son rêve, elle a dû soigner un genou blessé pour récupérer à temps pour les Jeux de Paris, entrer dans les livres d'histoire puis rentrer chez elle profiter d'une gourmandise bien méritée.
Ce sera "une glace à la fraise", dit-elle avec en souriant.
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