D'autres, en revanche, pensent discerner dans les propos antireligieux proférées par la cheffe de file du groupe Inna Schevchenko, et le plus souvent contre l'islam, une forme de néocolonialisme, voire de racisme. L'Ukrainienne réfugiée en France lançait encore par tweet au début de l'été : "Qu'est ce qui peut être plus stupide que le Ramadan? Qu'est ce qui peut être plus laid que cette religion?". Le choix de son visage pour un nouveau timbre de la République française par le graphiste Olivier Ciappa suscita alors, en une union contre nature, un beau tollé, aussi bien du côté des antiracistes, que du côté des anti mariages pour tous.
La sociologue historienne du féminisme Christine Delphy s'interroge sur
le silence assourdissant qui accompagne les agressions à répétition contre les femmes voilées en France et
souligne pour sa part que "ce qui est arrivé à Amina a été horrible, et elle n’imaginait sans doute pas de telles conséquences. Mais en France aussi, il est interdit aux femmes d’être torse nu. Cependant interdire que des femmes se couvrent comme elles l’entendent, ce n’est pas mieux. C’est aussi mal d’interdire que d’obliger, cela a été dit maintes fois, et en particulier en 2004 par Shirin Ebadi, l’iranienne qui a eu le prix Nobel et qui lutte contre l’imposition du tchador."
La nudité comme arme... à double tranchant
Loin des querelles, l'anthropologue
Françoise Héritier tente de replacer l'action des Femen dans le long travail qu'elle mène sur les tabous des sociétés : "Elles (les Femen) renvoient à des coutumes extrêmement intéressantes qui ont lieu dans des sociétés africaines que l'on considère comme primitives. Il s'agit de femmes, pas seulement jeunes et belles, mais parfois âgées, aux seins tombants, qui, pour protester contre l'action ou les décisions de certains hommes, se rassemblent et se déshabillent. À la vue de la poitrine et du sexe des femmes, bien souvent, les hommes, horrifiés, finissent par céder. Généralement, ils vivent cette nudité comme une grande malédiction. En dévoilant leur sexe, les femmes montrent aux hommes qu'ils ne seraient pas là si elles ne les avaient pas mis au monde. Elles semblent dire : "Voyez d'où vous venez !" Or, si les hommes veulent bien révérer la mère, ils ont horreur de l'idée qu'ils sont sortis de son sexe. Je crois que les Femen, en montrant leurs seins, ont spontanément retrouvé cette idée et reproduit la malédiction."
Du haut de ses 19 ans, la jeune Amina poursuit son chemin. L'anarchie la séduit aujourd'hui - "l'anarchie ce n'est pas le désordre comme le pensent certains. L'anarchie ne veut pas dire tout casser, mais casser le système, dit-elle encore" -, et elle serait sur le point de rejoindre l'organisation féministe anarchiste
Feminism attack, avatar tuniso-tunisien des Femen, mais sans les seins nus...