On ne compte plus les grands joueurs qui ont brillé au sein de la Seleçao : Ronaldo, Ronaldinho, Neymar, et bien sûr Pelé. Du côté de la sélection féminine, l'attaquante Marta est considérée comme la meilleure footballeuse de tous les temps. Pourtant, le football féminin n’a pas la cote au Brésil. Alors que les joueuses ont ouvert les JO 2016.
On ne pouvait pas imaginer meilleure entrée dans la compétition des Jeux olympiques, le 3 août 2016, pour les footballeuses brésiliennes. Elles se sont imposées face à la Chine (3-0) quelques heures avant que la France ne surclasse la Colombie (4-0).
Début des JO pour les footballeuses, deux jours avant la cérémonie d’ouverture
16 équipes (dont la France) s’affronteront lors du tournoi et deux jours de récupération (au minimum) sont exigés par le Comité olympique entre chaque rencontre. Les JO se disputant officiellement sur 17 jours, les organisateurs ont préféré siffler le coup d’envoi 48 heures avant l’allumage officiel de la vasque au stade Maracana, pour une question de calendrier. Cette mesure date des JO de Syndney (2000) et concerne le football et le tir à l’arc.
C’est aux Jeux d’Atlanta, en 1996, que le football féminin fait son apparition comme discipline olympique. Sur les cinq derniers tournois, quatre ont été remportés par les Etats-Unis, équipe de nouveau favorite cette année. Mais le Brésil, notamment grâce au talent de ses deux vedettes Marta et Formiga, pourrait être un sérieux concurrent. Elles disputent leur prochain match le 7 août 2016, contre la Suède.
Pourtant les joueuses de football au Brésil évoluent dans une société encore profondément sexiste.
Le football, « incompatible avec la nature féminine »
La première rencontre de football entre femmes au Brésil date de 1921, soit une vingtaine d’années après les premiers matchs de football féminin en Europe. Elle oppose les Senhoritas Tremembenses aux Senhoritas Catarinenses.
En 1941, sous la dictature de Getulio Vargas, un décret interdit la pratique de sports «
incompatibles avec la nature féminine ». Ceux-ci sont spécifiés en 1965, il s’agit de la lutte, du waterpolo, du rugby, du baseball et du football. Le corps médical, à l’image du médecin brésilien Ballarini estimait que le football féminin était un sport violent et préjudiciable à l’organisme non habitué à ces grands efforts. L’argument esthétique était également utilisé pour justifier l’interdiction, le football entraînant un «
développement disgracieux et disproportionnel des membres inférieurs ».
Dans la vidéo ci-dessous, les Inconnus parodient les clichés sexistes qui font des joueuses brésiliennes des hommes qui s'ignorent.
Ce n’est qu’en 1983, en pleine période de démocratisation du pays, que le Conseil national des sports autorise les femmes à pratiquer le football. La même année, la première ligue de football féminin de l’Etat de Rio de Janeiro est fondée, suivie par la création de championnats tels que le Campeonato de Päraia Feminino de Rio de Janeiro ou le Torneio de Futebol Society feminino, organisés par des entreprises privées. Il faudra attendre 2013 pour que la Confédération brésilienne de football organise le premier championnat national.
Ballon rond et préjugés sexistes
- 100% des joueuses ont déjà été questionnées sur leur orientation sexuelle. 35% le sont « tout le temps » ;
- 55% des joueuses ont souffert d’une forme de rejet de la part de leur famille ;
- 89% d’entre elles estiment avoir été victimes d’agressions verbales sur le terrain en raison de leur sexe ;
- 77% d’entre elles estiment avoir été victimes d’agressions physiques sur le terrain en raison de leur sexe.
Etude réalisée auprès de joueuses brésiliennes par
l’EFDeportes
Aujourd’hui, elles sont 400 000 licenciées à travers le pays (contre 100 000 en France), dans des conditions parfois compliquées.
Un cruel manque de moyens pour le football féminin
Très peu de joueuses brésiliennes ont les moyens de vivre du football. «
Certaines joueuses comme Tais Picarte, l’ancienne gardienne de la Seleçao, ou Marta, gagnent leurs vies grâce au football. Mais c’est loin d’être une réalité partagée par toutes les joueuses » explique Antonia Ceva, coordinatrice pédagogique de l’
association R.E.D.E.H. ( Réseau de développement humain) qui a réalisé en 2014 l’exposition « Femmes en crampons, dribblant les préjugés » au musée de la République à Rio de Janeiro. Les différences de salaire et de situation entre joueurs et joueuses professionnelles sont impressionnantes. Pour exemple, Marta, désignée meilleure joueuse de football au monde à cinq reprises par la FIFA s’est vue contrainte de changer de clubs 8 fois depuis 2004. Les sept dernières équipes qui l’ont accueillie ont fait faillite.
Dans cette vidéo, Marta réalise un dribble magnifique avant de marquer lors de la rencontre Etats-Unis - Brésil (0-4) de la Coupe du monde de football féminin de 2007.
Assez révélateur : c’est suite à l’augmentation de salaire du meilleur joueur brésilien que celle que les médias surnomment « Pelé en jupe » a dû quitter le club de Santos. Pour conserver son joueur vedette Neymar, les dirigeants de la prestigieuse équipe ont élevé son salaire à 447 000 dollars par mois. Pour assumer cette dépense, le club a pris la décision de supprimer le budget destiné à l’équipe féminine. Celui-ci s’élevait à... 667 000 dollars par an.
Un statut toujours précaire pour les joueuses
Rose do Rio pratique le football depuis l’âge de neuf ans. Avant de devenir Présidente de la Ligue brésilienne de football féminin, elle est passée par les postes d’entraîneur, de présidente de l’Association de football féminin de l’Etat de Rio et de directrice de l’Association de football féminin de Sao Paulo. En 2014, elle lance une pétition pour l’élaboration d’un projet de loi sur la professionnalisation du football féminin. Elle obtient plus de 20 000 signatures mais aucun engagement de la part du gouvernement. « La professionnalisation permettrait aux joueuses d’être protégées par le droit du travail, de toucher une retraite et de retrouver une certaine dignité. » nous confie t-elle.
Un avis que partage le directeur de communication de Change.org au Brésil : « Aujourd’hui, les joueuses ne sont pas considérées comme des professionnelles et ne sont pas protégées par le droit du travail. »
Les Brésiliennes cultivent l’espoir qu’une victoire permettrait le développement du football féminin dans leur pays, comme ce fut le cas après le très bon mondial des footballeuses françaises en Allemagne, en 2011.
Barbara, gardienne de la sélection brésilienne,
explique à l’EBC Agencia Brasil : «
Les gens savent qu’on a déjà gagné une médaille d’argent. Mais si on décroche l’or, personne ne l’oubliera. Les athlètes qui y arrivent reçoivent des aides et attirent l’attention des sponsors. »
A retrouver, sur le même thème Femmes et foot, dans Terriennes :