Fil d'Ariane
Une femme et sa fille passent devant les décombres de maisons détruites lors de l’attaque commise le 23 mars 2019 contre le village d’Ogossagou par des hommes armés dogons, au cours de laquelle 150 civils ont été tués.
Une autre menace pèse sur la santé, des plus jeunes et des femmes en particulier. Lorsque les femmes et les enfants déplacés n’ont pas accès aux services de santé de base, ni à l’eau potable et à l’assainissement, cela augmente les risques de maladies infectieuses, notamment les infections respiratoires aiguës, la diarrhée, le paludisme et la rougeole. Ces maladies sont les principales causes de mortalité infantile.
Dans les communautés d’accueil déjà fragiles, le fardeau des déplacements forcés devient de plus en plus insoutenable. Les adolescentes sont exposées à des abus sexuels, au mariage ou à des grossesses précoces en plus des inégalités de genre préexistantes. Près de 60% des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans, la prévalence la plus élevée dans le monde étant celle du Niger (76%). Plus de 18% des filles y sont mariées avant l’âge de 15 ans.
Les jeunes filles plus âgées se retrouvent dans des rôles de protection des petits, des responsabilités disproportionnées avec aucune possibilité d’avenir.
Marie-Pierre Poirier
Pour Marie-Pierre Poirier, directrice régionale d'UNICEF pour l'Afrique occidentale et centrale, "les filles sont particulièrement vulnérables à la violence sexuelle. Quand les mouvements de populations ont lieu, souvent, les enfants sont séparés des parents. Les jeunes filles plus âgées se retrouvent dans des rôles de protection des petits, des responsabilités disproportionnées avec aucune possibilité d’avenir. Toute tentative qu'il y avait de développement pour un peu améliorer leur quotidien est maintenant balayée".
Le Burkina Faso, frontalier du Mali et du Niger, est confronté à des attaques jihadistes qui ont fait plus de 750 morts depuis 2015. Sous-équipées et mal entraînées, les forces de l'ordre burkinabè n'arrivent pas à enrayer la spirale de violences. Selon l'ONU, les attaques jihadistes au Mali, au Niger et au Burkina ont fait 4 000 morts en 2019.
On estime à plus de 709 000 le nombre d'enfants âgés de moins de cinq ans qui risquent de souffrir de malnutrition dans les mois prochains si la situation perdure dans ces zones.
Barsalogho abrite près de 10 000 personnes réparties sur cinq sites et 200 000 dans la région proche. Tahibata Ouédraogo, mère de trois enfants, vit là depuis cinq mois : "Nous avons fui les attaques à Guiendbila (40 km au nord de Barsalogho). Nous avons essayé d'y retourner après quelque temps mais on a été intercepté par des terroristes qui nous ont fouettés, puis ont exécuté l'apprenti chauffeur du véhicule qui nous transportait", raconte-t-elle, la gorge nouée, toujours sous le choc. "Quand nous allons chercher du bois en brousse, ils (les terroristes) nous attrapent, en violent certaines ou introduisent des objets dans leur sexe. Certaines ont été évacuées à Kaya pour ces faits et d'autres sont mortes". "On tue nos maris et nos enfants. Qu'allons nous devenir sans maris ni enfants", s'inquiète-t-elle.
Le conflit dans le Sahel central est une crise en cascade qui s'étend à toute la région, mettant en danger toute une génération d'enfants.
Marie-Pierre Poirier
Malgré une production agricole globalement satisfaisante, 3,3 millions de personnes ont besoin d'une assistance immédiate dans le Sahel central, selon les dernières analyses du Cadre harmonisé pour la sécurité alimentaire, estiment l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) et le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies. Les experts prévoient que près de 4,8 millions de personnes dans le Sahel central seront exposées à l'insécurité alimentaire pendant la période de soudure (juin-août 2020), si aucune mesure appropriée n'est prise d'urgence.
La situation est particulièrement préoccupante dans le nord du Burkina Faso, où l'insécurité généralisée entrave considérablement la prévention et le traitement de la malnutrition aiguë chez les mères et les jeunes enfants.
"Le conflit dans le Sahel central est une crise en cascade qui s'étend à toute la région, mettant en danger toute une génération d'enfants. Des centaines de milliers d'enfants sont privés d'éducation, vulnérables à l'exploitation et exposés au risque de malnutrition. Les enfants et les jeunes continuent à payer le prix le plus élevé pour une crise dont ils ne sont pas responsables. Nous devons agir maintenant avec nos partenaires pour éviter une tragédie", conclut Marie-Pierre Poirier.