"Il n'y a pas de races, seulement des racistes"
Elle aimait se comparer à Robinson Crusoe : « La première fois que je me suis sentie comme le personnage de Defoe, c’était pendant les années du fascisme. A l'époque, j'étais seule, plus jeune et moins forte que maintenant. Pourtant ce mal a produit un bien. Sans Mussolini et Hitler, maintenant je ne serais qu'une vieille dame en bonne santé. Grâce à ces deux-là je suis arrivée à Stockholm. Je ne me suis jamais sentie une persécutée. Je suis juive, laïque, sans orgueil et sans humilité. Je ne vais pas à l'église ou à la synagogue. Je ne porte pas comme une médaille l'appartenance à un peuple qui a beaucoup souffert, et je n'ai jamais essayé d'en tirer profit ou des compensations morales. Etre juif peut ne pas être agréable, ce n'est pas confortable, mais cela a engendré en nous un grand élan intellectuel. Comment pouvez-vous dire que Einstein appartenait à une race inférieure ? Nous devrions abolir dans nos esprits la notion de race. Il y a des racistes, et non des races. Ce ne sont que les individus qui m'intéressent ».
En 1938, expulsée de l'Université de Turin dont elle était brillamment sortie diplômée et spécialisée en neurologie et psychiatrie, pour échapper aux lois racistes elle installa son premier laboratoire à la maison. Dans sa chambre à coucher. A Florence avant la Libération, elle soigna les réfugiés et fabriquait des faux papiers. A l'automne 1947 suite à l'invitation du professeur Viktor Hamburger, elle partit pour les Etats-Unis, où elle s’installa pendant 30 ans.
C'est dans le laboratoire de Saint-Louis, à Washingron, qu'elle a commencé à comprendre, après des années d'études sur les insectes, comment un être humain était né à partir d'une seule cellule pour réussir à devenir une architecture composée de dizaines de tissus différents. Ce sont les fameux « facteurs de croissance (NGF)», indiquant le chemin, à chaque segment d'un organisme. Il suffit de quelques molécules de NGF dans une zone du corps pour faire pousser des cellules du système nerveux nécessaires à son parfait fonctionnement. Elle testa la molécule sur elle même.
Observer, il faut observer toujours
« La découverte du NGF - a expliqué plus de trente ans plus tard, le comité Nobel à Stockholm -, est un exemple de la façon dont un observateur attentif peut être en mesure de développer un concept à partir d'un chaos apparent." Observer, il faut observer toujours.
Rita Levi Montalcini a été l'une des 10 femmes (contre 189 hommes) à recevoir le prix scientifique le plus prestigieux. Et très souvent, elle était « la seule femme », si bien que les colloques commençaient avec « my lady and gentlemen ».
"J'ai pu faire ma découverte parce que j'étais la seule à travailler dans ce domaine spécifique de la neurologie. J'étais seule au milieu d'une jungle, je ne savais rien ou presque rien. Trop savoir, souvent, entrave le progrès. Mon intelligence est médiocre et mon engagement un peu plus que médiocre. Mais, trois passions simples ont gouverné ma vie : la recherche de la connaissance, la soif d'amour, et une poignante compassion pour la souffrance de l'humanité ".
Elle était favorable à l'euthanasie avec quelques réserves, adversaire féroce de la société de consommation « qui a mortifié chaque valeur ». Comme elle le disait « ce qui importe ce n'est pas la mort mais comment on vit ». On dirait que ce fut plutôt la liberté l'objet primordial de sa recherche, et que la science n'en fut que le prétexte.