Roberta Metsola, une anti-avortement réélue présidente du Parlement européen

Réélue dès le premier tour avec 562 voix, Roberta Metsola reste présidente du Parlement européen. A 44 ans, la figure de proue du parti conservateur européen affiche des positions contrastées. Issue du parti nationaliste maltais, engagée pour les droits des communautés LGBTQI+ et contre la corruption, elle n'a jamais caché son opposition à l'avortement. 

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Roberta élue pdte parlement
©AP Photo/Jean-Francois Badias
Le visage entouré des étoiles de la bannière européenne : la consécration pour l'eurodéputée maltaise, Roberta Metsola, élue le 18 janvier 2022 présidente du Parlement européen à Strasbourg (France). Elle devient la 3ème femme à occuper ce poste après Simone Veil et Nicole Fontaine. 
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roberta Metsola
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Roberta Metsola, maltaise, aura 43 ans le 18 janvier 2022. La députée européenne de l'aile conservatrice, sera sans doute la nouvelle présidente du Parlement européen. 
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Elus début juin 2024, les 720 eurodéputés, dont 39% de femmes, ont accordé à une écrasante majorité de 562 voix un second mandat de deux ans et demi à Roberta Metsola à la présidence de la seule institution élue de l'UE. Elle été réélue par 562 voix contre 61 pour son unique opposante, l'Espagnole Irène Montero, présentée par La Gauche.

En janvier 2022, la première élection de Roberta Metsola au perchoir de l’hémicycle européen avait dérangé une partie de la gauche, notamment à cause ses positions contre l'avortement – partagées par une grande majorité des 525 000 Maltais. Elle s’était alors engagée à défendre les positions officielles de l’institution et à "aller plus loin pour garantir et défendre les droits des femmes" et pour contrer les violences faites aux femmes - des priorités qu’elle a de nouveau rappelées ce 16 juillet 2024. Elle a d'ailleurs été reconduite avec les voix des Socialistes et démocrates (S&D) et des libéraux de Renew où siègent les députés du camp macroniste. 

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Carrière et vie de famille

À la voir préparer un plat de pâtes bolognaises pour ses cinq "hommes"- ses quatre fils et son mari - dans cette vidéo publiée sur son site officiel avant sa première élection, en 2022, la Maltaise Roberta Metsola, 43 ans, ressemble à une maman comme les autres. A ceci près qu'elle a consacré les dix dernières années qui ont précédé son élection à tracer son sillage au sein de l'illustre institution qu'est le Parlement européen. Une carrière qu'elle mène de front avec sa vie de famille, admettant qu'elle n'y serait pas parvenue sans l'aide de son mari d'origine finlandaise, Ukko, lui-même également engagé en politique. Ce dernier a d'ailleurs préféré mettre la sienne, de carrière, entre parenthèses pour permettre à son épouse de mener à bien et au plus haut ses ambitions parlementaires. 
Je suis déterminée à faire ce que je peux dans le temps que j'ai en politique pour faciliter la vie des autres parents.
Roberta Metsola, présidente par intérim Parlement européen

"Je suis mère de quatre garçons - l'aîné est maintenant un adolescent, le plus jeune a quatre ans. Malgré toutes les avancées en matière de garde d'enfants et de travail flexible, la vérité est que mon mari et moi ne serions pas en mesure d'élever une famille et d'avoir une carrière sans l'aide que nous avons - et je suis déterminée à faire ce que je peux dans le temps que j'ai en politique pour faciliter la vie des autres parents", écrivait-elle sur son site internet. Dans la vidéo, on voit la députée discuter au téléphone avec l'un de ses fils, lui demandant d'arrêter ses parties de Fortnite (jeu vidéo qui rend accros des millions d'adolescents à travers le monde, ndlr), "Je serai à Malte demain soir, et je veux que tu arrêtes ça, ok ?" Aux jeux en ligne, Roberta Metsola semble préférer le maniement des réseaux sociaux, alimentant régulièrement ses comptes Twitter, Instagram et Facebook. 

roberta metsola en famille

Roberta Metsola en pause cupcakes avec son mari Ukko et leurs quatre fils.

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Malte : petits pays, grandes idées

Née le 18 janvier 1979, elle est la fille de "Rita et Geoffrey" comme elle le précise elle-même dans sa bio. Aînée de trois enfants, elle a grandi dans la ville balnéaire de Gżira à Malte.

Roberta Metsola diplômée
Roberta Metsola, diplômée en droit au Collège d’Europe, à Bruges (Belgique), "l'ENA" européen. 
©robertametsola.eu

Âgée de 25 ans, elle brigue pour la première fois un mandat d'eurodéputée ; elle est alors encore étudiante en droit au Collège d’Europe, à Bruges (Belgique). Il lui faudra attendre neuf ans avant de décrocher ce siège tant convoité, le temps de faire son apprentissage dans les couloirs de l'institution et d'en découvrir les multiples rouages. 

Militante du Parti nationaliste maltais (droite), elle décroche son fauteuil de députée au sein du Parti populaire européen (PPE) en 2013, un groupe parlementaire dont elle deviendra la numéro 2 en 2020. De 2012 à 2013, elle sera chargée de la justice et des affaires intérieures au sein de la représentation permanente de Malte auprès de l'Union européenne, puis conseillère juridique au Service européen d'action extérieure. Le 12 novembre 2020, elle devient la première vice-présidente du Parlement européen. 

Depuis le début de son mandat, la députée se bat pour élever Malte, pays de 525 000 habitants situé à la périphérie méridonial de l'Union Européenne, au-delà de son statut de petit pays.

"La taille d'un pays ne doit jamais faire obstacle à vos rêves, n'abandonnez jamais !... Il y a quelque chose qui ne reviendra jamais en arrière, les femmes qui nous ont précédées ont ouvert un chemin plus facile et plus doux pour moi et d'autres femmes", écrivait-elle dans une lettre adressée à des étudiants au lendemain de son élection à la vice-présidence. 

"Nous sommes un petit pays, mais nous avons de grandes idées", a-t-elle pour habitude de dire dans les médias ou à la tribune. 

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Une anti-IVG proclamée

De "grandes idées"... Pas certain que la formule convienne en matière de droit à l'avortement. Malte est le dernier pays de l'UE à interdire l'IVG même en cas de viol, d'inceste, de maladie du fœtus ou de danger pour la mère.

Roberta Metsola s'est toujours ouvertement prononcée contre le droit à l'avortement en votant systématiquement contre toutes les résolutions défendant l'accès à l'IVG. Elle a néanmoins garanti aux eurodéputés qu'elle représenterait fidèlement, sur ce point, la majorité de l'Assemblée. Sur le terrain des droits des femmes, un autre point noir s'est ajouté à son palmarès en septembre dernier. A l'occasion du vote d’une résolution demandant à la Commission de criminaliser les violences envers les femmes, la vice-présidente avait choqué, voire sidéré, grand nombre de parlementaires en choisissant de s'abstenir.

De quoi ternir le blason de celle qui se présente comme une conservatrice progressiste, parallèlement très engagée pour la défense des droits LGBTQI+, tout en multipliant sur twitter les vidéos promouvant l'empouvoirement des femmes. 

Les femmes m'inspirent. Les femmes qui se lèvent, qui parlent, qui se battent. Les femmes qui font du business, qui fondent un foyer, qui poursuivent leurs études.
Roberta Metsola, sur Twitter

"Les femmes m'inspirent. Les femmes qui se lèvent, qui parlent, qui se battent. Les femmes qui font du business, qui fondent un foyer, qui poursuivent leurs études.... Les femmes en politique, les femmes dans les sciences, dans le sport, dans le journalisme, dans les arts, la culture et dans tellement d'autres secteurs où elles doivent prouver chaque jour qu'elles sont capables..." lance-t-elle dans une vidéo sous forme de véritable ode aux femmes, publiée début décembre sur son fil twitter, vue par plusieurs milliers d'internautes. 

Contre la corruption et pour les droits LGBTQI+

Engagée contre la corruption qui gangrène son pays, elle avait appelé en décembre 2019 à la démission du premier ministre maltais, Joseph Muscat, soupçonné d'ingérence dans l'enquête sur l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia (tuée dans l'explosion de sa voiture en octobre 2017, ndlr).
 

J'ai toujours défendu la politique de modération contre l'extrémisme, une politique basée sur la vérité, la justice et l'exactitude, une politique basée sur les faits et non sur l'identité.
Roberta Metsola, sur son site internet

"J'ai toujours défendu la politique de modération contre l'extrémisme, une politique basée sur la vérité, la justice et l'exactitude, une politique basée sur les faits et non sur l'identité", écrit celle qui défend les couleurs du parti national malte sur son site internet.

Début 2022, elle faisait part de sa tristesse au lendemain du viol et de l'assassinat d'une jeune femme, retrouvée morte début janvier dans une rue maltaise. "Paulina Dembska avait 29 ans. C'était une femme. Elle n'est jamais rentrée chez elle. Nous devons nous attaquer aux causes de la misogynie, des agressions trop souvent ignorées et affronter l'inconfortable vérité d'un meurtre. Les femmes doivent être en sécurité. Paulina méritait d'être en sécurité. Nous lui devions cela. Nous l'avons laissée tombée", a-t-elle posté sur les réseaux sociaux. 

Une bonne réputation d'Européenne ?

"C’est une excellente candidate. Une femme, jeune, qui vient d’un petit pays. C’est très symbolique", expliquait Manfred Weber, président du groupe PPE dans le quotidien Le Monde lors de son élection.  "Même si elle vient d’un petit pays membre, elle connait tous les détails de la politique européenne et des politiques nationales des 27 États", ajoutait Andreas Schwab, eurodéputé du PPE sur RFI, "C’est une femme, une mère de famille, qui a démontré à tous les collègues au PPE et même au-delà, qu’elle sera capable d’être la présidente de tous les collègues du Parlement européen". 

Un soutien que ne partageait pas l’eurodéputé Renew Bernard Guetta, pour qui il s'agissait d'"un très mauvais signe pour le droit des femmes et l’image du Parlement européen", rapporte Le Monde. Ni par Aurore Lalucq, eurodéputée du groupe des Socialistes et démocrates. "Le message envoyé n’est pas bon. Dans mes tripes, je ne peux pas mettre un bulletin pour quelqu’un qui peut voter, par exemple, contre une résolution pour défendre les femmes en Pologne suite à la quasi-interdiction du droit d’avortement là-bas", s'insurgeait-elle sur RFI. 

Si Roberta Metsola a gagné en visibilité et en popularité au cours des mois qui ont précédé sa première élection, se retrouvant en pleine lumière, contrainte d'assurer l'intérim de David Sassoli, pendant le séjour à l'hôpital puis suite au décès de l'ancien président du Parlement, elle ne fait pas l'unanimité.

Malin Björl, eurodéputée du bloc de gauche, invitée du journal de TV5monde, disait regretter ce choix. "Les droits des femmes sont des droits humains, le droit de disposer de nos corps, de décider librement de notre sexualité, c'est fondamental !... Mais nous avons discuté ensemble, et elle nous a promis de suivre les décisions du Parlement sur ces questions-là et nous allons travailler ensemble et nous veillerons à ce qu'elle tienne cette promesse".

Une troisième femme présidente du Parlement

En 2022, Roberta Metsola a été élue un première fois à la tête de l’institution dès le premier tour avec 458 voix. Les deux autres prétendantes – la Suédoise Alice Bah Kuhnke pour les Verts et l’Espagnole Sira Rego pour la gauche radicale – avaient peu de chance de l’emporter. Et le retrait de dernière minute du candidat polonais conservateur Kosma Zlotowski (ECR), une heure avant le scrutin, a joué en faveur de la Maltaise.

"Il est temps que le Parlement européen soit dirigé par une femme", déclarait-elle sur Twitter. Son élection porte à trois le nombre de femmes à la tête des grandes institutions de l'UE, aux côtés de Christine Lagarde et Ursula von der Leyen. Elle devient la troisième femme à présider l’hémicycle européen, après Simone Veil et Nicole Fontaine.