Fil d'Ariane
On la connait comme chanteuse, moins sans doute comme ambassadrice de la culture africaine. C'est pourtant ce qu'elle revendique, notamment comme présidente d'une fondation au Mali pour promouvoir les productions et artistes de son pays. Une expérience qu'elle veut exporter partout sur le continent africain. Rencontre.
Pour faire avancer ce continent [l'Afrique, ndlr.], la culture est la base. Sentir que le discours que nous tenons en tant qu'artistes ne s'entend pas, c'est juste un drame. Tous les problèmes de l'Afrique sont passés par une manipulation de la culture : l'esclavage, la colonisation... Pour s'implanter, ils [les occidentaux] ont dû mettre en oeuvre de vraies campagnes d'oppression et d'acculturation totale. Il a fallu amener autre chose, dire que l'existant n'était pas bon - ou inutile. C'est l'ensemble de ces observations qui m'ont poussé à créer la Fondation Passerelle.
Quel rôle peuvent jouer les Africaines dans la promotion de la culture ?
Elles ont un rôle extrêmement important. Et cela a toujours été le cas : en Afrique, la culture était en grande partie véhiculée et organisée selon un fonctionnement matrilatéral et matrilinéaire [système de filiation où chacun relève du lignage de sa mère]. Mais on ne le retrouve plus car entre-temps, beaucoup d'influences se sont imposées à l'Afrique, de la culture arabo-musulmane à l'influence des pays d'Europe. Cela nous a menés à agir selon ce qui nous a été imposé, et pas selon nos habitudes ancestrales. Nous ne savons plus que l'émancipation des femmes était probablement là avant d'être ailleurs. Nous avions des femmes qui participaient à la construction de la société, des femmes guerrières, des femmes reines, et même des sociétés où les décisions passaient de mère en fille.
Il est important que les femmes du continent soient conscientes de l'existence de ces sociétés-là. Aujourd'hui, le rapport est différent. La femme va être celle dont on ne demande pas l'avis avant le mariage, alors qu'elle va jouer un rôle fondamental, par son apport au quotidien, dans l'éducation des enfants, le maintien de la famille ou dans des situations très compliquées qui font partie de notre culture - la polygamie, par exemple. Les femmes sont essentielles au bon fonctionnement des rapports familiaux.
On voit aussi beaucoup de femmes entrepreneures qui n'ont jamais été à l'école, mais qui tiennent leur entreprise et s'épanouissent au quotidien. Maintenant, le travail consiste à rendre la femme africaine consciente de son rôle et de la culture au sens large. Car elle est la base de l'éducation sur ce continent.
De plus en plus de femmes noires se revendiquent afroféministes, avec toutes les particularités que cela implique. Êtes-vous afroféministe ?
Bien entendu, peu importe le nom. Pour moi, c'est un principe qui réunit les femmes noires pour d'abord proclamer la fierté d'une identité, de ce que nous sommes. Prenez la mode de l'éclaircissement de la peau, par exemple. Est-ce que les femmes qui y ont recours savent pourquoi elles le font ? Est-ce qu'elles savent ce que ça veut dire ? Il ne s'agit évidemment pas d'obliger toutes les femmes à faire la même chose. Mais moi je sais pourquoi je ne m'éclaircis pas la peau. Je trouve juste joli une belle peau saine, qui respire la joie, qu'elle soit noire ou blanche. C'est comme pour les cheveux. Les miens, je les aime comme ça. Je ne veux pas de cheveux longs. Au final, je m'aime comme je suis.