Décence, indécence, telle est la (bête) question
Une apparition qui n'est pas du goût de son adversaire, défaite au terme de la rencontre, la tchèque Kristyna Pliskova. Elle porte plainte, après le match, auprès des autorités du tennis pour non respect du code vestimentaire. "Je me demandais si c'était dans les règles. Je ne sais même pas quelle matière c'est. On dirait du Néoprène. Elle est supposée suivre les règles. Sinon, on la fait jouer nue." (A noter que le néoprène, un latex tiré du caoutchouc, fut aussi utilisé dans la haute couture, ainsi par Christian Dior.)La championne multi-titrée réplique aussitôt à ses détracteurs : "Quelqu'un va intenter un procès ? Pour toutes les mamans qui ont eu difficile retour de couches après une grossesse - allez y. Si je peux le faire, vous aussi. Je vous aime toutes !!!"
Catsuit anyone? For all the moms out there who had a tough recovery from pregnancy—here you go. If I can do it, so can you. Love you all!! pic.twitter.com/xXb3BKDGNF
— Serena Williams (@serenawilliams) 29 mai 2018
Le 28 août 2018, Serena Williams prend cette injonction au mot à Flushing Meadows où elle réapparaît, magistrale, tout en noir ou en violet parme, dans un justaucorps asymétrique et un tutu de gaze autour de ses fameux collants de contention brillants.
Les 2 tenues portées par Serena Williams à l'US Open. Qu'est-ce qu'il en pense le président de la @FFTennis ??? #DancingQueen pic.twitter.com/KXjT0Hgz7f
— Philippe Gault (@Philippe_Gault) 30 août 2018
Cachez cette brassière que nous ne saurions voir...
Le même jour, la planète tennis s'enflamme à nouveau. La Française Alizé Cornet écope d'un avertissement ("comportement anti-sportif", sic) pour avoir remis son maillot à l'endroit, qu'elle avait enfilé à l’envers après une pause accordée par l’arbitre pour permettre aux joueuses de se rafraîchir - en cette fin d'été, il règne à New York une chaleur étouffante en raison du taux d'humidité très élevé. Alizé Cornet affrontait alors la Suédoise Larsson. Et c'est de dos, discrètement et au fond du court, qu'elle fait ce geste, pour ne pas retarder la reprise, laissant apparaître une brassière. Revoyons encore une fois la scène...Mais les hommes peuvent changer de chemise, comme ils veulent, sur le court
Judy Murray, mère de Andy
Enlever son maillot, le remettre, le jeter en l'air, pratiques pourtant très répandues chez les messieurs... Ce que ne manquent pas de souligner les supportrices ou supporters. Et même Judy Murray, la propre mère d'un autre numéro 1 mondial, s'énerve : "Alizé Cornet est revenue sur le court après une pause de 10 minutes. Elle avait mis sa nouvelle chemise à l'envers. Elle se change à l'arrière de la cour. Et pour cela écope d'une violation du code, pour conduite antisportive... Mais les hommes peuvent changer de chemise, comme ils veulent, sur le court."
Alize Cornet came back to court after 10 minute heat break. Had her fresh shirt on back to front. Changed at back of court. Got a code violation. Unsportsmanlike conduct.....
— judy murray (@JudyMurray) 28 août 2018
But the men can change shirts on court. https://t.co/sCN4KDXYTb
Après le #catsuitgate voilà le #bragate
— Maryse Ewanjé-Epée (@EwanjeEpee) 29 août 2018
Ils commencent à me dailler tous ces officiels C'est quoi le problème avec le sport féminin? Changer de t-shirt est indécent quand on porte une brassière mais où va-t-on?! #AlizéCornet #SerenaWilliams
https://t.co/3UIyIX1epe pic.twitter.com/i87c2i0cgP
Solidarité totale avec @alizecornet . Son amende est un scandale. Sinon il faut mettre la même à Djokovic. C'est du pur sexisme. En plus elle portait une brassière, ils ont été choqué par un nombril ??? https://t.co/OlrIkNfWH6 @TV5MONDE @TERRIENNESTV5 @sportuniversel
— mohamed (@algeriafoot) 30 août 2018
On va laisser l’excentricité aux hommes, alors que chez les femmes cette excentricité peut s’arrêter à un certain point.
Sandrine Jamain-Samson, historienne
Après cet incident, Alizé Cornet, qui venait de perdre, a également commenté les mésaventures de sa consoeur américaine en jugeant "d'un autre temps" la volonté du président de la Fédération française de tennis Bernard Giudicelli d'interdire à Roland-Garros la combinaison portée cette année par Serena Williams : "Il y a encore des gens comme le président de ma Fédération qui vivent dans un autre temps et se permettent de faire ce genre de commentaires. Je trouve cela extrêmement choquant".
Ce que confirme à Libération Sandrine Jamain-Samson, enseignante à l'université de Savoie-Mont-Blanc et auteure d'une thèse de doctorat intitulée « Sport, genre et vêtement sportif : une histoire culturelle du paraître vestimentaire (fin XIXe siècle–début des années 70) » : « Jusqu’à présent, le regard porté par la société sur le corps des hommes et sur le corps des femmes n’est pas le même. Les choses changent, mais encore aujourd’hui, les médias et la publicité différencient les corps des hommes et des femmes. Ce qui n’est pas un mal en soi, mais la pression n’est pas la même. On va laisser l’excentricité aux hommes, alors que chez les femmes cette excentricité peut s’arrêter à un certain point. »