En ce mois de décembre 2014, elle vient de naître et voici qu'elle est déjà l'objet de toutes les attentions et surtout de toutes les critiques. Sa conceptrice l'a baptisée Romeisa ou Rumaysa ou Romaïssa. Parce que
Rumaysa bint Milhan fut l'une des premières à se convertir à l'islam, dès le 7ème siècle, contre la volonté de son mari, préférant l'engagement spirituel à la richesse matérielle. La Romeisa de ce début du 21ème siècle n'a pas surgi des sables desséchés d'Arabie, mais a poussé sur les terres de l'humide et austère comté de Lancashire au nord-ouest de l'Angleterre. Rishwana Bune y exerçait comme enseignante dans une école islamique. Puis elle eut ce coup de génie (ou de folie) : imaginer une poupée encore plus islamique que celles qui existent déjà sur le marché. Puisque, très vaguement, dans le tréfonds des interprétations des textes sacrés, on pourrait comprendre que les représentations humaines ne sont pas bienvenues, elle a conçu une gamme de poupons sans visage, aujourd'hui commercialisées par une marque spécialisée dans les jouets compatibles avec les règles de l'islam.
En quelques jours, la toile s'est enflammée contre ces figurines de chiffon. A commencer par la gynécologue et écrivaine féministe Taslima Nasreen, menacée de mort en son pays, le Bangladesh, mais aussi ailleurs, et récompensée en Europe de multiples prix pour la défense des droits de humains.
Le 15 décembre dernier, elle accueillait ainsi la petite Romeisa et ses déclinaisons : "La poupée n'a pas de visage. Pas d'yeux, pas d'oreilles, pas de nez et de lèvres. Pas de traits. Rien. Néant. Des poupées sans visage pour des petites filles musulmanes. Pour fabriquer des filles sans cerveau. Pour rendre leurs têtes vides."
C'était parti, les réseaux sociaux se déchainaient, offrant un relai certainement espéré à la marque Deeni Dolls qui vend le produit, fabriqué sur des chaines industrielles chinoises. Une internaute turque ne s'y trompe pas : "95 livres turques pour s'offrir une poupée compatible avec la Charia !"
Seriata uygun Deeni Dolls bebisleri gel abla gellll tane 95 TL , taneee 95 TL ... Ayirrr ayirrrr ! pic.twitter.com/729hWFzHvO
— Burcu Çakir (@burcu_ckr)
18 Décembre 2014Rose Troup Buchanan, journaliste au quotidien britannique
The Independent a téléphoné à Rishwana Bune pour savoir comment l'idée lui était venue : "Cela m'est apparu après avoir discuté avec des parents qui se disaient inquiets à propos des poupées habituelles, celles qui ont des visages. Certains refusaient de laisser la poupée dans la chambre de leur enfant la nuit parce que vous n'être pas autorisé à avoir des yeux dans une chambre. Il y a une règle islamique qui interdit la représentation des visages, de quelque façon que ce soit, et cela aussi bien dans la peinture, la sculpture, et dans ce cas précis, sur les jouets."