Fil d'Ariane
C'est l'histoire d'une femme à la pilosité intense qui s'assume au point d'afficher sa barbe aux yeux de tous. Un sujet tabou dans la France rurale du début du XXe siècle, comme le raconte le film Rosalie, inspiré de l'histoire vraie de la "femme à barbe" Clémentine Delait.
"Rosalie", un film de Stéphanie Di Giusto, librement inspiré de Clémentine Delait.
"Quand j'ai croisé le destin de Clémentine, (Clémentaine Delait, la femme à barbe la plus connue de France, ndlr), je l'ai trouvée extrêmement gracieuse, avec ce visage très féminin. En réalité, sa barbe m'a complètement fascinée", raconte Stéphanie Di Giusto.
Je lui ai inventé un destin romanesque à la conquête d'elle-même. Stéphanie Di Giusto, réalisatrice
Après La danseuse, qui avait été présenté dans la catégorie "Un certain regard" au festival de Cannes en 2016, la réalisatrice et scénariste revient avec une fresque intime inspirée de la vie d'une des premières "femmes à barbe" de France.
"J'ai commencé à rêver de sa vie et je lui ai inventé un destin romanesque à la conquête d'elle-même", poursuit-elle, avant de rappeler que la condition de ces femmes était avant tout le fait "d'une maladie".
Cette réinvention, c'est Rosalie.
Rosalie est une jeune femme dans la France de 1870 mais ce n’est pas une jeune femme comme les autres, elle cache un secret : depuis sa naissance, son visage et son corps sont recouverts de poils. De peur d’être rejetée, elle a toujours été obligée de se raser. Jusqu’au jour où Abel, un tenancier de café acculé par les dettes, l’épouse pour sa dot sans savoir son secret. Mais Rosalie veut être regardée comme une femme, malgré sa différence qu’elle ne veut plus cacher. En laissant pousser sa barbe, elle va enfin se libérer.
Fougueuse, frondeuse, futée et belle : la Rosalie de Stéphanie Di Giusto partage de nombreux traits avec celle, incandescente et éternelle, de Claude Sautet, incarnée par Romy Schneider. "Évidemment, j'avais la référence en tête", sourit la réalisatrice.
C'est une femme qui s'affranchit en affrontant le regard des autres et qui affirme sa féminité singulière. Stéphanie Di Giusto, réalisatrice
Car Rosalie n'est pas une victime: "C'est une femme qui s'affranchit en affrontant le regard des autres et qui affirme sa féminité singulière", détaille-t-elle.
Dans le rôle-titre : Nadia Tereszkiewicz, révélée lors de la précédente édition du Festival de Cannes dans Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi. Omniprésente à l'écran, sa présence solaire est au centre du film. "Elle est extraordinaire ! Elle a cette énergie pure d'actrice et, surtout, elle a un enthousiasme naturel", loue la cinéaste.
A noter la présence au casting de Benjamin Biolay et de sa fille Anna, ainsi que la chanteuse Juliette Armanet.
Le film est aussi, et peut-être avant tout, une histoire d'amour. Rosalie parviendra-t-elle à se faire aimer d'Abel, son époux (Benoit Magimel), qui l'a épousée uniquement pour sa dot ?
Je crois que les films répondent à une époque et je trouve que l'amour devient le vrai combat de notre époque. Stéphanie Di Giusto, réalisatrice
"C'était très important pour moi de parler d'amour, dit la réalisatrice. Je crois que les films répondent à une époque et je trouve que l'amour devient le vrai combat de notre époque. Dans un monde qui se déshumanise, on a besoin d'amour".
Clémentine Clattaux naît le 5 mars 1865 dans le département des Vosges. À partir de la puberté, sa pilosité commence à se développer plus que la normale en ce qui concerne une jeune fille, notamment au niveau de la lèvre supérieure dont elle rase fréquemment le duvet. A l'âge de 36 ans, Clémentine se laisse pousser la barbe, après un pari avec un client du bar qu'elle tient avec son mari. Sa barbe la rend de plus en plus célèbre, et le bar ne désemplit pas. Ce succès populaire prend une ampleur nationale lorsqu'elle s'enrôle dans la Croix-Rouge durant la Première guerre mondiale et devient la mascotte des Poilus. Elle édite elle-même des cartes postales, reste maître de son image et gère sa carrière comme une femme d’affaires. Elle voyage seule y compris à l’étranger, porte des pantalons sur arrêté ministériel.
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