Rugby féminin : la Française Jessy Trémoulière sacrée meilleure joueuse du monde

Son nom ou son visage ne vous sont sans doute pas connus, pourtant elle vient de monter sur le toit du monde de l'ovalie: Jessy Trémoulière, meilleure joueuse de l'année 2018. Cette Française de 26 ans joue comme arrière des Bleues, qui ont permis à la France de remporter le tournoi des Six Nations et le Grand Chelem. Mais le saviez-vous ?

Image
jessy tremoulières
Jessy Trémoulière, 25 ans, première Française à devenir sacrée meilleure joueuse du monde aux World Rugby Awards, les César de la planète ovalie.
©Twitter/@WorldRugby
Partager 8 minutes de lecture
Au cas où certains en douteraient ou l'ignorent encore, le rugby se conjugue aussi au féminin, et en lettres dorées. Le XV de France féminin a même remporté  cette année le tournoi des Six Nations, ainsi que le Grand Chelem. Encore faut-il être au courant...

Car si le foot féminin commence, à petit pas ou "petits ponts" sur le côté, à trouver une visibilité médiatique, cela semble encore bien difficile pour d'autres disciplines de sport collectif. Alors pour ce qui est du ballon ovale, sport "viril" s'il en est, imaginez le parcours de combattante que cela suppose.
  

C'est pourquoi, on ne peut que se réjouir de cette performance historique, celle de Jessy Trémoulière, sacrée meilleure joueuse de l'année devant tout le ghota du rugby mondial, lors des World Rugby Awards qui ont eu lieu à Monaco dimanche 25 novembre 2018. C'est la première fois de l'histoire qu'une Française accède à la plus haute marche depuis la naissance en 2001 de cette cérémonie, sorte d'Oscar pour les stars du ballon ovale.
 


"C’est gratifiant et c’est surtout un travail collectif et individuel, a commenté la jeune femme peu après la cérémonie. C’est aussi un moyen de promouvoir le rugby féminin".
 


Moment historique pour tout le rugby français ?

rugby les 4
Les quatre joueuses françaises sélectionnées pour cette distinction.
©capture/twitter
Depuis sept ans, cette "rugbywoman" affiche pas moins de 38 sélections en tant qu'arrière sous le maillot bleu de l'équipe de France. Les Bleues, celles-là même qui ont remporté le tournoi des Six Nations, version féminine, notamment grâce à leur victoire écrasante face au Pays de Galles, 38 à 3 au mois de mars, ainsi que le Grand Chelem, pour avoir remporté tous les matchs (les règles sont les mêmes que celles de la compétition masculine). Si seule Jessy est distinguée, il faut aussi applaudir ses trois coéquipières, Pauline Bourdon, Gaëlle Hermet et Safi N'Diaye, elles-aussi étaient en lice pour cette récompense ultime. La cinquième sélectionnée n'était autre que la capitaine des Néo-Zélandaises, championnes du monde en titre, Fiao'o Fa'amausili. 

Une liste élaborée par un jury composé de grands noms du rugby mondial, dont Richie McCaw, John Smit, Brian O'Driscoll, Fabien Galthié, Agustín Pichot, ainsi que par les capitaines et les entraîneurs des sélections. Le lien de vote a ensuite été transmis à toutes les joueuses internationales. Le vote du jury a compté pour 70 % et celui des joueuses et entraîneurs pour 30 % de la décision.
 
C'est gratifiant et c'est surtout un travail collectif et individuel. C'est aussi un moyen de promouvoir le rugby féminin.
Jessy Trémoulière
Malgré une blessure au genou en cours de saison, Jessy Trémoulière a sans aucun doute écrit les premières lignes de sa légende lors d'un match face à l'Angleterre. C'est elle qui marque à la toute dernière minute l'essai qui permet à son équipe de l'emporter 18-17. Un exploit, parmi d'autres, qui lui a valu début novembre de décrocher un premier titre, celui de meilleure joueuse de l'année française, puis celui de meilleure joueuse du monde.
 

"Ce titre individuel affirme d’autant plus la position du rugby féminin français parmi les meilleurs au monde !", peut-on lire sur le site de la Fédération française de rugby au lendemain de la cérémonie des World Rugby Award.

C’est un exemple à suivre pour toutes les équipes de France. C’est un formidable encouragement à poursuivre notre politique dédiée au Rugby féminin. Merci et bravo !
Serge Simon, Fédération française de rugby

"Félicitations à Jessy Trémoulière nommée meilleure joueuse du monde ! C’est une grande fierté pour le rugby français. L’équipe de France Féminine écrit chaque jour son histoire. Humbles et affamées, ces athlètes à l’état d’esprit irréprochable portent fièrement le maillot. C’est un exemple à suivre pour toutes les équipes de France. C’est un formidable encouragement à poursuivre notre politique dédiée au Rugby féminin. Merci et bravo !", déclare de son côté Serge Simon, vice-président en charge des équipes de France.

Essai transformé pour le rugby féminin

Il en aura fallu des essais et des victoires pour que le rugby féminin gagne ses lettres de noblesse. En France, après quelques compétitions sporadiques organisées au tout début du XXème siècle, il ne fait réellement son apparition qu'en 1965. Le plus ancien club de France est celui des Violettes bressanes de Bourg-en-Bresse, créé en 1966. Depuis les années 2000, le nombre de licenciées est en hausse constante (+ 57 % entre 2003 et 2007). Elles sont à ce jour au nombre de 18 460, soit une hausse de 7,5% en un an (source FFR). 

La première édition de la Coupe du monde féminine a lieu en 1991 à Cardiff, au pays de Galles (Royaume-Uni) malgré une certaine opposition, ou plutôt une opposition certaine... des instances fédératives qui ne la reconnaissent pas. Il faut attendre 1998, pour que la Fédération internationale de rugby reconnaisse la Coupe du monde de rugby à XV féminine, qui s'est tenue à Amsterdam (Pays-Bas). Une compétition qui depuis reste dominée par les Black Fern, version féminine des All Black.
 

Du rugby tout simplement, car en France l’avenir de l’ovalie s’écrit au féminin.
Ouest-France, le 17 novembre 2018

Que l'on soit spécialiste ou simple spectateur.trice, il faut bien l'admettre, cette année 2018 aura plus brillé côté féminin que masculin pour le XV de France. Les Bleues ont non seulement réalisé le Grand Chelem et remporté les 6 Nations mais elles se sont offert le luxe de battre la meilleure équipe de la planète, le 17 novembre 2018, les Blacks Ferns, au terme d’un match héroïque et enflammé au cours duquel elles ont inscrit quatre essais (30-27). Une performance magistrale contre des Néo-Zélandaises, quintuples championnes du monde . "Du rugby tout simplement, car en France l’avenir de l’ovalie s’écrit au féminin", écrira même au lendemain de la rencontre le journal Ouest-France.

A quand la reconnaissance ? 

Cinq fois détentrices du Grand Chelem depuis 2001, date du coup d'envoi du premier Grand Chelem féminin, les championnes  "humbles et affamées", c'est leur bannière, n'ont pas fini d'écrire leur histoire, hélas un peu trop à l'ombre des médias et du grand public. 


Il faut profiter à fond de cette exposition, car ça risque de ne pas durer longtemps!
Jessy Trémoulière, meilleure joueuse de rugby du monde 2018

Sauf en ce lendemain de "sacre". Depuis dimanche soir, Jessy Trémoulière croule sous les demandes d'interviews. Jointe au téléphone, elle nous confie, réaliste : "Il faut profiter à fond de cette exposition, car ça risque de ne pas durer longtemps!" Petite, elle a commencé par la pétanque, puis ce fut du tennis et du football, pendant neuf ans. Ce n'est qu'à l'âge de seize ans qu'elle délaisse le ballon rond pour l'ovale. Aujourd'hui, à 26 ans, elle aimerait bien que ce titre attire les sponsors et les publicitaires. "C'est le problème avec le sport féminin, on est toujours soumises à une obligation de résultat. Mais même quand on gagne, et même si les quelques matchs retransmis à la télévision attirent de plus en plus de monde, on ne reçoit aucune sollicitation ! On n'en est pas du tout là", regrette-t-elle.

Voilà qui est fort dommageable quand on sait qu'une joueuse de rugby à XV gagne 1 600 euros par mois, un salaire qui grimpe à 2 400 euros pour le rugby à 7, comme nous le précise la joueuse du club de Rennes. Jessy Trémoulière arrive à vivre du rugby, car elle a signé un contrat de semi-pro avec la fédération. Sachant qu'une carrière de joueuse ne va guère au-delà de la trentaine d'années, cette diplômée agricole et titulaire d'un diplôme de paysagiste pense déjà à son avenir d'après compétition. Elle se verrait bien fonder une famille, retourner à ses amours d'origine, la terre auvergnate et l'agriculture, et qui sait reprendre l'exploitation familiale.  

Mais d'ici là, d'autres rendez-vous l'attendent, elle et ses compagnes de mêlée : une tournée d'été aux Etats-Unis en 2019, et en 2021 la Coupe du monde en Nouvelle-Zélande, pour tenter de battre une deuxième fois, cette fois sur leur territoire les indétronâbles "Black".