Le ministère de la Santé a annoncé, lundi 22 novembre, la signature d'un nouvel accord avec les syndicats hospitaliers, qui promet notamment une nouvelle revalorisation de leurs salaires, qui atteindra une augmentation de près de 500 euros nets par mois depuis un an. Une revalorisation de 183 euros était déjà versée depuis le Ségur de la Santé fin 2020. Viendront désormais s'y ajouter une "prime d'exercice médical" de 240 euros nets par mois à partir de février, puis une augmentation salariale de 78 euros net en moyenne à partir de mars pour les sages-femmes des hôpitaux publics, qu'elles soient titulaires ou contractuelles.
Camille Dumortier, présidente de l'ONSFF
Le 7 octobre dernier, elles étaient plus de 7000 à défiler à Paris, une mobilisation historique au vu de leur effectif : "cela représente un quart d'entre nous, sachant que beaucoup d'autres étaient mobilisées localement", précise Camille Dumortier, présidente de l'ONSFF, l'une des deux principales organisations syndicales de la profession. "Notre profession, qui est majoritairement féminine et qui s'occupe essentiellement des femmes, est ignorée dans ses demandes légitimes. C'est pourquoi nous allons devoir à nouveau 'sévir' pour nous faire entendre", estimait-elle à l'issue de la rencontre organisée au ministère de la Santé. La militante syndicale appelle aussi à organiser un nouveau "week-end noir", c'est-à-dire quatre jours sans sages-femmes dans le courant du mois.
Ce que réclament les sages-femmes ? "Une réflexion sur l'ensemble du champ d'activité des sages-femmes" et la révision de leur statut à l'hôpital et de leurs effectifs en maternité, ainsi qu'une meilleure identification dans le parcours de soins, précise Caroline Combot, secrétaire générale de l'ONSFF.
Marie-Anne Poumaer, présidente de l'UNSSF
Sage-femme, un métier qui ne fait plus rêver
"Au vu de la technicité des études que nous réalisons, des compétences et des responsabilités que nous avons, c'est clair que débuter à 1600 euros... Ce n'est juste plus possible", s'insurge Anick Rabaud, sage-femme de la protection maternelle et infantile (PMI) dans le sud de la France, arguant qu'aujourd'hui, ce métier ne fait plus rêver du tout". "Nous ne sommes pas écoutées, pas entendues", regrette Clémence Loscul, sage-femme hospitalière à Paris, déplorant "les journées et les nuits très chargées dans les conditions compliquées" qu'engendrent les grosses maternités, "les usines à bébé".Souvent exclusivement associées à la grossesse, les sages-femmes ont vu, au fil du temps, leurs compétences s'élargir. Depuis 2009, par exemple, elles peuvent assurer des consultations de gynécologie préventive auprès des femmes en bonne santé. Depuis 2016, elles peuvent également prescrire et pratiquer des IVG médicamenteuses.
"Cela recouvre à la fois l'aspect contraception, avec la prescription ou la pose de contraceptifs et tout ce qui est dépistage, comme les frottis, les mammographies, la recherche de kystes...", explique Charlotte Baudet-Benzitoun, sage-femme échographiste en région Occitanie. Au cours de consultations d'environ 20 à 40 minutes, facturées 25 euros. Pourtant "tous les jours", dans son cabinet, la sage-femme entend "je ne savais pas que vous pouviez faire de frottis", "je ne savais pas que vous pouviez faire le suivi gynécologique", "et le gynéco, je le vois quand ?"
Charlotte Baudet-Benzitoun, sage-femme échographiste
"La moitié de la population, c'est des femmes. Et les femmes, ce ne sont pas des citoyennes de seconde zone", s'insurge de son côté Anick Rabaud. Au quotidien, elle assure justement la prise en charge, "carte de sécurité sociale ou pas, AME (aide médicale de l'État) ou pas" des mineurs "qui viennent anonymement", "des patientes que l'on appelle sans-papiers", des travailleuses saisonnières employées dans les champs alentours, des femmes victimes de violences...
Chantal Birman, un hymne "A la vie"
"C’est le curseur de la situation des femmes dans la société. C’est un métier avec beaucoup d’études, absolument pas reconnu, avec des responsabilités", lance sur France Inter Chantal Birman, à l'honneur dans le documentaire À la vie, signé Aude Pépin et en salles le 20 octobre en France. Pour elle, ce qui est extraordinaire, c'est d’essayer "de lever le rose et le bleu qui entourent la naissance perpétuellement et donner quelque chose qui approche un petit peu de la vérité et de la réalité". "Les femmes nous font confiance à un moment où elles sont en train de changer de carapace, en pleine mutation. Elles sont dans une hyper fragilité.", raconte-t-elle. Quant aux pères, "ils sont dans état de sidération"."A la vie" : un documentaire d' Aude Pépin nous emmène à la rencontre de Chantal Birman, sage-femme et défenseuse des droits des femmes https://t.co/KbtnPkmNfE pic.twitter.com/YDRWJf7Ddp
— TERRIENNES (@TERRIENNESTV5) October 14, 2021
Grandes oubliées du Ségur de la Santé, les #SagesFemmes réclament une plus grande reconnaissance. Rejoignez le combat avec #ALaVie, le 20 octobre au cinéma. #Unefemmeunesagefemme pic.twitter.com/hQvXSEPxJt
— TANDEM (@TandemTM) September 21, 2021
Un élan de solidarité
"Allez les sages-femmes ! Vous êtes l'avenir de la natalité du monde, ne lâchez rien", lance une internaute sur la page Facebook de l'USSN, l'un des syndicats de sages-femmes. "Pour des femmes formidables, et maintenant aussi des hommes, qui, depuis des milliers d'années, font que les accouchements ne sont plus des drames mortels pour les enfants ou pour les femmes qui mouraient en couche, laissant des orphelins sans maman, des femmes qui font qu'aujourd'hui les femmes accouchent presque sans douleur, qui les accompagnent avec beaucoup d’empathie et qui font le travail, en plus du leur, des gynécologues manquants ou bien qui renoncent à ces charges qu'ils estiment (sans le dire vraiment) trop fastidieuses et inintéressantes pour leur grand statut de médecin, laissant ainsi les sages-femmes accomplir des actes qui ne sont pas de leurs attributions", écrit-elle encore dans un long hommage au métier de sage-femme.Un nouveau "week-end noir", à l'appel de l'ONSSF (catégoriel) et avec l'appui de la CGT a déposé un préavis de grève du 26 au 29 novembre. "On ne dit pas que c'est suffisant, mais c'est un accord d'étape qui reste positif.", estiment les signataires de l'accord annoncé par le ministère de la Santé, "on va signer parce qu'il y a quand même des avancées, même si on reste sur notre faim", affirme Jean-Claude Stutz (Unsa), estimant qu'"il ne faut pas que le gouvernement pense qu'il est débarrassé du problème". Gilles Gadier (FO) entend "continuer à travailler" sur le statut et les effectifs.

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