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Les travailleuses françaises gagnent toujours 23,5% de moins que leurs homologues hommes, rapporte l'organisation OXFAM.
Sur une vie, l'écart de rémunération entre femmes et hommes en France s'élève à 300.000 euros (480.000 euros pour les sur-diplômés). Pour réduire ces inégalités salariales persistantes, un atelier propose d'aider les femmes à être plus offensives pour négocier leurs augmentations.
"Les travailleuses françaises gagnent toujours 23,5% de moins que leurs homologues hommes (source INSEE)" dans le secteur privé et "la France a été classée 48e pays du monde en matière d’égalité dans le secteur économique par le Forum économique mondial en 2024", comme tient à le rappeler l'organisation OXFAM dans un communiqué publié à quelques jours de la journée internationale des droits des femmes.
Selon les dernières données de l’INSEE, cet écart se réduit à 14,9 % pour un temps de travail identique et à 4 % à poste comparable. Les écarts sont plus importants à mesure que l’on monte dans la hiérarchie des emplois, notamment au sein des postes de direction et des cadres supérieurs.
Egalité des salaires : rendez-vous en l'an 2186
Le dispositif #negotraining a été créé à Nantes en 2017. Piloté par l'école de commerce Audencia, il s'est depuis décliné sur le territoire français, avec différents partenaires, dont l'Apec, et a déjà bénéficié à plus de 5.500 femmes.
L'idée c'est quand même que vous repartiez beaucoup plus à l'aise avec ce sujet qui peut être un sujet de crispation. Valérie Lucas, consultante Apec
Fin 2024, 17 femmes se sont réunies dans les locaux de l'Association pour l'emploi des cadres (Apec) de Nantes pour cet atelier gratuit. Face à une assistance de cadres entre la vingtaine et plus de 50 ans, en emploi ou au chômage, les formatrices - Dominique Flichy et Valérie Lucas, deux consultantes de l'Apec -, posent d'emblée les enjeux : "L'idée c'est quand même que vous repartiez beaucoup plus à l'aise avec ce sujet qui peut être un sujet de crispation".
Surtout pour les femmes : près de 68% des jeunes hommes négocient leur salaire à la première embauche contre seulement 53% pour les femmes.
Pour lancer la matinée, les formatrices proposent un premier petit exercice : "Parmi vous, quelles sont celles qui ont déjà tenté une négociation de salaire ?", demande Valérie, en leur demandant de se lever. Dix femmes s'exécutent. "Qui a réussi ?" : elles ne sont plus que six debout. "Pensez-vous que c'est grâce à vous ?" : il n'en reste que... deux.
S'ensuit un petit quizz sur les inégalités en France : tous profils confondus, au rythme actuel, "il faudra 168 ans pour atteindre l'égalité économique", explique Valérie. Et "sur une vie, l'écart de rémunération entre femmes et hommes s'élève à 300.000 euros (480.000 pour les sur-diplômés), une petite maison quand même..."
Je savais qu'il y avait des différences, mais à ce point là... Charlotte Dassonville, 35 ans
"Oh la vache !", lance une participante. Charlotte Dassonville, 35 ans, "tombe aussi un peu de (s)a chaise". "Je savais qu'il y avait des différences, mais à ce point là...", constate la jeune femme qui cherche un poste dans les ressources humaines.
Valérie et Dominique fournissent moult conseils pratiques : connaître sa valeur, mettre en avant ses réalisations, etc., insistant surtout sur la préparation en amont, car "l'impro, c'est risqué". Pour illustrer ce point, les participantes font un petit jeu de rôle : elles doivent se vendre en une minute pour obtenir un rendez-vous, le temps d'un trajet d'ascenseur ("elevator pitch"). Comme d'autres, Nathalie Prouvèze, coordinatrice dans la gestion de projet qualité, quinquagénaire en recherche d'emploi, trouve l'exercice "pas si évident".
Parmi les conseils prodigués, les deux consultantes suggèrent d'aller rechercher des fourchettes de rémunération sur les sites spécialisés mais aussi de ne pas se focaliser uniquement sur les salaires, "la pointe de l'iceberg", en négociant les autres avantages (télétravail, forfait mobilité, intéressement...), voire le titre du poste (devenir directrice plutôt que responsable, par exemple). Elles rappellent aussi qu'une directive européenne sur la transparence des rémunérations doit être transposée d'ici juin 2026.
Plus de transparence, plus d'égalité
L’Union Européenne a adopté le 24 avril 2023 une directive imposant aux entreprises de plus de 250 employés de s’y conformer en droit français avant juin 2026.
En vertu des nouvelles règles, les entreprises de l'UE seront tenues de partager des informations concernant les salaires, et de prendre des mesures en cas d'écart de rémunération entre les femmes et les hommes supérieur à 5 %.
La directive comprend également des dispositions sur l'indemnisation des victimes de discrimination en matière de rémunération ainsi que des sanctions, y compris des amendes, pour les employeurs qui enfreignent les règles.
Le manque de transparence des rémunérations est l'un des principaux obstacles à l'élimination de l'écart de rémunération entre les hommes et les femmes, qui continue de s'élever à environ 13 % en moyenne dans l'UE en 2020, ce qui signifie que les femmes gagnent en moyenne 13 % de moins par heure que les hommes.
L'écart de rémunération a une incidence à long terme sur la qualité de vie des femmes, sur le risque qu'elles courent de tomber dans la pauvreté et sur l'écart persistant en matière de pensions de retraite, d'environ 30 % dans l'UE (données de 2018).
"Moi, je n'aime pas dire combien je gagne", glisse une participante. "Mais ça permet de faire avancer tout le monde", relance une autre, tandis qu'une troisième note que "cette omerta sur les salaires arrange souvent les patrons".
Après l'atelier, huit femmes sur dix se lancent dans la négociation et réussissent. Dominique Flichy et Valérie Lucas, formatrices
Les formatrices assurent qu'après l'atelier "huit femmes sur dix se lancent dans la négociation et réussissent". "Il faut oser", insistent-elles, car sinon, "vous n'obtiendrez jamais rien".
A l'issue de l'atelier, les participantes sont satisfaites. L'une d'elles se réjouit de repartir avec "un peu plus de muscle", d'autres évoquent "plus d'assurance", "de légitimité", ou "des outils".
Sandrine, 42 ans, qui travaille dans le secteur mutualiste, juge l'atelier "très intéressant". Ça progresse mais, pour des raisons "historiques", "on rame pour avoir cette égalité", dit-elle. "Je pense que malheureusement, il y aura toujours des écarts", estime Charlotte, qui se sent plus prête à "oser".
Eloïse Hardouin, 37 ans, qui travaille dans la métallurgie, note qu'"il n'y a pas de formation équivalente pour les hommes". Niveau confiance en eux, ils n'ont "pas le même héritage que les femmes".
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