Salvador : Evelyn Hernandez, condamnée pour une fausse couche, définitivement acquittée

L'acquittement d'Evelyn Hernandez enfin confirmé. Poursuivie pour homicide aggravé par négligence après avoir perdu son bébé, mort-né, cette jeune Salvadorienne avait été condamnée lors d'un premier procès à 30 ans de prison. Elle y a passé deux ans et demi avant d'être acquittée en août 2019. Au Salvador, l'avortement reste interdit et passible de lourdes peines de détention.
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Evelyn Beatriz Hernandez milite désormais pour le droit à l'avortement, qui reste toujours illégal dans ce pays. Le parquet a officiellement confirmé son acquittement lundi 8 juin 2020. 
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Récit : May Vallaud/TV5monde
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Un tribunal du Salvador a confirmé lundi 8 juin 2020 l'acquittement d'Evelyn Hernandez, jugée pour homicide après avoir perdu son bébé et condamnée à 30 ans de prison en première instance, mais qui a toujours assuré que l'enfant était mort-né.
Le parquet général, qui avait fait appel de la décision d'acquittement, peut cependant encore introduire un recours en cassation. 

Evelyn Hernandez, 22 ans, avait été condamnée pour "homicide" en juillet 2017 à 30 ans de prison en première instance. L'affaire avait fait grand bruit à l'époque, au Salvador et à l'étranger.

Le code pénal salvadorien prévoit une peine de deux à huit ans de prison pour les cas d'avortement. Mais, dans les faits, les juges considèrent toute perte du bébé comme un "homicide aggravé", puni de 30 à 50 ans de réclusion.

Heureuse, libre, et revenue à la vie

"Je suis heureuse (...) Maintenant que je suis libre, j'ai l'impression d'être revenue à la vie.",  avait déclaré Evelyn Hernandez, en sortant du tribunal de Ciudad Delgado, au nord-est de San Salvador, la capitale, lors de son acquittement le lundi 19 août 2019, faute de preuves. L'accusation avait réclamé contre la jeune femme une peine de 40 ans de prison pour homicide aggravé par négligence.


"Le juge a été assez juste : il a dit qu'il n'y avait pas moyen de prouver le délit, et c'est pour cela qu'il a prononcé l'acquittement. Il a dit qu'il s'agissait d'un accouchement difficile", a indiqué Bertha Maria Deleon, son avocate.

"Grâce à Dieu, justice a été rendue. Je vous remercie aussi vous toutes qui êtes venues ici", a lancé Evelyn Hernandez aux manifestantes rassemblées devant le palais de justice. Celles-ci ont laissé éclater leur joie à l'annonce de la décision : "Attention, attention, la lutte féministe avance en Amérique latine", ont-elles scandé.
 

joie manifestantes Salvador
Plusieurs centaines de manifestantes étaient venues accueillir Evelyn Hernandez à la sortie du Palais de justice de Ciudad Delgado (Salvador), ce 19 août 2019.
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Justice rendue

"Tout le temps passé (en prison) a été dur", a souligné la jeune femme, qui est restée 33 mois derrière les barreaux après une première condamnation à 30 ans de prison en juillet 2017. Ce premier jugement avait été cassé en février dernier par la Cour suprême, et Evelyn Hernandez libérée.

L'affaire remonte au 6 avril 2016, lorsque la jeune femme, alors adolescente, donne naissance à un bébé dans des toilettes. Transférée à l'hôpital de la ville de Cojutepeque (centre), elle est arrêtée et accusée d'homicide. Evelyn Hernandez a toujours protesté de son innocence et assuré que son bébé était mort-né.

Dans un premier temps, il avait été dit qu'Evelyn Hernandez était enceinte après un viol, mais son avocate a expliqué ensuite, sans donner plus de détails, préférer ne plus évoquer ces circonstances à la demande de la jeune femme qui habite dans un quartier contrôlé par les gangs et pourrait faire l'objet de représailles.

Pratique discriminatoire

"Cela prouve que le délit n'existait pas, qu'il n'y avait pas lieu d'engager des poursuites", a déclaré à la sortie du tribunal l'avocat Arnau Baulenas de l'Université jésuite centroaméricaine IDHUCA. Le juriste, qui faisait partie de l'équipe de la défense, a déploré que beaucoup de femmes soient poursuivies au Salvador "en raison de convictions religieuses" plus que pour des motifs juridiques.

Amnesty International a salué dans un communiqué "une victoire éclatante pour les droits des femmes au Salvador" : "aucune femme ne doit être mise injustement en accusation pour homicide pour le simple fait d'être confrontée à une urgence obstétrique". "Maintenant qu'Evelyn a été acquittée, Amnesty International demande au Salvador de mettre fin une bonne fois pour toutes à la honteuse pratique discriminatoire criminalisant les femmes, et de supprimer immédiatement les règles draconiennes contre l'avortement", ajoute l'organisation de défense des droits humains.

L'arsenal législatif et judiciaire qui réprime sévèrement l'avortement reste intact au Salvador. Le code pénal salvadorien prévoit toujours une peine de deux à huit ans de prison pour les cas d'avortement. Dans les faits, les juges considèrent toute perte du bébé comme un "homicide aggravé", puni de 30 à 50 ans de réclusion.
 

[Le tribunal a acquitté Evelyn Hernandez des accusations qui pesaient sur elle. Nous célébrons aujourd'hui une victoire pour les droits des femmes au Salvador. Pour Evelyn et pour celles qui manquent ! "Il y a d'autres femmes emprisonnées et j'espère que justice sera faite pour qu'elles soient rapidement libérées" Evelyn Hernandez]

Actuellement, 16 femmes sont en prison au Salvador pour des avortements. Au cours de l'année 2019, cinq femmes condamnées pour des cas similaires ont été remises en liberté.