Fil d'Ariane
Le Salvador possède l'une des législations anti-avortement les plus répressives au monde. Cette législation amène des situations extrêmes, comme celle de Teodora Vasquez : cette salvadorienne de 34 ans vient d'être libérée après avoir passé 11 ans derrière les barreaux pour une fausse couche.
C'est la fin du calvaire pour Teodora Vasquez, double victime d'un crime qu'elle n'a pas commis. Son bébé est mort-né lors d'une fausse couche le 14 juillet 2007 à presque 9 mois de grossesse. Pour la justice de son pays c'est un homicide aggravé. Elle est arrêtée alors qu'elle était encore insconsciente.
Alors qu'elle sort de prison, son soulagement est palpable : " Je sais que cela n'a pas été en vain. Je suis très contente de retrouver ma famille après 10 ans et 7 mois de séparation. Nous voilà à nouveau réuni."
Teodora Vasquez a purgé 11 ans de prison, pour une peine initiale de 30 années. Une peine confirmée en décembre 2017 par la justice — qui maintient qu'elle a étranglé son bébé — mais commuée par la Cour suprême du Salvador sous pression des associations œuvrant à la dépénalisation de l'avortement. L'affaire a fait grand bruit. Teodora est devenue militante :
C'est l'un de mes rêves les plus chers, me battre pour celles qui sont encore en prison, trois sont encore détenues et j'espère que nous arriverons très bientôt à leur rendre leur liberté.
Teodora Vasquez
Quelques semaines avant sa libération, pour le compte du média en ligne Konbini, le journaliste Hugo Clément, avait interrogé Téodora Vasquez sur les lieux de détention.
Elle ingnorait encore qu'elle serait libérée et avait livré un témoignage poignant. "Croyez-moi, j’aurais bien aimé vivre en France, je n’aurais jamais été emprisonnée. Parce que pour être honnête, celles qui sont incarcérées, ici au Salvador, pour ce délit, ce sont nous les pauvres, a-t-elle confié les yeux humides et la gorge serrée. Quand les gens ont de l’argent, ils ne sont pas incarcérés pour de tels faits."
"Quand ils m'ont dit que j'écopais d'une peine de 30 ans, j'ai senti que mon univers s'effondrait", l'interview de Teodora del Carmen Vásquez de Saldaña, incarcérée depuis 2007 à la suite d'une fausse couche pic.twitter.com/RuGC9cAFWs
— Konbini news (@konbininews) 1 février 2018
A la suite de ce reportage qui avait fait le tour des réseaux sociaux, la députée française, LREM, Anne-Christine Lang avait lancé une pétition #FreeTeodora, pour soutenir et exiger sa liberté. Elle avait reccueilli plus de 2600 signatures.
Le Salvador est l'un des pays les plus répressifs au monde sur l'avortement, y compris thérapeutique. Deux à huit ans de prison selon le Code pénal, jusqu'à 50 ans de réclusion pour les juges. Cette sévérité absolue est récente puisqu'elle date de 1997 : des catholiques et des groupes de droite avaient obtenu la modification de la Constitution. Un gigantesque pas en arrière rendant illégal l'avortement, en toutes circonstances.
Il y a 5 ans, il a fallu l'intervention de la Cour intéraméricaine des droits de l'Homme pour qu'une jeune femme, qui s'était vu refusée l'avortement — alors même qu'elle était enceinte d'un foetus sans cerveau — puisse bénéficier d'une césarienne. Le nouveau-né n'avait pas survécu plus de quelques heures
À l'heure actuelle, au moins 27 autres salvadoriennes sont incarcérées pour avoir perdu leur bébé et attendent d'être libérées.
"Le message que je donnerai au monde et particulièrement à mon pays le Salvador, a poursuivi Teodora Vasquez au micro du journaliste de Konbini. Ce serait qu’il ne faut pas qu’on se discrimine entre femmes. Au contraire, il faut qu’on se soutienne. Ce que je demande c’est que nous soyons solidaires entre nous. Que nous apprenions à nous aimer en tant que femmes et à nous soutenir. Sinon il n’y aura personne pour le faire alors soutenons-nous ! "