Santé-beauté : stop aux régimes fous !

Manger son placenta, se nourrir de vent et de soleil, avaler des boules de cotons imbibés de jus d'orange, les stars plébiscitent tout et n'importe quoi pour partager leur "secret de beauté". L'affaire serait amusante s'il n'y avait, parfois, des morts à la clé.
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Les trois grasses
Les Trois Grâces (1938)  du sculpteur Aristide Maillol dans le Jardin du Louvre
photo Frantz Vaillant
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Quelques grammes de bon sens et le conseil d'un nutritioniste agiraient pourtant comme un révélateur.
Mais non. 
Il y a la caution des "stars", souvent des mannequins célèbres, et, surtout,  la docilité d'une certaine presse, toujours prompte à relayer les "nouvelles tendances alimentaires" où l'idiot, souvent, le dispute au n'importe quoi.

Sur la toile, dans les pages des magazines "people", on ne compte plus les régimes iconoclastes. L'été, semble-t-il, est la saison propice pour assurer leur publicité.
Pourtant, il n'est pas superflu de rappeller que la dictature de la minceur n'a pas toujours été la règle.

Dans son essai, Rouge à lèvres et pantalon,  l'ethnologue Suzanne Marchand explique que si les femmes plébiscitèrent la minceur c'est qu'elles prouvaient ainsi "qu’on peut s’offrir des aliments plus fins (poissons, légumes verts, fruits), moins caloriques et surtout plus chers. C’est aussi démontrer que l’on dispose de moyens nécessaires pour consacrer une partie de son temps à l’exercice physique. En somme, au XXe siècle, la minceur est un luxe qui symbolise le prestige social." Puis le cinéma, la  télévision, les réseaux sociaux ont enfiévré cette tendance.
 
Le monde au régime

En 2016, une enquête de Nielsen Global Ingredients and Dining Out Trends, démontrait que "environ deux tiers (64%) des interrogés déclarent suivre un régime qui limite ou interdit la consommation de certains aliments ou ingrédients. On retrouve un taux plus élevé que la moyenne mondiale en Afrique / Moyen-Orient (84%) et en Asie-Pacifique (72%)."
Le surpoids et l'obésité touchent respectivement 32 % et 15 % des personnes de plus de 18 ans en France.
Voici donc, glanés ça et là, quelques régimes ou modes alimentaires qui font parler d'eux en ce moment.

Le respirianisme

Saviez vous que le vent et le soleil procurerait une énergie invisible, le "prana",  suffisamment nutritive pour remplacer les aliments et les boissons ? En suivant ce
soleil
 Le mouvement, sous surveillance en France  de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires revendiquerait 40 000 fidèles dans le monde
(DR)

régime, un régime qui ferait faire peur à Ghandi lui-même,  les disciples atteindraient l'illumination suprême au bout de 21 jours. Défense de rire. Mais on peut pleurer devant une telle énormité. Rendre la nourriture superflue ! Une allemande de 62 ans, adepte de ce mouvement New Age, vient de perdre la vie. Sur la page internet de la communauté sectaire où elle vivait, on peut lire que les adeptes ont commencé à "se libérer" de la nourriture en mai 2014  "En buvant uniquement du jus de fruit et de plantes, le chant semble plus beau (...) Cela laisse plus de place à la respiration, aux sentiments et aux émotions.".

La grande promotrice de ce mouvement est Ellen Greve (ou Jasmuheen), une Australienne qui donne des conférences et publie des ouvrages sur la question.
Pour atteindre le parfait équilibre, elle préconise : "Evitez de manger et de boire, la nourriture est une drogue … qui vous coupe du vivant. De plus ce n’est pas naturel d’absorber un corps étranger… " etc.

Depuis 2012 , cinq décès sont directement liés au respirianisme et aux publications de Jasmuheen. L'interessée nie toute responsabilité et refuse désormais tout suivi médical qui pourrait lui apporter la contradiction. En 1998, une journaliste notait dans The Independant : "Les visiteurs de sa grande villa dans la région prospère de Chapel Hill, à Brisbane, trouvent invariablement son réfrigérateur généreusement approvisionné en nourriture, toute destinée, elle insiste, à l'estomac de son deuxième mari, Jeff Ferguson, un fraudeur condamné ".
Oui, pourquoi insister ?

Kim
Kim Kardashian le 12 avril 2017 à Los Angeles
(Photo by Chris Pizzello/Invision/AP)

Manger son placenta

C'est une tendance qui remonte à quelques années déjà. Elle vient des Etats-Unis. On la croyait passée de mode ou carrément disparue et puis non ! Il a fallu une publication sur le site de Kim Kardashian après la naissance de son second enfant pour relancer cette tendance : manger son placenta. La bimbo-star, une "influenceuse" comme on dit aujourd'hui, écrit : " Quand je dis que j'ai mangé mon placenta, je veux dire que je l'ai fait dessé­cher et trans­for­mer en pilules. "  Plus récemment, en avril 2015, l'acteur ex-rappeur  Joey Starr déclarait sur le plateau de l'émission C'est à vous : "J'ai goûté le placenta, j'ai mangé un peu de mon fils !" Provoc assurée et assumée.

Placenta
Cuit ou cru, le placenta peut contenir des virus, des bactéries ou des métaux lourds.
photo Wikipedia Creative Commons

Pourquoi donc cette étrange fringale ? Bien qu'il n'existe aucune preuve scientifique des effets bénéfiques de la placentophagie sur la santé, manger son placenta permettrait de favoriser la lactation, de profiter  des vitamines B12 et du fer naturellement présents dans l’organe. Un autre de ses effets serait  d'éviter le baby-blues, cette déprime post natale qui survient, parfois, à la suite de l'accouchement. On trouve donc désormais toutes sortes de recettes (en lasagne,  en pâté, en smoothie, etc.) sur les réseaux sociaux. Bon appétit.

Or cette mode n'est pas sans danger pour la santé. 
Le 30 juin, la publication d'un rapport américain du Centre pour le contrôle et la prévention des maladies (CDC) met en garde les mères adeptes de cette pratique. Le document évoque le cas de ce bébé qui, à Portland, en septembre 2016,  a contracté une grave  infection respiratoire après que sa mère ait pris des gélules de placenta contaminées.

Rappelons qu'il est impossible en France pour une maman de récupérer son placenta. Selon la direction juridique de l’Agence de la Biomédecine, " le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial ".
A moins, bien entendu, d'accoucher à la maison.

Avaler du coton pour tromper la faim

Provoquer une impression de satiété en ingérant des boules de coton ou de mouchoir en papier imbibés de jus d'orange ou de confiture, une idée tout bête (et, disons-le, franchement imbécile), mais qui a ses adeptes. Evoquons tout de suite le risque d'étouffement, de malnutrition et d’obstruction du tube intestinal qui pourrait mettre la vie de la personne en danger.

 
Ver solitaire
Un ver solitaire. Une fois ingérée, la larve de ténia se fixe par sa tête à la paroi de l’intestin grêle. Elle s’y développe progressivement grâce à la nourriture ingérée par l’hôte et atteint sa taille adulte en trois mois.
(DR)
Au rayon du grand n'importe quoi, citons aussi l'inhalation  d'huile essentielle de pamplemouse", censée couper l'appétit, et le régime dit "du ver solitaire". Il s'agit d'ingérer des vers  afin que ces aimables bestioles dévorent tout ce que vous mangez.

Khloe Kardashian, entrepreneuse (et soeur de l'autre),  a déclaré à la télévision qu'elle pensait à utiliser un parasite pour perdre du poids. Gros émoi... et belle publicité ! 

La star américaine est en effet  suivie par plus de 66 millions de personnes sur Instagram et plus de 23 millions sur Twitter ! Une déclaration un tantinet irresponsable quand ont sait les dangers encourus pour la santé :  douleurs abdominales, nausées, fatigue,  troubles oculaires et neurologiques …

En attendant, la Food and Drug Administration, l'Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux, a  officiellement interdit les pilules au ténia aux États-Unis. Mais des furieux (ses) s'obstinent à en commander en Russie, surinternet.

Tous les régimes sont-ils dangereux ?

Enfin, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement

et du travail (ANSES), dans une étude publiée en septembre 2016, montre que tous les régimes amaigrissants présentent des risques pour la santé plus ou moins graves : "La recherche de perte de poids par des mesures alimentaires ne peut être justifiée que pour des raisons de santé, et cette démarche doit faire l'objet d'une prise en charge par des spécialistes - médecins nutritionnistes, diététiciens-nutritionnistes".

Alors, que faire si l'on veut gommer quelques bourrelets disgracieux ?
L'agence rappelle "que rien ne peut remplacer, en terme de santé, une alimentation équilibrée, diversifiée, en veillant à ce que les apports énergétiques journaliers ne dépassent pas les besoins. Par ailleurs, pour réduire les risques de prise de poids, l'évolution des habitudes alimentaires doit être associée à une activité physique régulière."
Le bons sens même.