Fil d'Ariane
Tabac, sédentarité, stress, contraception : le mode de vie des femmes de moins de 35 ans les rend de plus en plus vulnérables au risque de maladies cardiovasculaires.
"Les problèmes cardiovasculaires sont en augmentation chez les femmes jeunes, s'inquiète la cardiologue Catherine Monpère dans l'Indre-et-Loire. Les facteurs de risque que sont le tabac et la sédentarité font perdre aux femmes la protection dont elles bénéficient naturellement jusqu’à la ménopause grâce aux œstrogènes", a-t-elle expliqué lors d'une conférence de presse de la Fédération française de cardiologie (FFC), déplorant "une dégradation des connaissances chez les plus jeunes".
Interrogées sur les facteurs de risque cardiovasculaires (AVC, infarctus du myocarde, hypertension...), à peine 16% des moins de 35 ans citent le tabac, selon le dernier baromètre Cœur et femmes de l'IFOP de janvier 2023 pour la FFC, auprès de 1 002 femmes de plus de 18 ans.
Le tabagisme est pourtant l'un des principaux facteurs de risque, notamment pour les femmes. Une consommation de tabac quotidienne qui ne baisse pas : en décembre 2022, Santé publique France faisait état d'une hausse en 2021 (à 23% contre 20,7% en 2019)."A consommation égale de cigarettes, les risques cardiovasculaires sont 25% plus élevés pour elles", rappelle le docteur Monpère.
Autre facteur négligé : la sédentarité et le manque d'activité physique qui font le lit de l’obésité.
En surpoids, Virginie Gruzon a été victime il y a quatre ans, d’un infarctus du myocarde à seulement 42 ans. "Je suis infirmière et pourtant je ne pouvais pas y croire", se souvient cette mère de famille. Une incrédulité d’abord partagée par l'équipe médicale de l’hôpital de Soissons où elle est arrivée avec des douleurs à la poitrine et un essoufflement important. "J’ai été très bien prise en charge, mais c’est vrai que je ne correspondais pas au profil qu’on s’attend à avoir quand on parle d’infarctus", décrit-elle.
Si les femmes peuvent tenter de limiter ces facteurs de risque, elles n'ont que peu de prise sur d'autres. Elles sont ainsi particulièrement vulnérables aux moments clés de leur vie hormonale, à commencer par la contraception.
Or certaines femmes sont mal informées "et utilisent une contraception avec œstrogène alors qu'elles présentent une contre-indication (tabac, surpoids, diabète, migraines)" qui les fragilise, selon la cardiologue Claire Mounier-Vehier, cofondatrice de l'association Agir pour le cœur des femmes. "Il n'est pas acceptable de mourir à cause d'une contraception contre-indiquée", juge-t-elle.
L'enquête menée par cette association qui sillonne la France pour informer et prévenir ces risques chez les femmes montre que parmi les 173 femmes du panel prenant une contraception avec des estrogènes de synthèse, 61% d’entre elles (106) ont une contre-indication : âgées de plus de 35 ans, IMC supérieur à 30, tabagisme actif ou autres (migraine avec aura, diabète non contrôlé…)
Dès le premier trimestre, la grossesse demande une importante adaptation de l’organisme, avec particulièrement une augmentation du volume sanguin et du travail du muscle cardiaque, afin d’apporter tous les éléments nutritifs requis au placenta et au foetus. En outre, l’accouchement peut être assimilé à une véritable épreuve d’effort, à cause des poussées, mais également des contractions utérines, qui modifient fortement le débit sanguin. Ces modifications peuvent influer sur le statut cardiovasculaire de la future mère.
"Seulement 25% des femmes ont conscience d’un risque majoré pendant la grossesse", rappelle l’étude de la Fédération française de cardiologie.
D’autres pathologies, comme le syndrome des ovaires polykystiques ou l'endométriose, sont des facteurs de risque.
"A cause de la surstimulation ovarienne, les femmes ayant eu recours à la procréation médicalement assistée (PMA) sont également plus vulnérables", ajoute Stéphane Manzo-Silberman, cardiologue à la Pitié-Salpêtrière.
Brigitte Raccah-Tebeka, gynécolo-endocrinologue à Paris et ambassadrice d’Agir pour le Cœur des Femmes.
Les modifications des facteurs de risque cardiovasculaire des femmes ménopausées sont bien connues comparativement aux femmes en activité génitale, comme l'explique Brigitte Raccah-Tebeka, gynécolo-endocrinologue à Paris et ambassadrice d'Agir pour le coeur des femmes.
"Il a été également montré qu’une ménopause précoce (et/ou chirurgicale) est associée à une mortalité globale plus élevée, et notamment d’origine cardiovasculaire", précise la docteure, qui se base sur une récente étude japonaise, particulière parce que "longitudinale, avec un suivi moyen de presque de 11 ans permettant de suivre des femmes initialement en préménopause qui deviennent ménopausées durant le suivi". Cette enquête porte sur 4 596 femmes, dont 263 sont devenues ménopausées pendant l’étude.
"Comparativement à l’évolution chez les hommes, ces femmes voyaient bon nombre de leurs paramètres métaboliques se détériorer de façon plus marquée statistiquement : plus forte augmentation du cholestérol total, du cholestérol LDL, des triglycérides, de l’acide urique, de l’hémoglobine et des enzymes hépatiques. En revanche, l’évolution de l’indice de masse corporelle, les pressions artérielles systoliques et diastoliques et l’hémoglobine glyquée évoluaient de la même manière que chez les hommes durant la période d’observation", précise Brigitte Raccah-Tebeka. Selon elle, l’arrivée de la ménopause doit être une étape clé chez la femme pour effectuer un dépistage systématique cardiovasculaire et métabolique.
Encore faut-il que les professionnels de santé fassent de la prévention auprès de celles qui n’entrent pas forcément dans la case des personnes à risque.
Anne-Hélène Pasco, 44 ans, a eu trois grossesses avec pré-éclampsie (hypertension artérielle), et quasiment aucun suivi particulier après les accouchements. "J’ai suivi un traitement uniquement après ma première grossesse pour régulariser ma tension mais on ne m’a jamais expliqué les implications à long terme de cette maladie, explique cette Rennaise à l'AFP. J’ai cherché les informations toute seule et j’ai découvert qu’il y avait un risque accru d’AVC et de problèmes cardiovasculaires", ajoute-t-elle.
Les maladies cardiovasculaires restent la 1ère cause de mortalité chez les femmes. Or, "dans 8 cas sur 10, l'entrée dans la maladie peut être évitée grâce à la prévention", rappelle Agir pour le cœur des femmes.