Depuis le 12 février, l'ONG Oxfam est dans la tourmente. En cause, de nombreuses affaires d'abus sexuels. Médecins Sans Frontières a révélé dans la foulée 24 cas d'abus sexuels commis par ses membres. Des déviances commises aussi par certains Casques Bleus depuis longtemps. Les organisations internationales sont-elles en crise ?
Des démissions de responsables et d'ambassadeurs en cascade. Un suivi médiatique qui ne laisse passer aucune révélation. Depuis les révélations du quotidien britannique
The Times concernant des cas d'agressions sexuelles et de recours à des prostituées par ses employés,
Oxfam est dans la tourmente. Et l'onde de choc se propage. Médecins Sans Frontières (MSF) a pris les devants et révélé 24 cas d'abus sexuels de ses employés. Plusieurs autres organisations sont aussi concernées.
De son côté, l'ONU et ses Casques Bleus ne sont pas en reste : depuis de nombreuses années, des scandales éclatent régulièrement sur les exactions des soldats mandatés par l'organisation internationale. Pourtant, de nombreuses mesures de prévention sont mises en place pour éviter ces actes délictueux qui nuisent à la crédibilité de cette armée.
Pourquoi cet intérêt soudain ?
Les faits reprochés à Oxfam datent, pour certains, de plusieurs années déjà. Il en va de même pour les autres ONG. Pourtant, des journalistes avaient déjà essayé d'en discuter. Delphine Bauer, par exemple, journaliste membre du collectif Youpress, raconte : "
il y a un an, nous avions contacté des rédactions pour enquêter sur l'ONU et ces affaires d'agressions sexuelles : personne n'était intéressé." Elle avait rejoint alors le projet transmedia "
Zero Impunity" avec Hélène Molinari. De cette enquête sort un livre,
Impunité zéro portant sur l'ONU et ses failles.
Pour cette journaliste, l'intérêt nouveau pour cette problématique tient au mouvement
#MeToo et à l'affaire Weinstein. La libération de la parole sur les réseaux sociaux a entrainé un phénomène de viralité qui appelle celles et ceux qui n'ont pas encore parlé à se manifester. La conséquence du fort engouement autour de ce mot-dièse est simple : médias et particuliers s'investissent bien plus pour porter ces affaires sur le devant de la scène. Car cette libération de la parole amène aussi les individus à oser révéler ce qu'ils taisaient par le passé.
La question du pouvoir
Si l'effet de viralité donne l'impression d'une généralisation de ces actes, "
dire qu'il y a une culture du viol chez les ONG, ce serait nier le travail des humanitaires et des bénévoles qui est essentiel" d'après Delphine Bauer. La réalité est plus complexe.
Quand les humanitaires et les soldats arrivent en mission dans des pays dévastés, ils ont une position de pouvoir. Alors des "
verrous moraux sautent" et entrainent ces abus. D'autant que, chez les Casques Bleus notamment, il existe un sentiment d'impunité, lié au manque de conséquences à leurs actes qui restent secrets.
Pour l'ONU, l'une des racines du problème tient au fait que, lorsque les contingents de soldats sont recrutés, il n'y a pas de contrôle de leurs antécédents. Ainsi, des anciens membres de milices ou groupes paramilitaires, déjà coupables d'abus sexuels, se retrouvent dans les rangs de l'organisation internationale et continuent leurs exactions.
L'une des questions fondamentales que pose cette affaire et, de manière plus générale, le mot-dièse
#MeToo, est celle du pouvoir.
"Le pouvoir tend à corrompre, le pouvoir absolu corrompt absolument. Les grands hommes sont presque toujours des hommes méchants" disait John Emeric Dalberg. Alors peut-on vraiment confier une position de pouvoir à n'importe qui ?
L'interview complète de Delphine Bauer.